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08/11/2022 | FRANCE | N°20NC01155

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 08 novembre 2022, 20NC01155


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le GAEC des Tilleuls a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2018 par lequel le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté a retiré l'arrêté du 18 mai 2018 refusant de délivrer à M. F... l'autorisation d'exploiter des parcelles situées sur le territoire des communes de La Neuvelle-lès-Lure et de Saint-Germain.

Par un jugement n° 1802028 du 19 mars 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande, ainsi que les conclusions présentée

s par M. F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le GAEC des Tilleuls a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2018 par lequel le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté a retiré l'arrêté du 18 mai 2018 refusant de délivrer à M. F... l'autorisation d'exploiter des parcelles situées sur le territoire des communes de La Neuvelle-lès-Lure et de Saint-Germain.

Par un jugement n° 1802028 du 19 mars 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande, ainsi que les conclusions présentées par M. F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 25 mai 2020, 1er avril 2021 et 15 octobre 2021, le GAEC des Tilleuls, représenté par Me Lagarrigue, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2018 du préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son recours est recevable ; c'est parce qu'il dispose d'un intérêt pour agir que l'arrêté litigieux lui a été notifié ; il a la qualité de preneur sur les parcelles situées sur les communes de La Neuvelle-lès-Lure et Saint Germain, ainsi que cela ressort du jugement du tribunal paritaire des baux ruraux, confirmé par la cour d'appel de Besançon ;

- le motif de refus opposé dans l'arrêté du 18 mai 2018, tiré des conséquences de l'autorisation d'exploiter sollicitée sur la viabilité de sa propre exploitation, était fondé, au regard de l'étude qu'il avait produite ; cet arrêté étant légal, il ne pouvait être retiré ;

- l'administration ne pouvait retirer le refus d'autorisation au motif que le coefficient d'exploitation du cédant demeurait supérieur à 1, dès lors que ce coefficient a été défini par le schéma directeur régional des exploitations agricoles de Franche-Comté, qui est illégal sur ce point, ainsi que l'a estimé le tribunal dans un jugement du 15 novembre 2018, faute de définir avec suffisamment de précision les critères d'appréciation du risque pour la viabilité de l'exploitation du preneur en place ; en tout état de cause, la comparaison des coefficients d'exploitation était impossible, il n'a été tenu compte d'aucune production pour M. F....

Par deux mémoires, enregistrés les 26 février 2021 et 8 novembre 2021, M. A... F... et Mme E... F... née C..., représentés par M. G..., demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête du GAEC des Tilleuls ;

2°) de mettre à la charge du GAEC des Tilleuls une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le GAEC des Tilleuls n'a pas intérêt pour agir, dès lors qu'il n'a pas la qualité de preneur en place, de candidat à la reprise ou de propriétaire, son recours est donc irrecevable ; l'arrêt de la cour d'appel de Besançon dont se prévaut le GAEC fait l'objet d'un pourvoi en cassation ;

- subsidiairement, les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- M. F... est titulaire d'une autorisation tacite d'exploiter, née le 2 juin 2018, faute d'avoir reçu une décision expresse à l'issue du délai de 4 mois après le dépôt de son dossier de demande d'autorisation d'exploiter.

Par un mémoire enregistré le 16 novembre 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par le GAEC des Tilleuls n'est fondé.

Par une ordonnance du 25 août 2022, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 8 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 2 février 2018, M. F... a présenté une demande d'autorisation d'exploiter des parcelles d'une superficie totale de l'ordre de 14 hectares, situées sur le territoire des communes de La Neuvelle-lès-Lure et Saint-Germain et exploitées par le Groupement Agricole d'Exploitation en Commun (GAEC) des Tilleuls. Par un arrêté du 18 mai 2018, le préfet de la région Bourgogne Franche-Comté a refusé d'autoriser M. F... à exploiter ces parcelles, avant de retirer ce refus par un arrêté du 14 septembre 2018. Le GAEC des Tilleuls relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 septembre 2018.

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

2. Aux termes de l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut retirer un acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droits que s'il est illégal et si le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant son édiction ".

3. L'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit que le contrôle des structures des exploitations agricoles, qui s'applique notamment à la mise en valeur des terres agricoles quels que soient la forme ou le mode d'organisation juridique de celles-ci, s'il a pour objectif principal de favoriser l'installation d'agriculteurs, a également pour objectif de consolider ou de maintenir les exploitations afin de permettre à celles-ci d'atteindre ou de conserver une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles. Lorsqu'en application de l'article L. 331-2 du même code, une opération est soumise à une autorisation préalable, le préfet ne peut refuser de délivrer au candidat cette autorisation que pour l'un des motifs définis à l'article L. 331-3-1 de ce code, aux termes duquel : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; / 2° Lorsque l'opération compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place ; (...) ".

4. En application de l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, qui prévoit notamment que " Le schéma directeur régional des exploitations agricoles fixe les critères servant à l'appréciation de la dimension économique et de la viabilité des exploitations concernées par la demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 ", le schéma directeur régional d'exploitation agricole (SDREA) de Franche-Comté a défini un " coefficient d'exploitation ", dont les modalités de calcul sont indiquées à l'annexe 2 du schéma, qui a pour objet de comparer les exploitations selon leur dimension économique en prenant en compte leurs productions et leurs actifs et en les rapportant à une référence régionale de productions et d'actifs, et qui détermine la viabilité des exploitations au regard d'une " exploitation de référence " dont le coefficient est égal à 1. Ce même schéma a par ailleurs précisé qu'en cas d'exercice du droit de reprise par le propriétaire, l'impact sur l'exploitation du preneur en place " sera déterminé en chiffrant les conséquences sur les résultats financiers de celle-ci ".

5. L'arrêté du 18 mai 2018, portant refus d'autorisation, était motivé par la circonstance que le projet compromettait la viabilité du preneur en place. Dans l'arrêté du 14 septembre 2018 retirant ce refus, le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté a estimé au contraire qu'il n'y avait pas atteinte à la viabilité de l'exploitation du GAEC des Tilleuls, au sens du SDREA de Franche-Comté, dans la mesure où le coefficient d'exploitation du preneur en place demeurait supérieur à 1, après l'opération envisagée par M. F....

6. En premier lieu, l'exploitation requérante entend exciper de l'illégalité du SDREA de Franche-Comté, au motif qu'il serait insuffisamment précis, ainsi que l'avait retenu un jugement du 15 novembre 2018 du tribunal administratif de Besançon. Toutefois, la censure du SDREA par la voie de l'exception n'est pas revêtue de l'autorité absolue de la chose jugée. En l'absence, notamment, d'identité de parties, le GAEC des Tilleuls n'est pas fondé à se prévaloir de l'autorité relative de la chose jugée attachée à ce moyen. En tout état de cause, et contrairement à ce que soutient le requérant, les dispositions du SDREA de Franche-Comté mentionnées au point 4 définissent de manière suffisamment précise les critères servant à l'appréciation de la viabilité économique des exploitations concernées. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du SDREA doit être écarté.

7. En deuxième lieu, le GAEC des Tilleuls soutient que la comparaison des coefficients d'exploitation était impossible entre son exploitation et celle de M. F.... Toutefois, de telles considérations sont sans incidence sur la légalité de la décision contestée, qui retire la décision de refus précédemment prise au seul motif que le projet ne met pas en péril la viabilité de l'exploitation du preneur, sans qu'aucune comparaison ne soit faite avec celle de M. F... Le moyen est donc inopérant.

8. En dernier lieu, l'arrêté litigieux estime que la viabilité d'une exploitation agricole doit être appréciée au regard d'une exploitation de référence et qu'en l'espèce le coefficient sera de 1,220 pour le preneur après la perte de la surface dont l'exploitation est demandée par M. F..., ce coefficient étant supérieur à celui de l'exploitation de référence qui est égal à 1. Pour soutenir que la viabilité de son exploitation est menacée, le GAEC requérant se prévaut d'une étude évoquant une perte de rentabilité. Cependant, par la production de cette étude, le requérant ne critique ni le manque de pertinence de l'utilisation du coefficient défini par le SDREA pour l'appréciation de la viabilité d'une exploitation, ni le coefficient retenu, après la perte des surfaces en litige, supérieur à l'exploitation de référence. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que c'est à tort que, pour retirer le refus d'autorisation opposé à M. F..., le préfet a estimé que le projet de ce dernier ne compromettait pas la viabilité de l'exploitation du preneur.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le GAEC des Tilleuls n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir invoquées en défense ou de se prononcer sur la naissance d'une autorisation implicite au profit de M. F..., laquelle serait, en tout état de cause, sans incidence sur l'appréciation de la légalité de l'arrêté en litige portant retrait d'un refus d'autorisation

Sur les frais d'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande le GAEC des Tilleuls au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du GAEC des Tilleuls la somme que demande M. F... sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du GAEC des Tilleuls est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC des Tilleuls, au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et à M. A... F....

Copie en sera adressée au préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.

La rapporteure,

Signé : A. D...La présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. B...

2

N° 20NC01155


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC01155
Date de la décision : 08/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SCP LAGARRIGUE GAUME

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-11-08;20nc01155 ?
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