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13/10/2022 | FRANCE | N°20NC02193

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 13 octobre 2022, 20NC02193


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignées au titre des années 2014, 2015 et 2016 et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016.

Par un jugement n° 1801688 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Nancy, après avoir constaté un non-lieu à st

atuer dans la mesure d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, a rejeté le surplus...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignées au titre des années 2014, 2015 et 2016 et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016.

Par un jugement n° 1801688 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Nancy, après avoir constaté un non-lieu à statuer dans la mesure d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2020, Mme B..., représentée par Me Ackermann, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de la décharger, en droits et pénalités, des impositions contestées laissées à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a engagé la vérification de comptabilité avant de notifier l'avis de vérification en violation de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales en ce qu'elle a exercé son droit de communication le 20 juin 2016 ;

- l'avis de mise en recouvrement en matière de taxe sur la valeur ajoutée a été adressé à M. B... alors qu'il aurait dû être libellé au nom de la succession de l'intéressé ;

- la charte du contribuable vérifiée, opposable à l'administration y compris en cas de procédure d'office, n'a pas été respectée en ce qu'étant l'un et l'autre illettrés, ils n'ont pas pu être assistés durant les opérations de vérification ;

- la méthode de reconstitution des bénéfices et du chiffre d'affaires est excessivement sommaire et radicalement viciée dans son principe en ce que le service a retenu les encaissements apparaissant sur son compte personnel, sur lequel elle a réalisé une opération en tant que particulier et non en tant que professionnel, lequel n'a pas été utilisé à titre professionnel ; il y a donc lieu d'exclure ces encaissements du chiffre d'affaires ; c'est par ailleurs à tort que l'administration a considéré que le prix demandé sur les offres publiées sur le Bon Coin correspondait au prix de vente final des véhicules ; le taux de marge retenu est irréaliste et il y a lieu de les minorer en admettant des taux de marges réalistes sur les ventes et les travaux ;

- l'immeuble vendu le 19 octobre 2015 constituait leur résidence principale et la plus-value doit en conséquence être exonérée sur le fondement du 1° du II de l'article 150 U du code général des impôts.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., dont le décès est survenu le 27 septembre 2017, exerçait depuis le 12 mars 2010 une activité d'achat-revente de véhicules automobiles et de prestations de travaux immobiliers sous le régime de la franchise en base en matière de taxe sur la valeur ajoutée et des micro-entreprises en matière de bénéfices industriels et commerciaux. Cette activité a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2014, 2015 et 2016 à l'issue de laquelle, par proposition de rectification du 8 novembre 2017, l'administration fiscale, estimant que le chiffre d'affaires réalisé par l'intéressé avait dépassé les seuils de la franchise en base et des micro-entreprises, a évalué d'office les bénéfices industriels et commerciaux des années 2014 à 2016 et taxé d'office la taxe sur la valeur ajoutée de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. M. et Mme B... ont par ailleurs fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle à l'issue duquel, par une proposition de rectification du 10 novembre 2017, le service a imposé, selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, une plus-value immobilière au titre de la cession d'un immeuble survenue le 19 octobre 2015. Les impositions supplémentaires consécutives à ces procédures de rectification ont été mises en recouvrement au cours de l'année 2018 et la réclamation de Mme B... du 9 avril 2018 a été rejetée le 25 juin 2018. Mme B... relève appel du jugement du 25 juin 2020 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur la régularité de la vérification de comptabilité :

2. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu, une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité ". En exerçant le droit de communication auprès de la société LBF France le 20 mai 2016, le vérificateur ne s'est pas livré à un examen critique de la comptabilité de l'activité professionnelle de M. B.... Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les opérations de vérification de comptabilité auraient commencé avant l'envoi de l'avis de vérification de comptabilité du 24 juillet 2017.

3. Aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration ". Si Mme B... soutient que son mari et elle-même étaient illettrés et n'ont pas pu en conséquence se faire assister par le conseil de leur choix au cours de la procédure, faute d'avoir pu prendre connaissance de ce droit, il résulte de l'instruction que l'intéressé avait pour les besoins de son activité publié des annonces sur un site internet de ventes de biens d'occasion et qu'avec son épouse ils ont pu se faire assister du conseil de leur choix, en l'occurrence leur fille puis un avocat, durant les opérations de contrôle. En tout état de cause, M. ou Mme B... n'ont jamais fait état de cette difficulté à la suite de la réception de l'avis de vérification. Mme B... n'est ainsi pas fondée à soutenir avoir avec son mari été privée d'une garantie à raison de leur illettrisme. Par suite, la requérante, qui au demeurant ne précise pas le passage de la charte qu'elle entend invoquer, n'est pas fondée à soutenir que le vérificateur aurait méconnu les droits des contribuables repris dans la charte du contribuable vérifié.

Sur l'avis de mise en recouvrement :

4. Aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité ". Si Mme B... soutient que l'avis de mise en recouvrement du 16 janvier 2018 en matière de taxe sur la valeur ajoutée a été établi au nom de son mari alors que ce dernier était décédé le 27 septembre 2017, il résulte de l'instruction que cet avis a été annulé et remplacé par un avis de mise en recouvrement du 13 octobre 2020 établi au nom des héritiers du défunt. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'avis de mise en recouvrement des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée n'aurait pas été adressé au redevable de ces impositions.

Sur les conséquences de la vérification de comptabilité :

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier de l'audition devant les services de police d'un acquéreur d'un véhicule de type camping-car, que des recettes provenant de ventes de véhicules automobiles ont été encaissées sur le compte ouvert au nom de Mme B.... Cette dernière n'ayant aucune activité professionnelle, c'est à juste titre que le service a regardé les sommes encaissées sur ce compte comme se rattachant à l'activité de M. B.... Il ressort également du procès-verbal d'audition de l'acquéreur que les sommes portées sur le compte bancaire de Mme B... provenaient des ventes de véhicules effectuées par M. B..., ce dernier demandant aux clients d'établir des chèques au nom de son épouse. Cette dernière n'est ainsi pas fondée à soutenir qu'elle aurait réalisé des cessions de biens d'occasion à titre de particulier non-professionnel. Contrairement à ce que soutient ensuite la requérante, les sommes provenant de la vente de l'immeuble du 19 octobre 2015 n'ont pas été rattachées à cette activité. Compte tenu des recettes professionnelles encaissées sur ce compte bancaire et sur ceux ouverts au nom de M. B..., le vérificateur a pu établir que M. B... avait dépassé, au sens des articles 293 B et 50-0 du code général des impôts, au titre des trois années vérifiées, les seuils des régimes de franchise en base en matière de taxe sur la valeur ajoutée et de micro-entreprise en matière de bénéfices industriels et commerciaux. En l'absence de dépôt des déclarations selon le régime réel simplifié en matière de taxe sur la valeur ajoutée et de bénéfices industriels et commerciaux, malgré la notification de mises en demeure, c'est régulièrement que la taxe sur la valeur ajoutée a été taxée d'office et les bénéfices évalués d'office en application des articles L. 66 et L. 73 du livre des procédures fiscales. Par suite, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions incombe à la requérante en vertu des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales. La charge de la preuve du caractère exagéré des impositions lui incombe également sur le fondement du dernier alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales en l'absence de toute comptabilité, le défaut de présentation ayant été constaté par procès-verbal du 8 septembre 2017.

6. En deuxième lieu, il ressort de la proposition de rectification détaillée du 8 novembre 2017, qu'afin de déterminer les chiffres d'affaires taxables et les bénéfices imposables, le vérificateur a retenu au titre des recettes les sommes figurant au crédit des comptes bancaires utilisés pour les besoins de l'activité professionnelle de M. B.... Le vérificateur a également considéré comme des recettes le prix de vente des véhicules ayant fait l'objet d'une publication en vue de la vente sur le site internet " Le Bon Coin ", à hauteur du prix demandé publié le plus bas. S'agissant des bénéfices industriels et commerciaux, le vérificateur a retenu un pourcentage de charges déductibles de 60 % en 2014, 65 % en 2015 et 70 % en 2016. En l'absence de toute comptabilité, une telle méthode ne saurait être regardée comme viciée dans son principe ou sommaire. Il résulte par ailleurs de ce qui a été dit ci-dessus que c'est à juste titre que le vérificateur a retenu parmi les recettes les sommes figurant au crédit du compte de Mme B..., à l'exclusion de celles provenant de la vente d'immeuble.

7. Si Mme B... soutient que c'est à tort que le vérificateur a estimé que toute annonce de vente de véhicule avait été suivie d'une vente effective au prix demandé, il ne résulte pas de l'instruction que des véhicules ayant donné lieu à une publication en vue de la vente seraient demeurés invendus dans les stocks. Par suite, c'est à juste titre que le vérificateur a considéré que tous les véhicules proposés à la vente ont été vendus au cours de la période vérifiée au prix le plus bas qui en a été demandé.

8. En l'absence de toute comptabilité ou pièces justificatives des achats de véhicules et des autres charges, le vérificateur a pu se fonder sur le seul exemple de cession pour lequel le prix d'achat du véhicule était connu, établissant que l'opération avait comporté un taux de charges de 68 %. Par suite, en retenant les taux de charges rappelés au point 6 ci-dessus, le vérificateur n'a pas évalué de manière insuffisante les charges déductibles tandis que Mme B... n'établit pas que l'activité de vente de véhicules aurait supporté un taux de charges de 90 %.

Sur la plus-value immobilière :

9. Aux termes de l'article 150 U du code général des impôts : " I. - Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH " et aux termes de l'article 150 U du même code : " (...) II. - Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux immeubles, aux parties d'immeubles ou aux droits relatifs à ces biens :1° Qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession ".

10. Il résulte de l'instruction que M. et Mme B... ont acquis le 6 mai 2013 pour un montant de 65 000 euros une parcelle AC 56 sise " la Porte Rabreux " à Auboué d'une superficie de 21,83 ares et une parcelle AC 59 sise " rue de la gare " à Auboué de 9,65 ares. La parcelle AC 56 a été divisée en deux parcelles, une parcelle AC 128 d'une superficie de 21,29 ares et l'autre AC 129 d'une superficie de 0,54 ares. La parcelle AC 59 a également été divisée en deux parcelles, une parcelle AC 126 d'une superficie de 8,27 ares et l'autre AC 127 d'une superficie de 0,95 ares. La parcelle AC 126 a été conservée par M. et Mme B... et le hangar existant a été transformé en logement. Sur la parcelle AC 128 une maison d'habitation a été édifiée et vendue le 19 octobre 2015 pour la somme de 130 000 euros. Estimant que cet immeuble n'était pas leur résidence principale, l'administration a procédé à la taxation de la plus-value résultant de cette cession qu'elle a estimée à 85 000 euros. Si Mme B... soutient que cet immeuble était l'habitation principale des époux B... avant sa vente, il résulte de l'instruction que cet immeuble a été édifié entre mai 2013 et octobre 2015 et que pour la période concernée le service a produit des factures d'eau au nom de M. B... pour une adresse à Saint-Ail, adresse à laquelle Mme B... a déclaré aux services d'enquêtes habiter entre 2011 et 2014. Surtout, lors de son audition par les services de police le 25 janvier 2017, Mme B... a déclaré vivre depuis cinq ou six ans dans un hangar à Auboué. Dans ces conditions, l'administration a pu, à juste titre, considérer que le pavillon neuf cédé n'était pas la résidence principale des époux B.... Si la requérante soutient que l'habitation de Saint-Ail était louée par sa fille, il ressort du bail d'habitation que cette dernière n'est entrée dans ce logement que le 1er septembre 2014. Si la requérante entend justifier que le hangar n'était pas habitable et produit afin d'en justifier une demande de raccordement au réseau d'assainissement du 13 septembre 2015, il ressort de ce document que cette demande concerne la parcelle AC 128 sur laquelle la maison cédée a été construite et non pas la parcelle AC 126 sur laquelle figure le hangar encore habité par les époux B... au jour de la vente.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2022.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 20NC02193

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02193
Date de la décision : 13/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : CABINET KPMG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-10-13;20nc02193 ?
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