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27/09/2022 | FRANCE | N°22NC00422

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 27 septembre 2022, 22NC00422


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 25 mars 2021 par lequel le préfet de la Moselle lui a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai de

15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astrein...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 25 mars 2021 par lequel le préfet de la Moselle lui a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2102674 du 7 mai 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 22NC00422 le 17 février 2022, M. B..., représenté par Me Grün, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 mai 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 mars 2021 par lequel le préfet de la Moselle lui a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

s'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

s'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- le préfet, en ne se prononçant pas sur l'ensemble des critères prévus par le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a commis une erreur de droit ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 17 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan, est entré en France, selon ses déclarations, en mai 2018. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 juillet 2020, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 12 mars 2021. Par un arrêté du 25 mars 2021, le préfet de la Moselle lui a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 7 mai 2021, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 25 mars 2021 :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, M. B... reprend en appel, sans les assortir d'aucun élément nouveau, les moyens tirés de l'incompétence du signataire et du défaut de motivation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en 2018, alors âgé de 24 ans. Il est célibataire et sans enfant. S'il prétend que l'ensemble de sa famille réside en France, il n'apporte aucun élément de nature à établir la présence en France de membres de sa famille, ni en tout état de cause la régularité de cette présence et ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressé, et alors même qu'il soutient avoir établi en France le centre de ses intérêts, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Ainsi, elle ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est entachée d'aucune erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale du requérant.

4. En premier lieu, M. B... reprend en appel, sans les assortir d'aucun élément nouveau, les moyens tirés de l'incompétence du signataire et du défaut de motivation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

En ce qui concerne la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :

5. En premier lieu, M. B... reprend en appel, sans l'assortir d'aucun élément nouveau, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

6. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " (...) II. ' L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas (...) ". Il résulte de ce qui a été au point 3 du présent arrêt que M. B... ne justifie d'aucune circonstance, tenant à sa situation personnelle ou familiale, de nature à justifier que lui soit accordé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. La seule évocation des difficultés liées à la crise sanitaire relative à l'épidémie de Covid19 ne saurait davantage justifier, en l'espèce, l'octroi d'un tel délai.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

7. En premier lieu, M. B... reprend en appel, sans l'assortir d'aucun élément nouveau, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant son pays de renvoi. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

8. En deuxième lieu, si M. B... soutient qu'il encourt dans son pays d'origine un risque de subir des traitements inhumains et dégradants, prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'apporte aucun élément précis, ni probant de nature à établir qu'à la date de la décision contestée, il encourrait un risque personnel de subir de tels traitements, alors que sa demande d'asile a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

9. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " (...) III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

10. Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour fixer la durée d'une interdiction de retour prononcée à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour, après avoir indiqué dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger, faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

11. En premier lieu, pour justifier le prononcé d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet de la Moselle relève dans son arrêté du 25 mars 2021, après le rappel des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les liens de M. B... avec la France ne sont pas intenses et stables, qu'il est entré en France le 28 mai 2018, " à l'âge de 25 ans " et n'établit pas l'existence de circonstances humanitaires particulières pouvant justifier que l'autorité administrative ne prononce pas l'interdiction de retour sur le territoire français. Ainsi rédigé, l'arrêté litigieux comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui fonde, dans son principe, l'interdiction de retour prononcée à l'encontre de M. B.... Par ailleurs, en faisant état de la durée de présence de l'intéressé sur le territoire français et de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, elle permet, à la seule lecture de l'arrêté, de connaître les motifs qui justifient le choix de la durée de cette mesure, au demeurant limitée à un an, sans qu'il soit nécessaire, pour satisfaire à l'exigence de motivation sur ce point, que cet arrêté fasse état en outre de la situation de l'intéressé au regard de l'existence de précédentes mesures d'éloignement ou d'une éventuelle menace à l'ordre public, alors que le préfet n'a pas retenu ces circonstances au nombre des motifs de sa décision.

12. En deuxième lieu, en ne se prononçant pas sur les critères de l'existence de précédentes mesures d'éloignement ou d'une éventuelle menace à l'ordre public, le préfet, qui n'a pas entendu retenir ces motifs au soutien de sa décision, n'a pas entaché celle-ci d'une quelconque erreur de droit.

13. En dernier lieu, en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français et en en fixant la durée à un an, au regard des faibles intensité et stabilité des liens de M. B... avec la France et de son entrée récente sur le territoire, le préfet n'a pas, en l'espèce, fait une inexacte application des dispositions du III de l'article L. 511-1, citées au point 9 du présent arrêt. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

15. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. B....

Sur les frais liés à l'instance :

16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

17. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Goujon-Fischer, président,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 septembre 2022.

Le président-rapporteur,

Signé : J. -F. Goujon-Fischer

L'assesseure la plus ancienne

dans l'ordre du tableau,

Signé : S. Roussaux

La greffière,

Signé : E. Delors

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

E. Delors

2

N° 22NC00422


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00422
Date de la décision : 27/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GOUJON-FISCHER
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : GRÜN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-09-27;22nc00422 ?
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