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22/09/2022 | FRANCE | N°22NC00924

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 22 septembre 2022, 22NC00924


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 17 novembre 2021 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office.

Par un jugement numéros 2103514 et 2103515 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour

:

I.) Par une requête, enregistrée le 13 avril 2022, sous le numéro 22NC00924, M. D... B...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 17 novembre 2021 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office.

Par un jugement numéros 2103514 et 2103515 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

I.) Par une requête, enregistrée le 13 avril 2022, sous le numéro 22NC00924, M. D... B..., représenté par Me Bourchenin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2021 ;

3°) de faire injonction au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt et sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le refus de séjour : méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il remplit toutes les conditions en ce qu'avec son épouse il a toujours tenté de régulariser son séjour dès son arrivée en France, qu'ils y ont résidé trois ans en situation régulière et qu'ils sont parfaitement intégrés dans la société française, y compris sur le plan professionnel, et que leur enfant y est né ; retient à tort l'existence d'attaches familiales en Bosnie alors que justement ils sont victimes dans ce pays d'une vendetta émanant de son oncle paternel ; ne repose pas sur un examen attentif de leur situation au regard des conditions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; repose sur une appréciation manifestement erronée de leur situation au regard de ces mêmes dispositions ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en ce que la cellule familiale ne pourra pas se reconstituer hors de France à raison des persécutions encourues en Bosnie ;

- l'obligation de quitter le territoire : méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il remplit toutes les conditions en ce qu'avec son épouse il a toujours tenté de régulariser son séjour dès son arrivée en France, qu'ils y ont résidé trois ans en situation régulière et qu'ils sont parfaitement intégrés dans la société française, y compris sur le plan professionnel, et que leur enfant y est né ; retient à tort que l'existence d'attaches familiales en Bosnie alors que justement ils sont victimes dans ce pays d'une vendetta émanant de son oncle paternel ; ne repose pas sur un examen attentif de leur situation au regard des conditions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; repose sur une appréciation manifestement erronée de leur situation au regard de ces mêmes dispositions ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en ce que la cellule familiale ne pourra pas se reconstituer hors de France à raison des persécutions encourues en Bosnie ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er septembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

II.) Par une requête, enregistrée le 13 avril 2022, sous le numéro 22NC00925, Mme C... B..., représentée par Me Bourchenin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2021 ;

3°) de faire injonction au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt et sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le refus de séjour : méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle remplit toutes les conditions en ce qu'avec son époux elle a toujours tenté de régulariser son séjour dès son arrivée en France, qu'ils y ont résidé trois ans en situation régulière et qu'ils sont parfaitement intégrés dans la société française, y compris sur le plan professionnel, et que leur enfant y est né ; retient à tort l'existence d'attaches familiales en Bosnie alors que justement ils sont victimes dans ce pays d'une vendetta émanant de l'oncle paternel de son époux ; ne repose pas sur un examen attentif de leur situation au regard des conditions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; repose sur une appréciation manifestement erronée de leur situation au regard de ces mêmes dispositions ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en ce que la cellule familiale ne pourra pas se reconstituer hors de France à raison des persécutions encourues en Bosnie ;

- l'obligation de quitter le territoire : méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle remplit toutes les conditions en ce qu'avec son époux elle a toujours tenté de régulariser son séjour dès son arrivée en France, qu'ils y ont résidé trois ans en situation régulière et qu'ils sont parfaitement intégrés dans la société française, y compris sur le plan professionnel, et que leur enfant y est né ; retient à tort que l'existence d'attaches familiales en Bosnie alors que justement ils sont victimes dans ce pays d'une vendetta émanant de l'oncle paternel de son époux ; ne repose pas sur un examen attentif de leur situation au regard des conditions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; repose sur une appréciation manifestement erronée de leur situation au regard de ces mêmes dispositions ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en ce que la cellule familiale ne pourra pas se reconstituer hors de France à raison des persécutions encourues en Bosnie ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er septembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive n° 2008/115/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B..., ressortissants bosniens respectivement nés le 26 juillet 1991 et le 4 mai 1993, sont entrés sur le territoire français le 2 octobre 2015 pour y solliciter l'asile. Par des décisions du 3 novembre 2016 la Cour nationale du droit d'asile a rejeté leurs demandes. Par courrier du 1er septembre 2021, les intéressés ont sollicité leur admission au séjour. Par des arrêtés du 17 novembre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits. Par les deux requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 17 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement :

2. Si les requérants font grief au jugement attaqué de ne pas avoir répondu au moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales, il ressort du dossier de première instance qu'un tel moyen n'a pas été invoqué devant les premiers juges. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier.

Sur la légalité du refus de séjour :

3. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ". Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

4. Il ressort des pièces du dossier que si les requérants sont présents en France depuis l'année 2015, ils ne s'y maintiennent que pour les besoins de l'instruction de leurs demandes d'asile et en dépit d'une mesure d'éloignement du 19 janvier 2018 dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif de Nancy du 10 avril 2018, passé en force de chose jugée. Le refus de séjour, ainsi d'ailleurs que la mesure d'obligation de quitter le territoire, n'ont pas pour effet de séparer les membres de la famille. Les époux B... n'ont pas d'attaches familiales ou personnelles en France. S'ils soutiennent ne pas pouvoir reconstituer leur cellule familiale en Bosnie en raison d'une vendetta familiale dont ils feraient l'objet, ils n'en justifient pas alors en tout état de cause que ces décisions ne leur font pas obligation de retourner en Bosnie. Compte tenu de la durée et des conditions du séjour des intéressés en France, de ce que leur enfant ne sera pas séparé d'eux et en dépit de leurs efforts pour apprendre le français et des promesses d'embauche dont ils font état, l'autorité préfectorale, qui ne s'est pas refusée à examiner leur situation, n'a pas méconnu les normes ci-dessus reproduites et ne s'est pas livrée à une appréciation manifestement erronée de leur situation.

5. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Les promesses d'embauche dont les requérants font état ne constituent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions susmentionnées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la décision fixant le pays de destination de la reconduite :

6. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

7. Par les pièces produites les requérants ne justifient pas de la réalité et de l'actualité des risques encourus par eux en cas de retour en Bosnie Herzégovine, ni de leur impossibilité d'y poursuivre une vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la violation de ces stipulations sera écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que les époux B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

Nos 22NC00924 et 22NC00925 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00924
Date de la décision : 22/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : BOURCHENIN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-09-22;22nc00924 ?
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