Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 2 juin 2021 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2101895 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 février 2022, le préfet de l'Aube, représenté par Me Ancelet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 janvier 2022 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté est suffisamment motivé ;
- l'intéressé ne remplit pas les conditions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que les documents d'état civil qu'il a présentés afin de justifier de son âge sont des faux ;
- il ne démontre aucune atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Diango, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-ivoirien du 24 avril 1961 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience publique.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- et les observations de Me Ancelet représentant le préfet de l'Aube.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant ivoirien qui déclare être né le 19 avril 2003, serait entré en France, le 23 juin 2019 et a été admis à l'aide sociale à l'enfance. Le 25 février 2021 il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 juin 2021, le préfet de l'Aube a rejeté cette demande et fait obligation à l'intéressé de quitter le territoire. Par un jugement du 6 janvier 2022, dont le préfet de l'Aube relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 311-2-2 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015, relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47'du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. Dans le délai prévu à l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité administrative informe par tout moyen l'intéressé de l'engagement de ces vérifications ". Il résulte enfin des stipulations de l'article 21 de l'accord franco-ivoirien ci-dessus visé que les copies des documents d'état civil doivent avoir été certifiée conformes par l'autorité les ayant délivrées.
3. Il résulte des dispositions de l'article 47 du code civil que, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles. Si l'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays, il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve, par tout moyen, du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l'autorité administrative n'est pas tenue de solliciter systématiquement les autorités d'un autre Etat afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet Etat est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont elle dispose sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.
4. Afin de refuser à M. B... la délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement de ces dispositions, le préfet de l'Aube s'est fondé sur le motif tiré de ce que, par les documents d'état civil dont il se prévalait, l'intéressé ne justifiait pas de sa date de naissance et ne remplissait pas la condition d'avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans. Afin de justifier de sa date de naissance, M. B... a produit la copie certifiée conforme de l'expédition du jugement supplétif d'acte de naissance n° 960/2019 du 3 mai 2019 rendu par le tribunal de première instance de Korhogo, copie éditée le 18 novembre 2020. Il ressort du rapport documentaire de la police aux frontières du 16 avril 2021, produit devant la cour, que la copie présentée a été certifiée conforme par le 2ème adjoint de la commune de Samatiguila et non pas par le tribunal de première instance censé avoir rendu ce jugement et que le jugement vise des dispositions législatives sur l'état civil ivoirien qui étaient abrogées lorsque ce jugement est censé avoir été rendu. Par ces éléments, l'administration établit que ce document est un faux. Par voie de conséquence, tous les documents présentés par M. B..., un extrait du registre de l'état civil de la commune de Samatiguila résultant de la transcription du jugement précité, un certificat de nationalité, une carte consulaire et une copie de son passeport, établis sur la foi de ce document falsifié ne sauraient eux-mêmes faire la preuve de sa date de naissance. Par suite, c'est à juste titre que le préfet de l'Aube lui a refusé pour ce motif le titre de séjour demandé.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Aube est fondé à soutenir que c'est à tort qu'afin d'annuler son arrêté, le jugement attaqué s'est fondé sur le motif tiré de ce que M. B... justifiait de la condition d'âge prévue par les dispositions ci-dessus reproduites de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il appartient toutefois à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens invoqués par M. B... à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 juin 2021.
Sur les autres moyens invoqués par M. B... :
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :
6. Par arrêté du 9 avril 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, le préfet de l'Aube a donné délégation au secrétaire général de la préfecture afin de signer les arrêtés de la nature de celui en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué sera écarté.
7. L'arrêté attaqué comporte de manière suffisante et non stéréotypée, l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles l'autorité administrative s'est fondée afin de prendre à l'encontre de M. B... les décisions contestées. Par suite le moyen tiré du défaut de motivation sera écarté.
En ce qui concerne le refus de séjour :
8. M. B... n'est présent sur le territoire français que depuis le 23 juin 2019 et n'y a aucune attache. En dépit du rapport favorable de la structure d'accueil et de la formation professionnelle dont il a bénéficié, le refus de séjour qui lui a été opposé ne porte à son droit à la vie privée et familiale aucune atteinte disproportionnée, ne repose pas sur une appréciation manifestement erronée de sa situation et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à invoquer par la voie de l'exception l'illégalité du refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire.
10. M. B... se disant né le 19 avril 2003, il ne saurait se prétendre mineur à la date de l'obligation de quitter le territoire. Par suite, le moyen tiré de la violation du 1° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sera écarté.
11. Par les mêmes motifs que ci-dessus, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ou reposerait sur une appréciation manifestement erronée de ses conséquences sur sa situation personnelle.
12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 2 juin 2021. Par suite, sa demande présentée devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du préfet de l'Aube tendant à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... une somme au titre des frais liés au litige. Par ailleurs, les conclusions présentées sur ce fondement par M. B..., qui est la partie perdante dans la présente instance, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2101895 du 6 janvier 2022 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.
Article 3 : Les conclusions du préfet de l'Aube et de M. B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée à la préfète de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
2
N° 22NC00259