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21/07/2022 | FRANCE | N°21NC03130

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 21 juillet 2022, 21NC03130


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 31 août 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la

charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros au titre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 31 août 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

M. A... a également demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2021 par lequel le préfet de la Moselle l'a assigné à résidence et de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2107210 du 4 novembre 2021, tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 21NC03130 le 6 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Chaib, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 novembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 août 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2021 par lequel le préfet de la Moselle l'a assigné à résidence ;

4°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- le refus du titre de séjour, qui constitue la base légale de cette décision, est illégal dès lors que c'est à tort que le préfet a dénié une valeur probante aux documents d'état civil et pièces qu'il a présentés pour établir sa date de naissance ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle doit être annulée du fait de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

s'agissant de l'assignation à résidence :

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et familiale ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 juin 2022, le préfet Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- et les observations de Me Chaib, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen, est entré en France, selon ses déclarations, le 6 mars 2017. S'étant déclaré mineur, il a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du département de Meurthe-et-Moselle. Le 18 mai 2018, il a sollicité du préfet de Meurthe-et-Moselle la délivrance d'un titre de séjour en faisant valoir sa volonté de poursuivre sa formation en France et d'y trouver un emploi. Par un arrêté du 31 août 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un arrêté du 20 octobre 2021, le préfet de la Moselle a par ailleurs assigné M. A... à résidence. Celui-ci relève appel du jugement du 4 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président ".

3. Eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 31 août 2021 :

4. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

5. D'autre part, l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " La vérification des actes d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article R. 431-10 du même code prévoit que : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiant de son état civil (...) ". L'article 47 du code civil dispose enfin que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Ce dernier article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question.

6. À l'appui de sa demande de titre de séjour, M. A... a produit la copie d'un jugement supplétif du tribunal de première instance de Mamou du 28 novembre 2018, la copie de la transcription de ce jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance ainsi qu'une carte d'identité consulaire, tous ces documents étant établis au nom de M. B... A..., né le 25 août 2000 à Prédaka-Mamou en Guinée. Le préfet de Meurthe-et-Moselle se prévaut à cet égard du rapport d'examen technique documentaire établi par les services de la direction zonale de la police aux frontières de la zone Est le 3 août 2021, dont il ressort notamment que ces documents, bien que comportant une légalisation et comportant les tampons humides du ministère des affaires étrangères guinéen, ne comporte pas le cachet sec de ces autorités, que les cachets humides comportent des erreurs de rédaction, en particulier les mentions " L'égalisation " et " grefier ", caractéristiques d'une contrefaçon de tampons humides, comme le sont également la police d'écriture artisanale de ces cachets humides et le caractère non parfaitement circulaire du cachet " Officier de l'état civil ". Compte tenu de leur nature et de leur importance, ces anomalies suffisent, dans les circonstances de l'espèce, à établir le caractère falsifié de la copie du jugement supplétif et de celle de sa transcription tenant lieu d'acte de naissance. La délivrance d'une carte consulaire, qui ne constitue pas un acte d'état civil et repose sur les mêmes documents falsifiés, n'est pas non plus de nature à justifier de l'état civil et notamment de la date de naissance de l'intéressé. Enfin, eu égard aux anomalies affectant les seuls actes d'état civil présentées par l'intéressé, de nature à établir leur caractère de documents falsifiés, la production, par le requérant d'un certificat de nationalité mentionnant comme date de naissance le 25 août 2000, ne suffit pas à établir la véracité de cette information. Par suite, en refusant de délivrer à M. A... le titre de séjour demandé, au motif que celui-ci ne justifiait pas remplir la condition d'âge prévue par les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas fait une inexacte application de ces dispositions, non plus que des dispositions des articles L. 811-2 du même code et 47 du code civil.

7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France en 2017. Il est célibataire et sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. S'il indique avoir obtenu brillamment un premier CAP mention " opérateur logistique " en juin 2019 et un second CAP spécialité " monteur installations thermiques " en juin 2020, avoir ensuite poursuivi une formation en alternance pour l'obtention du diplôme de brevet professionnel " génie climatique et sanitaire ", en donnant pleine satisfaction à son employeur et enfin avoir consenti d'importants efforts d'intégration, comme le relève d'ailleurs le rapport de fin de minorité établi par le dispositif d'accueil des mineurs isolés étrangers de l'association Realise, l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français ne fait pas obstacle à ce que l'intéressé poursuive sa formation et son insertion professionnelle dans son pays d'origine, tandis qu'il ne peut prétendre à un droit de se maintenir sur le territoire pour parachever les formations qu'il a entreprises en France ou y trouver un emploi. Ainsi, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. A..., la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a donc pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de l'arrêté préfet de la Moselle du 20 octobre 2021 :

9. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté du préfet de la Moselle assignant M. A... à résidence aurait été pris sans examen particulier de sa situation personnelle et familiale.

10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la mesure d'assignation à résidence de M. A... porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A....

Sur les frais liés à l'instance :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : M. A... est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejetée

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle et au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- M. Rees, président-assesseur,

- M. Goujon-Fischer, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 juillet 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. Goujon-FischerLa présidente,

Signé : S. Vidal

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 21NC03130


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC03130
Date de la décision : 21/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : CHAIB

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-07-21;21nc03130 ?
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