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21/07/2022 | FRANCE | N°21NC02962

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 21 juillet 2022, 21NC02962


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Par deux requêtes n° 2102740 et n° 2102784, Mme D... A... a demandé respectivement au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté en date du 21 septembre 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-sept mois et l'arrêté du 27 septembre 2021 par lequel

le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a maintenue en rétention à la suite du dépôt de ...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Par deux requêtes n° 2102740 et n° 2102784, Mme D... A... a demandé respectivement au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté en date du 21 septembre 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-sept mois et l'arrêté du 27 septembre 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a maintenue en rétention à la suite du dépôt de sa demande d'asile.

Par un jugement commun n° 2102740 et 2102784 du 13 octobre 2021, le tribunal administratif de Nancy a, d'une part, annulé les deux arrêtes susmentionnés et, d'autre part, enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que la CNDA ait réexaminé sa demande d'asile.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 novembre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 13 octobre 2021 ;

2°) de rejeter la requête présentée par Mme A....

Il soutient que :

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en considérant qu'elle avait fait partie d'un réseau de prostitution alors qu'elle n'apporte aucune justification des démarches auprès de l'association amicale du nid 93 ni aucun élément tangible de nature à établir la réalité de ses déclarations en Libye, en Italie ou en France, ni aucune demande d'admission dans un parcours de sortie de prostitution ni de demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'elle ne démontre pas s'être maintenue en France ni être démunie d'attaches dans son pays d'origine où résident notamment ses enfants mineurs ;

- sa décision est suffisamment motivée et n'est pas entachée d'incompétence ;

- il ne s'est pas cru en situation de compétence liée ;

- le moyen tiré de l'absence de délai de réflexion est inopérant dès lors qu'elle n'avait effectué aucune démarche administrative de régularisation de sa situation ;

- il était fondé à refuser un délai de départ volontaire dès lors qu'elle a exprimé son intention de ne pas quitter le territoire, qu'elle était dépourvue de documents d'identité et s'est soustraite à une précédente mesure d'éloignement ;

- elle n'établit pas encourir un risque en cas de retour dans son pays d'origine ;

- elle ne justifie d'aucune circonstance humanitaire pouvant s'opposer à une interdiction de retour sur le territoire français ;

- la décision ne viole pas le droit constitutionnel du droit d'asile.

La requête a été communiquée à Mme A... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... A..., ressortissante nigériane née le 22 mars 1992, déclare être entrée en France le 23 août 2016. Elle a sollicité l'asile le 22 mai 2018. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 9 août 2018 qui a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 20 mars 2019. Sa demande de réexamen a été en outre à nouveau rejetée par une décision de l'OFPRA du 30 septembre 2021 et de la CNDA du 29 décembre 2021. Le 22 août 2019, le préfet du Val d'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le 21 septembre 2021, Mme A... a fait l'objet d'un contrôle d'identité par les services de la police aux frontières de Mont-Saint-Martin. Par un arrêté du même jour, le préfet de Meurthe-et-Moselle a fait obligation à Mme A... de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-sept mois. Par un arrêté du 27 septembre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a maintenu Mme A... en rétention administrative suite à sa demande d'asile. Par la présente requête, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nancy annulant ses deux décisions.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Nancy :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Pour annuler les décisions des 21 et 27 septembre 2021 du préfet de Meurthe-et-Moselle, le magistrat désigné a considéré qu'elles portaient une atteinte disproportionnée au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et étaient entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle. Toutefois, la seule attestation produite d'un membre de l'association Amicale du Nid 93 en date du 22 septembre 2021 ne suffit pas à établir que Mme A... s'est vue confier à un réseau de prostitution contre son gré, activité à laquelle elle a été ainsi contrainte de se livrer durant quatre mois en Libye avant de pouvoir s'enfuir en France et pourrait être admise dans un parcours de sortie de prostitution, tel que défini par la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituée. Au demeurant ni l'OFPRA, ni la CNDA n'ont tenu pour acquis ces déclarations même en dernier lieu dans le cadre de la procédure de réexamen. Par ailleurs, la requérante est célibataire et sans charge de famille en France et ne démontre pas être démunie de toute attache dans son pays d'origine où résident ses deux enfants mineurs. Par suite, la décision attaquée ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa vie personnelle. Il en résulte que le préfet de Meurthe-et-Moselle est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nancy du 13 octobre 2021.

4. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de Nancy et dirigées contre les décisions des 21 et 27 septembre 2021 portant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination, lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de dix-sept mois et la maintenant en rétention administrative.

Sur le moyen commun aux décisions du 21 septembre 2021 :

5. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. Julien Le Goff, secrétaire général de la préfecture de Meurthe-et-Moselle, qui a obtenu délégation à cet effet par l'arrêté du 8 septembre 2021 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 9 septembre 2021. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que pour obliger Mme A... à quitter le territoire sans délai, le préfet a visé notamment l'article L. 611-1-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a ensuite indiqué que l'intéressée serait entrée une première fois en France en 2016, que la reconnaissance du statut de réfugié lui a été définitivement refusée, qu'elle s'est maintenue sur le territoire depuis la mesure d'éloignement dont elle a fait l'objet le 22 août 2019 et qu'elle n'a effectué aucune démarche en vue de régulariser sa situation administrative. Enfin, le préfet a mentionné que Mme A... était célibataire et sans enfant en France et qu'elle n'établissait pas être démunie d'attaches familiales au Nigéria où résident ses deux enfants ainsi que le reste de sa famille. Le préfet a déduit de l'ensemble de ces éléments que Mme A... ne remplissait aucune des conditions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour de plein droit et qu'il n'y avait pas lieu de faire usage de son pouvoir discrétionnaire. Ainsi, la décision contestée comporte l'énoncé des circonstances de faits et de droit qui en constituent le fondement. Dès lors, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de ce que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme A... ne peuvent qu'être écartés.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le service de police ou de gendarmerie qui dispose d'éléments permettant de considérer qu'un étranger, victime d'une des infractions constitutives de la traite des êtres humains ou du proxénétisme prévues et réprimées par les articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, est susceptible de porter plainte contre les auteurs de cette infraction ou de témoigner dans une procédure pénale contre une personne poursuivie pour une infraction identique, l'informe : / 1° De la possibilité d'admission au séjour et du droit à l'exercice d'une activité professionnelle qui lui sont ouverts par l'article L. 425-1 ; / 2° Des mesures d'accueil, d'hébergement et de protection prévues aux articles R. 425-4 et R. 425-7 à R. 425-10 ; / 3° Des droits mentionnés à l'article 53-1 du code de procédure pénale, notamment de la possibilité d'obtenir une aide juridique pour faire valoir ses droits. / Le service de police ou de gendarmerie informe également l'étranger qu'il peut bénéficier d'un délai de réflexion de trente jours, dans les conditions prévues à l'article R. 425-2, pour choisir de bénéficier ou non de la possibilité d'admission au séjour mentionnée au 1°. / Ces informations sont données dans une langue que l'étranger comprend et dans des conditions de confidentialité permettant de le mettre en confiance et d'assurer sa protection. / Ces informations peuvent être fournies, complétées ou développées auprès des personnes intéressées par des organismes de droit privé à but non lucratif, spécialisés dans le soutien aux personnes prostituées ou victimes de la traite des êtres humains, dans l'aide aux migrants ou dans l'action sociale, désignés à cet effet par le ministre chargé de l'action sociale. " et de l'article R. 425-2 du même code : " L'étranger à qui un service de police ou de gendarmerie fournit les informations mentionnées à l'article R. 425-1 et qui choisit de bénéficier du délai de réflexion de trente jours prévu au même article se voit délivrer un récépissé de même durée par le préfet ou, à Paris, par le préfet de police, conformément aux dispositions de l'article R. 425-3. Ce délai court à compter de la remise du récépissé. Pendant le délai de réflexion, aucune décision d'éloignement ne peut être prise à l'encontre de l'étranger en application de l'article L. 611-1, ni exécutée. / Le délai de réflexion peut, à tout moment, être interrompu et le récépissé mentionné au premier alinéa retiré par le préfet territorialement compétent, si l'étranger a, de sa propre initiative, renoué un lien avec les auteurs des infractions mentionnées à l'article R. 425-1, ou si sa présence constitue une menace grave pour l'ordre public. ". Les dispositions précitées de l'article R. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile chargent les services de police d'une mission d'information, à titre conservatoire et préalablement à toute qualification pénale, des victimes potentielles de faits de traite d'êtres humains et ont pour finalité de leur permettre de déposer plainte. Ainsi, lorsque ces services ont des motifs raisonnables de considérer que l'étranger pourrait être reconnu victime de tels faits, il leur appartient d'informer ce dernier de ses droits en application de ces dispositions. En l'absence d'une telle information, l'étranger est fondé à se prévaloir du délai de réflexion pendant lequel aucune mesure d'éloignement ne peut être prise ni exécutée, notamment dans l'hypothèse où il a effectivement porté plainte par la suite.

8. Mme A... soutient qu'elle n'a pas bénéficié de l'information mentionnée à l'article R. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'elle a déclaré aux services de police lors de son audition du 21 septembre 2021 qu'elle se prostituait avant, et qu'elle est, par suite, fondée à se prévaloir du délai de réflexion de trente jours prévu par les dispositions précitées, durant lequel aucune mesure d'éloignement ne peut être prise ni exécutée. Toutefois, d'une part, elle a présenté une demande d'asile en raison de sa crainte d'être persécutée en cas de retour au Nigéria par les membres d'un réseau transnational de traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle, qui a été rejetée par l'OFPRA par une décision du 9 août 2018, confirmée par la CNDA le 20 mars 2019 et d'autre part, l'association Amicale du Nid qui est spécialisée dans la prise en charge des personnes concernées par la prostitution et la traite des êtres humains à des fin d'exploitation sexuelle, l'accompagne depuis septembre 2019. Il résulte de ce qui précède que Mme A... a nécessairement été informée de la possibilité de déposer plainte contre les auteurs de la traite des êtres humains ou du proxénétisme dont elle se présente comme victime, bien en amont de son interpellation du 21 septembre 2021 et de l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français du même jour. Par suite, elle ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Comme exposé précédemment, il ressort des pièces du dossier que Mme A... est célibataire, sans enfant en France et qu'elle n'établit pas avoir tissé des liens privés stables, forts et anciens en France. En revanche, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses deux enfants âgés de 9 et 12 ans à la date de la décision attaquée ainsi que le reste de sa famille. Par suite, la décision attaquée ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision lui refusant un délai de départ volontaire :

11. Il ressort des pièces du dossier que la requérante a exprimé lors de son audition son intention de ne pas quitter le territoire français, qu'elle était dépourvue de documents d'identité et s'est soustraite à une précédente mesure d'éloignement. Par suite, la décision lui refusant un délai de départ volontaire n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation quant au risque de fuite.

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". La requérante soutient être exposée à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine et précise qu'elle craint d'être persécutée en cas de retour au Nigéria par les membres d'un réseau transnational de traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle. Toutefois, Mme A... n'établit pas par les pièces qu'elle produit et alors au demeurant que tant l'OFPRA et la CNDA ont rejeté sa demande d'asile fondée sur ces mêmes motifs, qu'elle serait exposée à des risques actuels et personnels en cas de retour au Nigéria. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales manque en fait et doit être écarté.

Sur la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français :

13. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français " et aux termes de l'article L. 613-7 de ce même code, " L'autorité administrative peut à tout moment abroger l'interdiction de retour. Lorsque l'étranger sollicite l'abrogation de l'interdiction de retour, sa demande n'est recevable que s'il justifie résider hors de France ".

14. En premier lieu, Mme A... qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, ne justifie d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

15. En second lieu, Mme A... soutient que la décision porterait une atteinte grave et disproportionnée à son droit constitutionnel d'asile dès lors qu'elle fait obstacle à son retour en France afin d'y solliciter l'asile. Il résulte toutefois des dispositions de l'article L. 613-7 précité que l'intéressée peut solliciter à tout moment l'abrogation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Si cette demande n'est recevable que si l'intéressée réside hors de France, une telle condition n'est pas de nature à porter atteinte au droit d'asile dès lors que le refus d'entrée sur le territoire ne fait pas obstacle au dépôt d'une demande d'asile à la frontière, comme l'a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, aux termes de laquelle il a, dans ses motifs et son dispositif, déclaré conformes à la Constitution les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, reprises à l'identique à l'article L. 613-7 susvisé. Par suite, le moyen tiré de la violation du droit constitutionnel d'asile doit être écarté.

Sur la décision la maintenant en rétention administrative :

16. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. Julien Le Goff, secrétaire général de la préfecture de Meurthe-et-Moselle, qui a obtenu délégation à cet effet par l'arrêté du 8 septembre 2021 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 9 septembre 2021. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées ne peut qu'être écarté.

17. En deuxième lieu, la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée. Par suite, le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit être écarté.

18. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la France est l'État responsable de l'examen de la demande d'asile et si l'autorité administrative estime, sur le fondement de critères objectifs, que cette demande est présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la décision d'éloignement, elle peut prendre une décision de maintien en rétention de l'étranger pendant le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité de celle-ci, dans l'attente de son départ. (...) La décision de maintien en rétention est écrite et motivée. A défaut d'une telle décision, il est immédiatement mis fin à la rétention et l'autorité administrative compétente délivre à l'intéressé l'attestation mentionnée à l'article L. 521-7 " et aux termes de l'article 8 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu'elle est un demandeur conformément à la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale. 2. Lorsque cela s'avère nécessaire et sur la base d'une appréciation au cas par cas, les États membres peuvent placer un demandeur en rétention, si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées. 3. Un demandeur ne peut être placé en rétention que : a) pour établir ou vérifier son identité ou sa nationalité ; b) pour déterminer les éléments sur lesquels se fonde la demande de protection internationale qui ne pourraient pas être obtenus sans un placement en rétention, en particulier lorsqu'il y a risque de fuite du demandeur ; c) pour statuer, dans le cadre d'une procédure, sur le droit du demandeur d'entrer sur le territoire ; d) lorsque le demandeur est placé en rétention dans le cadre d'une procédure de retour au titre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, pour préparer le retour et/ou procéder à l'éloignement, et lorsque l'État membre concerné peut justifier sur la base de critères objectifs, tels que le fait que le demandeur a déjà eu la possibilité d'accéder à la procédure d'asile, qu'il existe des motifs raisonnables de penser que le demandeur a présenté la demande de protection internationale à seule fin de retarder ou d'empêcher l'exécution de la décision de retour ; e) lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l'ordre public l'exige ; f) conformément à l'article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride. / Les motifs du placement en rétention sont définis par le droit national ".

19. En l'espèce, la requérante soutient que la décision serait entachée d'une erreur de droit quant à l'application de l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que cette disposition en ne prévoyant pas de définition de critères objectifs pour la qualification du caractère dilatoire d'une demande d'asile est incompatible avec l'article 8.3 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013.

20. Il résulte des dispositions précitées au point 16 de l'article L. 754-3 que, hors le cas particulier où il a été placé en rétention en vue de l'exécution d'une décision de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, il doit en principe être mis fin à la rétention administrative d'un étranger qui formule une demande d'asile. Toutefois, l'administration peut maintenir l'intéressé en rétention, par une décision écrite et motivée, dans le cas où elle estime que sa demande d'asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre. S'il incombe aux Etats membres, en vertu du paragraphe 4 de l'article 8 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013, de définir en droit interne les motifs susceptibles de justifier le placement ou le maintien en rétention d'un demandeur d'asile, parmi ceux énumérés de manière exhaustive par les dispositions du paragraphe 3 de cet article, aucune disposition de la directive n'impose, s'agissant du motif prévu par le d) du 3 de l'article 8, que les critères objectifs sur la base desquels est établie l'existence de motifs raisonnables de penser que la demande de protection internationale d'un étranger déjà placé en rétention a été présentée à seule fin de retarder ou d'empêcher l'exécution de la décision de retour, soient définis par la loi. Dans ces conditions, la circonstance que les dispositions précitées de l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'explicitent pas les critères objectifs permettant à l'autorité administrative de considérer que la demande d'asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement n'est pas de nature à entacher d'erreur de droit l'arrêté contesté. Par suite, un tel moyen ne peut qu'être écarté.

21. En dernier lieu, Mme A... soutient que la demande d'asile déposée le 24 septembre 2021 lors de sa rétention ne présente pas de caractère dilatoire. En l'espèce, sa demande d'asile avait une première fois été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 9 août 2018 qui a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 20 mars 2019 et il ressort des pièces du dossier que, lors de son audition le 21 septembre 2021 par les services de police, Mme A... a indiqué n'avoir effectué aucune démarche en vue de l'obtention d'un titre de séjour et n'a alors pas fait état de son souhait de déposer une nouvelle demande d'asile. En outre, lors de sa rétention, elle n'a fait valoir aucun élément ou circonstance nouvelle, ce qui ressort également des décisions de l'OFPRA du 30 septembre 2021 et de la CNDA du 29 décembre 2021 qui rejettent sa demande de réexamen. Dans ces conditions, le préfet de Meurthe-et-Moselle a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, estimer qu'une telle demande avait été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement pris à l'encontre de l'intéressé. Par suite, ce dernier moyen doit être écarté.

22. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de Nancy à l'encontre des décisions du préfet de Meurthe-et-Moselle des 21 et 27 septembre 2021 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2102740, n° 2102784 du 13 octobre 2021 du tribunal administratif de Nancy est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme A... en première instance devant le tribunal administratif de Nancy à l'encontre des décisions du préfet de Meurthe-et-Moselle des 21 et 27 septembre 2021 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Meuthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- M. Rees, président-assesseur,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 juillet 2022.

La rapporteure,

Signé : M. B...La présidente,

Signé : S. Vidal

La greffière,

Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 21NC02962


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02962
Date de la décision : 21/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-07-21;21nc02962 ?
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