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21/07/2022 | FRANCE | N°18NC01902

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 21 juillet 2022, 18NC01902


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt du 17 mars 2020, la cour a, sur la requête de Mme C... E..., enregistrée sous le n° 18NC01902 et tendant à la condamnation de Meurthe-et-Moselle Habitat à indemniser les préjudices dont elle a été victime à la suite de sa chute, le 23 février 2015, alors qu'elle sortait d'un immeuble appartenant à cet établissement, admis la responsabilité de Meurthe-et-Moselle Habitat, annulé le jugement n° 1603270 du 9 mai 2018 du tribunal administratif de Nancy et ordonné avant-dire droit une expertise médicale.

Le rapport d'expertise

été enregistré au greffe de la cour le 1er octobre 2021.

Par des mémoires e...

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt du 17 mars 2020, la cour a, sur la requête de Mme C... E..., enregistrée sous le n° 18NC01902 et tendant à la condamnation de Meurthe-et-Moselle Habitat à indemniser les préjudices dont elle a été victime à la suite de sa chute, le 23 février 2015, alors qu'elle sortait d'un immeuble appartenant à cet établissement, admis la responsabilité de Meurthe-et-Moselle Habitat, annulé le jugement n° 1603270 du 9 mai 2018 du tribunal administratif de Nancy et ordonné avant-dire droit une expertise médicale.

Le rapport d'expertise été enregistré au greffe de la cour le 1er octobre 2021.

Par des mémoires enregistrés le 13 septembre 2021, le 31 janvier 2022 et le 30 mars 2022, l'Office public de l'Habitat, Meurthe-et-Moselle Habitat (MMH), représenté par Me Tadic conclut :

1°) au rejet des demandes de Mme E... tendant à l'indemnisation de son déficit fonctionnel permanent, des souffrances endurées, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, de l'assistance par tierce personne, du préjudice d'agrément et de l'aménagement de son véhicule ;

2°) à ce que la charge indemnitaire soit ramenée à de plus justes proportions.

Il soutient que :

- les arrêts de travail postérieurs au 1er mars 2017 ne sont pas en lien avec la chute du 23 février 2015 ;

- sur la créance de la CPAM, les arrêts de travail postérieurs au 5 décembre 2017 ne sont pas en lien avec la chute ;

- Mme E... a perçu une indemnisation de son assureur sur certains chefs de préjudice, seuls les dépenses de santé, les frais divers, le déficit fonctionnel temporaire, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle économique n'ont pas été pris en compte ;

- l'aide humaine a été surévaluée par l'expert ;

- les frais de logement pour cure thermale ne sont pas justifiés par une prescription médicale et il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E... a effectué une cure thermale en 2018 ;

- les frais divers avancés ne sont justifiés par aucune prescription médicale ni pièces justificatives de la dépense ;

- sur la perte de gains professionnels l'indemnisation est prévue par le contrat d'assurance de Mme E..., aucune indemnisation complémentaire ne pourra être allouée ;

- l'indemnité pour incidence professionnelle devra être diminuée.

- la demande d'indemnisation pour sa fille victime par ricochet ne saurait être admise.

Par des mémoires enregistrés le 17 septembre 2021 et le 22 mars 2022, la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle (CPAM), représentée par Me Fort, demande à la cour :

- le remboursement par l'OPH de ses débours à hauteur de 263 900,02 euros assortis des intérêts légaux à première demande ;

- de mettre à la charge de l'OPH le versement d'une somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité de gestion ;

- de mettre à la charge de l'OPH le versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'intégralité des débours demandés est imputable à la chute dont a été victime Mme E... et notamment les arrêts de travail à compter du 5 décembre 2017.

Par des mémoires enregistrés le 30 novembre 2021, le 10 février et 20 avril 2022, Mme E... représentée par Me Ledoux, demande à la Cour :

1°) de condamner MMH à lui verser au titre des préjudices subis du fait de la chute du 23 février 2015 les sommes suivantes :

- 1 372,64 euros au titre des dépenses de santé avant consolidation ;

- 6 323 euros au titre des pertes de gains professionnels avant consolidation ;

- 58 280 euros au titre de l'assistance temporaire par tierce personne ;

- 6 017,30 euros au titre des frais divers ;

- 31 608 au titre des dépenses de santé après consolidation ;

- 595 480 euros au titre de l'assistance permanente par tierce personne ;

- 414 796 euros au titre des pertes de gains professionnels après consolidation ;

- 167 827 euros au titre de l'incidence professionnelle économique ;

- 37 500 euros au titre des frais d'acquisition et remplacement d'un véhicule adapté ;

- 12 201,75 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

- 60 000 euros au titre des souffrances endurées temporaires ;

- 4 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

- 80 550 au titre du déficit fonctionnel permanent ;

- 20 000 euros au titre des souffrances endurées permanentes ;

- 4 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

- 40 800 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

- 40 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

- 15 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

- 8 000 euros au titre du préjudice sexuel ;

- 35 000 euros au titre du préjudice par ricochet de sa fille, D... E....

2°) de condamner MMH aux entiers dépens et à lui rembourser les frais d'huissier à hauteur de la somme de 401,56 euros ;

3°) de mettre à la charge de MMH une somme de 12 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les préjudices dont elle demande réparation sont en lien avec la chute litigieuse ;

- la chute lui a occasionné de lourds préjudices invalidants.

Par un mémoire enregistré le 29 mars 2022, Generali IARD représentée par Me Joffroy, demande à la cour :

1°) de condamner MMH à lui verser une somme de 179 262,66 euros au titre de l'indemnité versée à son assurée Mme E... en réparation des préjudices subis lors de la chute du 25 février 2015 ;

2°) de mettre à la charge de MMH une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- Subrogé dans les droits de son assurée, il est bien fondé à demander la condamnation de MMH ;

- Les pertes de gains professionnels ont été réservés.

Vu :

- le rapport d'expertise du Professeur A... déposé le 1er octobre 2021

- l'ordonnance du 10 mai 2021 par laquelle la présidente de la cour a taxé et liquidé les frais de l'expertise ordonnée par l'arrêt du 17 mars 2020 à la somme de 2 800 euros ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code civil ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Grossrieder, présidente,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Moehring, pour Mme E..., ainsi que celles de Me Litaize pour la société Generali IARD.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une chute dans le porche d'entrée de l'immeuble, appartenant à l'office public d'habitat Meurthe-et-Moselle Habitat (MMH), situé 32 rue Saint-Exupéry à Longwy, le 23 février 2015, Mme E... a demandé la condamnation de l'office public d'habitat de Meurthe-et-Moselle (MMH), sur le fondement du défaut d'entretien normal de l'ouvrage public, à l'indemniser en raison des dommages résultant de sa chute. Par un arrêt du 17 mars 2020, la cour a annulé le jugement n° 1603270 du 9 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Nancy avait rejeté la requête de Mme E.... Par ce même arrêt la cour a jugé que la chute était imputable à un défaut d'entretien normal de l'immeuble de nature à engager la responsabilité de MMH et ordonné avant dire droit une expertise médicale. En cours d'instance, Generali IARD, assureur de Mme E... subrogé dans ses droits a demandé la condamnation de MMH à lui rembourser la somme de 179 262,66 euros qu'il a versé à son assurée.

Sur les demandes de Mme E... :

2. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise confiée au Pr A... déposé le 1er octobre 2021 que Mme E..., née le 9 octobre 1969, souffre d'une hypoesthésie du membre supérieur gauche dans le territoire du nerf cubital avec une allodynie de l'ensemble du membre supérieur gauche et également de l'ensemble du rachis. Sont des conséquences de la chute subie le 23 févier 2015, une fracture luxation fermée du coude gauche associant une fracture de la tête radiale et une fracture de l'apophyse coronoïde, un traumatisme du poignet gauche, un traumatisme de l'épaule gauche ainsi qu'une contusion rachidienne globale sans lésion anatomique décelable. La consolidation de l'état de Mme E... est fixée au 19 février 2019 date de son licenciement pour inaptitude que les lésions de la chute du 23 février 2015 ont rendu inévitable.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des dépenses de santé :

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Mme E... a engagé des dépenses en lien avec la chute du 23 février 2015 consistant en des dépassements d'honoraires pour une attelle de poignet, des médicaments antalgiques, un déplacement en ambulance, du gel de massage utilisé en cabinet de kinésithérapie et un matelas mémoire de forme pour un montant total de 1 372,64 euros. Il y a lieu de condamner MMH à lui verser cette somme au titre des dépenses de santé avant consolidation de son état de santé.

4. En second lieu, si Mme E... demande le versement d'une somme de 31 608 euros pour les frais d'hébergement liés au suivi d'une cure thermale annuelle sur 36 années avec un devis de 878 euros, elle ne justifie pas d'une quelconque prescription médicale pour suivre ces cures thermales annuelles jusqu'à l'âge de 88 ans en lien avec les traumatismes liés à la chute du 23 février 2015. Sa demande présentée sur ce chef de préjudice ne peut dès lors qu'être rejetée.

S'agissant des frais divers :

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Mme E... qui a souffert après la chute litigieuse d'une fracture du coude et d'une contusion rachidienne a engagé des dépenses pour l'acquisition de vêtements découpés lors de son arrivée à l'hôpital après sa chute et pouvant être portés avec un bras immobilisé ainsi que d'un rehausseur pour un montant de 690,94 euros. Ces dépenses par leur nature et leur date d'acquisition sont en lien avec la chute du 23 février 2015.

6. En deuxième lieu, Mme E... justifie avoir engagé des dépenses utiles pour la détermination de son état de santé et l'évaluation de son préjudice qui sont des honoraires médicaux lors de l'expertise amiable et l'expertise judiciaire ainsi que des frais d'établissement de constats d'huissier pour une somme totale de 2 101,56 euros.

7. Enfin, il résulte de l'instruction que Mme E... s'est vue prescrire des cures thermales pour les années 2016, 2017, 2018 et 2019 pour rhumatologie et séquelles de traumatismes ostéo-articulaire en lien avec la chute du 23 février 2015. Sont restés à sa charge les frais d'hébergement pour la durée de ces cures dont elle produit les justificatifs pour un montant de 3 224,80 euros.

8. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner MMH à verser à Mme E... une somme de 6 017,30 euros au titre des frais divers engagés à la suite de la chute du 23 février 2015.

S'agissant de l'assistance tierce-personne :

9. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du Pr A... déposé le 1er octobre 2021 que Mme E... a bénéficié d'aides non spécialisées de la part de son entourage évaluée à 14 heures par semaine que ce soit avant ou après la consolidation de son état. Il est constant que l'expert évoque ici l'état de fait de Mme E... au regard de ce qu'elle en dit. Compte tenu toutefois de l'état de santé de l'intéressée, de son âge et de la composition de sa famille pour la prise en charge des tâches ménagères, il y a lieu de retenir un besoin d'assistance tierce personne de 7h30 par semaine. En tenant compte de la valeur moyenne du salaire minimum interprofessionnel de croissance sur la période considérée, augmentée des charges sociales incombant à l'employeur, du coût des congés payés et de la majoration pour dimanche et jours fériés, il sera fait une juste appréciation du préjudice qui a résulté pour Mme E... du besoin d'une aide non spécialisée par une tierce personne en l'indemnisant selon un taux horaire de 13 euros. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu de calculer l'indemnisation de ces besoins sur la base d'une année de 412 jours, soit 58 semaines. Il sera alors fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à une somme de 150 463,32 euros.

S'agissant de l'aménagement de son véhicule :

10. Si Mme E... soutient qu'en raison de la perte de mobilité de son coude gauche, elle a besoin d'un véhicule aménagé avec une boite de vitesse automatique, elle n'en justifie aucunement et l'expertise ne le retient pas. En conséquence, cette demande doit être rejetée.

S'agissant de la perte de gains professionnels :

11. Il résulte de l'instruction que les lésions de la chute du 23 février 2015 subie par Mme E..., manipulatrice en imagerie médicale ont conduit à son licenciement pour inaptitude le 19 février 2019. Son dernier salaire connu de janvier 2015 était de 15 781 euros. Si Mme E... demande la prise en compte dans le calcul de la perte de gains professionnels d'une reprise à temps plein, des week-end et jours fériés travaillés, il est constant que la rémunération des heures supplémentaires ou astreintes est liée à l'exercice effectif des fonctions et ne peut faire l'objet d'une indemnisation. De même, Mme E... ne peut, pour ce calcul de la perte de revenus, bénéficier des évolutions futures de son métier. Même si cette indemnisation est prévue par le contrat d'assurances de Mme E... conclu avec Generali Assurances, il appartient au juge de statuer sur la demande de Mme E....

12. Ainsi, d'une part, Mme E... a perçu des indemnités journalières qui ont conduit à des revenus déclarés de 13 393 euros en 2015, 13 843 euros en 2016, 14 610 euros en 2017, 15 821 euros en 2018 et elle perçoit depuis le 1er janvier 2019 une pension d'invalidité de 14 999,80 euros. Ainsi Mme E... a pour cette période subi une perte de salaire de 5 959 euros qu'il convient d'actualiser au regard de l'évolution du SMIC entre 2015 et 2019. Les pertes de revenus actualisées subies par Mme E... avant consolidation s'élèvent donc à la somme de 6 174,71 euros.

13. D'autre part, s'agissant de la perte de revenus futurs qui est de 781,60 euros correspondant à la différence entre le montant de sa pension d'invalidité et de son dernier salaire connu, compte tenu de l'âge légal de départ à la retraite, Mme E..., née le 9 octobre 1969, il y a lieu de lui allouer une rente globale de 9 973,22 euros.

S'agissant de l'incidence professionnelle économique :

14. Aux termes de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale : " L'assuré a droit à une pension d'invalidité lorsqu'il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées, sa capacité de travail ou de gain, c'est-à-dire le mettant hors d'état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu'il exerçait avant la date de l'interruption de travail suivie d'invalidité ou la date de la constatation médicale de l'invalidité si celle-ci résulte de l'usure prématurée de l'organisme ". Eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par ces dispositions législatives et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du code de la sécurité sociale, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité.

15. Il résulte de l'instruction que les lésions de la chute du 23 février 2015 subie par Mme E..., manipulatrice en imagerie médicale ont conduit à son licenciement pour inaptitude le 19 février 2019. Mme E... perçoit depuis le 1er janvier 2019 une pension d'invalidité de 14 999,80 euros. Compte tenu de son dernier salaire connu en février 2015 soit 15 781 euros, Mme E... justifie pour sa pension de retraite à taux plein de 50 % d'un manque à gagner certain de 390 euros. En conséquence, l'incidence professionnelle dont se prévaut Mme E... et consistant à une perte de ses droits à pension sera évaluée à une somme globale de 10 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

16. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que Mme E... a subi une gêne temporaire totale de 100 % du 23 au 24 février 2015, une gêne temporaire partielle de 50 % du 25 février 2015 au 19 mars 2015, une gêne temporaire partielle de 25 % du 20 mars 2015 au 18 février 2019. Il sera fait une juste appréciation de son préjudice en l'évaluant à hauteur de 6 162,50 euros.

S'agissant du déficit fonctionnel permanent :

17. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que Mme E... souffre d'un déficit fonctionnel permanent de 30 %. Compte tenu de son âge, il sera fait une juste appréciation de son préjudice en l'évaluant à hauteur de 55 000 euros.

S'agissant des souffrances endurées :

18. Il résulte de l'instruction que les souffrances endurées, lesquelles sont forcément temporaires, sont chiffrées à 3,5/7. Les souffrances permanentes pour lesquelles Mme E... demande une indemnisation sont comprises dans le chef de préjudice du déficit fonctionnel permanent. Il sera fait une juste appréciation du préjudice lié aux souffrances endurées en l'évaluant à une somme de 8 000 euros.

S'agissant du préjudice esthétique :

19. Il résulte de l'instruction que le préjudice esthétique temporaire et définitif est chiffré à 1,5/7 consistant notamment dans le port d'une attelle. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à une somme de 3 000 euros.

S'agissant du préjudice sexuel :

20. Il résulte de l'instruction qu'un préjudice sexuel est reconnu lié à une perte de libido et des difficultés positionnelles. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à une somme de 3 000 euros.

S'agissant du préjudice d'agrément :

21. Il résulte de l'instruction que le préjudice d'agrément est complet pour la natation et partiel pour la marche qui est limitée dans le temps mais qui n'est pas impossible. Mme E... se borne à justifier qu'elle s'adonnait avant l'accident à la marche au jardinage et bricolage sans autre pratique sportive. Il sera fait une juste appréciation de son préjudice en l'évaluant à une somme de 6 000 euros.

En ce qui concerne le préjudice par ricochet de sa fille, D... E... :

22. Il résulte de l'instruction et notamment de certificats médicaux établis le 29 juin 2015, le 8 juin 2016 et le 2 février 2018, que Mme E... a été dans l'impossibilité depuis la chute du 23 février 2015 et pendant plusieurs mois de poser les prothèses oculaires de sa fille souffrant d'un handicap visuel. Il sera alors fait une juste appréciation du préjudice subi par Juliette victime indirecte, en allouant une somme de 15 000 euros à ce titre. Toutefois le lien entre les lésions de la chute subies par Mme E... le 23 février 2015 et la déscolarisation de Juliette, alors âgée de 11 ans, pendant quatre années pour la faire bénéficier d'un suivi pédagogique à domicile mis en place par l'éducation nationale de janvier 2016 à 2018 n'est pas établi.

23. Il résulte de ce qui précède que les préjudices subis par Mme E... lors de la chute du 25 février 2015 doivent être évalués à un montant de 280 163,69 euros.

Sur la demande de Generali Assurances :

24. Aux termes de l'article 1346 du code civil : " La subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette. ". L'article 1346-4 du même code dispose : " La subrogation transmet à son bénéficiaire, dans la limite de ce qu'il a payé, la créance et ses accessoires, à l'exception des droits exclusivement attachés à la personne du créancier. ". Aux termes de l'article L. 121-21 du code des assurances " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. "

25. En conséquence de ces dispositions, l'assureur qui a acquitté la dette de son assuré bénéficie d'une double subrogation dans les droits de ce dernier lorsqu'il lui a payé une indemnité d'assurance au titre du contrat conclu avec celui-ci. Par suite, l'assureur a seul qualité pour agir et obtenir, s'il s'y croit fondé, la réparation du préjudice qu'il a indemnisé.

26. Il résulte de l'instruction que par un procès-verbal de transaction signé par Mme E... le 16 mars 2020, Generali Assurances a accepté de verser à cette dernière une somme de 178 262,70 euros en réparation de l'accident survenu à l'occasion de la chute subie le 23 février 2015. Cette somme correspond à l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent, des souffrances endurées, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, de l'assistance par tierce personne, du préjudice d'agrément et de l'aménagement du véhicule de la victime. Ainsi, Generali Assurances, lequel est subrogé dans les droits de Mme E... auprès de MMH, est fondé à demander la condamnation de MMH à lui rembourser les sommes versées dans la limite de ce qui a été jugé par le présent arrêt.

27. En conséquence, MMH est condamné à verser à Generali Assurances une somme de 169 045,12 euros.

28. Il résulte de tout ce qui précède que MMH doit être condamné à verser à Mme E... une somme de 111 118,57 euros dont il sera déduit la provision versée par l'arrêt du 17 mars 2020, soit une somme de 101 118,57 euros.

Sur la demande de la CPAM de Meurthe-et-Moselle :

29. La CPAM de Meurthe-et-Moselle demande le remboursement de ses débours à hauteur de 263 900,02 euros. Une attestation du médecin conseil établit le lien entre les débours engagés et la chute subie par Mme E... et notamment les indemnités journalières versées pour 14,91 euros par jour au titre des arrêts maladie du 5 décembre au 24 décembre 2017 et du 3 septembre 2018 au 02 octobre 2018. Ainsi, la CPAM justifie avoir engagé des débours pour Mme E... à hauteur 263 900,02 euros. Il sera déduit de cette somme celles déjà versées par l'arrêt du 17 mars 2020. Par suite MMH est condamné à verser à la CPAM de Meurthe-et-Moselle une somme de 257 949,02 euros.

Sur les intérêts :

30. La somme mentionnée au point précédent du présent arrêt sera assortie du versement des intérêts au taux légal à compter du 14 mars 2017, date de la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle.

Sur les dépens :

31. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens. ".

32. Il y a lieu de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 500 euros par une ordonnance de la présidente de la cour du 10 mai 2021, à la charge de MMH.

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :

33. L'article 1er de l'arrêté du 14 décembre 2021 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale fixe à 1 114 euros, à compter du 1er janvier 2022, le montant maximum de l'indemnité forfaitaire de gestion visée par ces articles. Il y a, dès lors, lieu de mettre à la charge de MMH une somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion à verser à la CPAM.

Sur les frais liés à l'instance :

34. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de MMH une somme de 1 000 euros chacune à verser à Mme E... et à la CPAM de Meurthe-et-Moselle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Generali IARD présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'Office public de l'Habitat, Meurthe-et-Moselle Habitat est condamné à verser à Mme E... une somme de 111 118,57 euros sous déduction de la somme de 10 000 euros déjà accordée à titre provisionnel.

Article 2 : L'Office public de l'Habitat, Meurthe-et-Moselle Habitat est condamné à verser à Generali IARD une somme de 169 045,12 euros.

Article 3 : L'Office public de l'Habitat, Meurthe-et-Moselle Habitat est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle une somme de 263 900,02 euros, sous déduction de la somme de 5 951 euros, versée à titre provisionnelle assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 mars 2017.

Article 4 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 500 euros par une ordonnance de la présidente de la cour du 10 mai 2021, sont mis à la charge de l'Office public de l'Habitat, Meurthe-et-Moselle Habitat.

Article 5 : L'Office public de l'Habitat, Meurthe-et-Moselle Habitat versera à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle une somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Article 6 : L'Office public de l'Habitat, Meurthe-et-Moselle Habitat versera à Mme E... et à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle une somme de 1 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E..., l'Office public de l'Habitat, Meurthe-et-Moselle Habitat, Generali IARD et la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Grossrieder, présidente,

Mme Roussaux, première conseillère,

Mme Picque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 juillet 2022.

La présidente-rapporteure,

Signé : S. F...

L'assesseure la plus ancienne,

Signé : S. Roussaux

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

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18NC01902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01902
Date de la décision : 21/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Régime de la responsabilité.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. DEVILLERS
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : TADIC

Origine de la décision
Date de l'import : 16/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-07-21;18nc01902 ?
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