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13/07/2022 | FRANCE | N°21NC02910

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 13 juillet 2022, 21NC02910


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100068 du 24 mars 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2021, Mme A..

. D... B..., représentée par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 mar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100068 du 24 mars 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2021, Mme A... D... B..., représentée par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 mars 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 30 octobre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal a omis de répondre à l'ensemble des moyens qu'elle avait soulevés en première instance ;

- le tribunal s'est fondé sur un motif relatif à la compétence de la personne qui a légalisé les actes d'état civil, qui n'a pas été soumis au débat contradictoire et qui manque en fait ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit en ne constatant pas que le préfet n'avait pas procédé à un examen d'ensemble de sa situation au regard de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité du refus de séjour :

- la décision est entachée d'un défaut de motivation ;

- le préfet a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour au motif que son identité n'est pas établie ;

- le préfet n'a pas opéré un examen global de sa situation en application des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a ainsi entaché sa décision d'une erreur de droit ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa demande au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est entachée d'une erreur de droit au regard du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de la directive du 16 décembre 2008 ;

- le préfet s'est estimé être en situation de compétence liée pour prendre à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 octobre 2021.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ;

- le décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 ;

- la décision n° 2021-972 QPC du 18 février 2022 du Conseil constitutionnel ;

- la décision n° 448296, 448305, 454144, 455519 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, du 7 avril 2022 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me Jeannot, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., se disant être née en 2002 et de nationalité guinéenne, serait entrée irrégulièrement en France en août 2018. Elle a été confiée à l'aide sociale à l'enfance de Meurthe-et-Moselle le 24 octobre 2018. Le 18 août 2020, Mme B... a déposé une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 30 octobre 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 24 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 30 octobre 2020.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé ".

3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le cadre de l'examen d'une demande l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. (...) ". En vertu de l'article L. 111-6 du même code, alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". L'article 47 du code de civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

5. Aux termes du II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : " Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet. / La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu / Un décret en Conseil d'Etat précise les actes publics concernés par le présent II et fixe les modalités de la légalisation. " Aux termes de l'article 1er du décret du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère, applicable aux légalisations intervenues à compter du 1er janvier 2021 : " Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France ou devant un ambassadeur ou chef de poste consulaire français doit être légalisé pour y produire effet. La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. Elle donne lieu à l'apposition d'un cachet dont les caractéristiques sont définies par arrêté conjoint des ministres chargés de la justice et des affaires étrangères ".

6. A moins d'engagements internationaux contraires, la légalisation était imposée, s'agissant des actes publics étrangers destinés à être produits en France, sur le fondement de l'article 23 du titre IX du livre Ier de l'ordonnance de la marine d'août 1681, jusqu'à ce que ce texte soit abrogé par le II de l'article 7 de l'ordonnance du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques. L'exigence de légalisation est toutefois demeurée, sur le fondement de la coutume internationale, reconnue par une jurisprudence établie du juge judiciaire, jusqu'à l'intervention des dispositions citées ci-dessus du II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019. Les dispositions des 1er et 3ème alinéas de cet article ont été déclarées contraires à la Constitution, au motif qu'elles ne prévoient pas de voie de recours en cas de refus de légalisation d'actes d'état civil, par la décision n° 2021-972 QPC du 18 février 2022 du Conseil constitutionnel, qui a toutefois reporté au 31 décembre 2022 la date de leur abrogation. Par une décision n° 48296, 448305, 454144, 455519 du 7 avril 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé le décret du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère, pris pour l'application de ces dispositions législatives, en reportant la date et l'effet de cette annulation au 31 décembre 2022. Il en résulte que les dispositions citées au point 3, qui se sont substituées à compter de leur entrée en vigueur comme fondement de l'exigence de légalisation à la coutume internationale, demeurent applicables jusqu'à cette date.

7. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'est produit devant l'administration un acte d'état civil émanant d'une autorité étrangère qui a fait l'objet d'une légalisation, sont en principe attestées la véracité de la signature apposée sur cet acte, la qualité de celui qui l'a dressé et l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. En cas de doute sur la véracité de la signature, sur l'identité du timbre ou sur la qualité du signataire de la légalisation, il appartient à l'autorité administrative de procéder, sous le contrôle du juge, à toutes vérifications utiles pour s'assurer de la réalité et de l'authenticité de la légalisation.

8. En outre, la légalisation se bornant à attester de la régularité formelle d'un acte, la force probante de celui-ci peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. Par suite, en cas de contestation de la valeur probante d'un acte d'état civil légalisé établi à l'étranger, il revient au juge administratif de former sa conviction en se fondant sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

9. A la condition que l'acte d'état civil étranger soumis à l'obligation de légalisation et produit à titre de preuve devant l'autorité administrative ou devant le juge présente des garanties suffisantes d'authenticité, l'absence ou l'irrégularité de sa légalisation ne fait pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations qu'il contient. En particulier, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'admission au séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative d'y répondre, sous le contrôle du juge, au vu de tous les éléments disponibles, dont les évaluations des services départementaux et les mesures d'assistance éducative prononcées, le cas échéant, par le juge judiciaire, sans exclure, au motif qu'ils ne seraient pas légalisés dans les formes requises, les actes d'état civil étrangers justifiant de l'identité et de l'âge du demandeur.

10. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier des termes de l'arrêté en litige, que le préfet a estimé que les documents présentés par Mme B... pour établir son état civil étaient dépourvus de valeur probante. N'ayant pas justifié de son état civil, le préfet a refusé de lui délivrer un récépissé constatant le dépôt d'une demande de titre de séjour et a par suite, rejeté la demande d'admission au séjour.

11. A l'appui de sa demande de titre de séjour, Mme B... a présenté un jugement supplétif d'acte de naissance n° 29765 du tribunal de première instance de Conakry II du 4 octobre 2019, un extrait du registre de l'état civil du 30 octobre 2019 de la commune de Ratoma, un certificat de nationalité n° 303 du tribunal de première instance de Conakry II du 11 février 2020. Ces trois documents mentionnent qu'elle est née le 21 juin 2002, à Conakry, sous le patronyme de Oumou D... B....

12. Pour contester l'authenticité de ces actes, la décision de refus de titre de séjour en litige se fonde sur le rapport technique documentaire de la direction de la police aux frontières de la zone Est réalisé le 10 septembre 2020. Ce rapport relève que les documents originaux produits par Mme B... " ne sont pas recevables au regard de l'article 47 du code civil ". Plus particulièrement, il énonce que le jugement supplétif comporte à son verso des cachets humides qui attestent la transcription de cet acte dans les registres de l'état civil et la légalisation des signatures de la présidente de la deuxième section du tribunal de première instance de Conakry II et du chef du greffe. Le rapport note toutefois que ces signatures n'ont pas fait l'objet chacune d'une double légalisation et que le cachet humide qui légalise la signature de la présidente de la deuxième section du tribunal comporte une erreur de plume dans la désignation de sa qualité. Il relève également que la présence du procureur de la République à l'audience n'est pas mentionnée. S'agissant de la transcription de l'acte de naissance, l'analyste documentaire relève les cachets humides présents sur le document ne présentent pas d'anomalie et que cet acte a fait l'objet d'une double légalisation. Il constate cependant que certaines informations requises par l'article 196 du code civil guinéen font défaut, sans préciser lesquelles. Enfin, le certificat de nationalité comporte un timbre fiscal holographique d'une valeur conforme mais n'a cependant pas fait l'objet d'une double légalisation. L'acte vise les articles 56 et 178 du code civil guinéen qui, selon l'expert, ne trouvent pas à s'appliquer à la situation de Mme B....

13. Il ressort des pièces du dossier que le jugement supplétif du 4 octobre 2019 et l'extrait du registre des actes de l'état civil du 30 octobre 2019 produits par la requérante ont été légalisés par la chargée des affaires consulaires au sein de l'ambassade de Guinée en France le 19 juin 2020 et par la direction des affaires juridiques et consulaires du ministère des affaires étrangères de la République de Guinée le 4 novembre 2019. L'acte de naissance a fait l'objet d'une double légalisation, comme il a déjà été dit au point précédent, alors que le jugement supplétif ne présente qu'une légalisation simple de la signature du chef du greffe et de celle de la présidente de section du tribunal de première instance. Cependant, comme il a été dit aux points précédents, la procédure de légalisation a pour seul objet d'attester la véracité de la signature et la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et non le respect des conditions de fond de l'acte. Par suite, l'absence ou l'irrégularité de la légalisation des actes en cause ne fait pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations qu'ils contiennent. Par ailleurs, Mme B... se prévaut d'une attestation de l'ambassadeur de Guinée en France du 9 juin 2020 qui confirme que la chargée des affaires consulaires qui a légalisé certains des actes en cause, est membre du personnel de l'ambassade et est habilitée à signer et légaliser tous les documents consulaires. En outre, eu égard aux constatations de la direction de la police aux frontières de la zone Est énoncée au point précédent, le préfet n'apporte pas d'élément permettant de remettre en cause la présomption d'exactitude prévue à l'article 47 du code civil précité dont sont ainsi revêtus les documents en cause. L'absence de mention dans le corps du jugement supplétif de la présence à l'audience du procureur de la République ne permet pas de déduire, de ce seul fait, que ce document n'est pas authentique. Enfin, la circonstance que l'acte de naissance de Mme B..., transcrivant le jugement supplétif a omis de préciser certaines mentions requises, qui sont indiquées dans ce jugement, telles que l'âge, la profession et le domicile des parents de l'intéressée, ne saurait suffire à établir que cet acte serait irrégulier, falsifié ou inexact, dès lors que le rapport technique documentaire relève que les cachets humides présents sur le document ne présentent pas d'anomalie et que cet acte a fait l'objet d'une double légalisation.

14. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le préfet de Meurthe-et-Moselle ne renverse pas la présomption de validité qui s'attache, en vertu notamment de l'article 47 du code civil, aux mentions contenues dans l'extrait du registre de transcription du 30 octobre 2019 et le jugement supplétif du 4 octobre 2019. Par suite, c'est par une inexacte application des dispositions de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté la demande de titre de séjour de Mme B... au motif que son état civil n'était pas établi. Par suite, Mme B... est fondée à demander l'annulation de la décision portant refus de séjour ainsi que, par voie de conséquence, la décision l' obligeant à quitter le territoire français.

15. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens relatifs à la régularité du jugement, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Le présent arrêt, au regard du motif d'annulation retenu, n'implique pas que l'administration prenne une nouvelle décision relative à la demande de titre de séjour de Mme B... dans un sens déterminé. En revanche, le présent arrêt implique que le préfet de Meurthe-et-Moselle réexamine la situation de Mme B... dans un délai de deux mois, en tenant compte des motifs exposés dans le présent arrêt et le cas échéant des nouvelles circonstances de droit et de fait dont il aurait connaissance, et en exécution de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés à l'instance :

17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros à verser à Me Jeannot sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Jeannot renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 24 mars 2021 et l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 30 octobre 2020 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : Il est mis à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros à verser à Me Jeannot sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Jeannot renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Lambing, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2022.

La rapporteure,

Signé : S. C... Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 21NC02910


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02910
Date de la décision : 13/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-07-13;21nc02910 ?
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