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07/07/2022 | FRANCE | N°20NC03701

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 07 juillet 2022, 20NC03701


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduits d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2005651 du 2 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasb

ourg a rejeté sa demande.

Procédures devant la cour :

Par une requête, enregistré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduits d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2005651 du 2 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédures devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2020, M. B... A..., représenté par Me Snoeckx, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2005651 du tribunal administratif de Strasbourg du 2 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son avocate en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de séjour méconnaît les stipulations du paragraphe 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dès lors qu'il ne peut pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ;

- le refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la préfète a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation.

L'instruction a été close le 20 avril 2021.

Le 2 juin 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction, la préfète du Bas-Rhin a déposé un mémoire en défense, qui n'a pas été communiqué.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 24 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience

Le rapport de M. Rees, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur la légalité du refus de séjour contesté :

1. En premier lieu, aux termes du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 2) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".

2. Par un avis du 14 novembre 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, l'Algérie, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'il peut voyager sans risque vers ce pays. Cet avis, que la préfète s'est approprié, fait présumer que M. A... ne remplit pas les conditions prévues par les stipulations précitées pour être admis au séjour en France en raison de son état de santé. S'il ressort des explications de M. A... qu'il souffrirait de troubles de nature psychiatrique, aucun des éléments qu'il produit ne décrit précisément la ou les pathologies dont il est atteint, ce qui ne permet pas de vérifier que l'insuffisance alléguée du système de soins en Algérie ferait obstacle à ce qu'il puisse y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. M. A..., ressortissant algérien né en 1997 et entré en France en septembre 2015, fait valoir ses cinq années de séjour, dont trois en situation régulière, sur le territoire national, son concubinage avec une ressortissante française et son activité professionnelle. Toutefois, il n'a été admis au séjour qu'à titre provisoire, jusqu'en février 2019, en raison de son état de santé, et l'unique élément qu'il produit au sujet de sa relation alléguée avec une ressortissante française, une déclaration de concubinage établie le 18 décembre 2019, ne suffit pas à établir la réalité, l'ancienneté et l'intensité de cette relation. En outre, M. A... n'est pas dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, où résident ses parents, frères et sœurs. Par ailleurs, entre le 5 décembre 2016 et le 3 avril 2020, M. A... a fait l'objet de six condamnations à des peines d'amende, d'emprisonnement avec sursis et d'emprisonnement par le tribunal correctionnel de Strasbourg pour des faits de recel de bien provenant d'un vol, vol en récidive, vol en réunion, vol aggravé, vols commis dans un véhicule affecté au transport de voyageurs, dégradation ou détérioration de bien destiné à l'utilité ou à la décoration publique et évasion d'un condamné placé sous surveillance électronique. Eu égard à la gravité de ces faits, à leur répétition et à leur caractère récent, la préfète a pu, à juste titre, estimer que le comportement de l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public. Eu égard à la faible ancienneté de ses attaches en France et à cette menace, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la préfète a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a refusé de l'admettre au séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

5. En troisième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point précédent, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la préfète s'est livrée à une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-4 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ".

8. Pour la même raison que celle indiquée au point 2, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de ces dispositions.

9. En troisième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

10. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

11. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".

12. En premier lieu, dès lors qu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à M. A..., la préfète a pu légalement assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français.

13. En second lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 4, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète a commis une erreur d'appréciation en interdisant à l'intéressé de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Rees, président,

- M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2022.

Le président-rapporteur,

Signé : P. Rees L'assesseur le plus ancien,

dans l'ordre du tableau,

Signé : J.F. Goujon-Fischer

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

N° 20NC03701 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03701
Date de la décision : 07/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SNOECKX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-07-07;20nc03701 ?
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