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07/07/2022 | FRANCE | N°20NC03444

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 07 juillet 2022, 20NC03444


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... et Mme C... A... née D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg, chacun pour ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 18 février 2020 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement nos 2002027 et 2002028 du 5 août 2020, l

e tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédures devant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... et Mme C... A... née D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg, chacun pour ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 18 février 2020 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement nos 2002027 et 2002028 du 5 août 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2020 sous le n° 20NC03444, Mme C... A... née D..., représentée par Me Mengus, demande à la cour :

1°) avant dire droit : 1) d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et/ou à la préfète du Bas-Rhin de transmettre les éléments ayant permis à l'administration de considérer que son fils peut désormais se faire soigner en Algérie, y compris la base de données d'informations sur l'Algérie dénommée " BISPO " et les fiches MEDCOI de l'Office français de l'immigration et de l'intégration : 2) d'ordonner une expertise contradictoire en désignant un collège d'experts pour examiner son fils, décrire son état de santé et détailler les troubles observés, et après avoir entendu tout sachant, s'être fait communiquer tout document utile, notamment son entier dossier médical, et avoir procédé à toutes les investigations nécessaires, préciser la nature des pathologies qu'il présente et la nature du traitement médical nécessaire, décrire les soins adaptés à son état de santé et préciser les conséquences d'un défaut de soins, se prononcer sur la durée de ces soins et préciser s'ils doivent nécessairement être poursuivis en France et s'ils sont disponibles et accessibles en Algérie, compte tenu de son état de santé et de sa situation personnelle ;

2°) d'annuler le jugement nos 2002027 et 2002028 du tribunal administratif de Strasbourg du 5 août 2020 en tant qu'il la concerne, ainsi que l'arrêté pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut de procéder, dans le même délai et sous la même astreinte, au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 200 euros à verser à son avocate en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant du moyen commun à l'ensemble des décisions que comporte l'arrêté contesté :

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

S'agissant des moyens soulevés à l'encontre de la décision de refus de séjour :

- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 5 août 2019 a été émis de manière irrégulière ;

- la préfète du Bas-Rhin, qui s'est crue à tort liée par cet avis, a omis d'exercer son pouvoir d'appréciation ;

- le refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que son fils remplit les conditions prévues par le 11° de l'article L. 313-11 de ce code ;

- le refus de séjour a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la préfète aurait dû l'admettre au séjour à titre exceptionnel dès lors qu'elle remplit les conditions prévues par la circulaire du 28 novembre 2012 ;

S'agissant des moyens soulevés à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision n'est pas motivée ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant des moyens à l'encontre de la décision relative au délai de départ volontaire :

- la décision est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- son éloignement est, de fait, impossible ;

S'agissant du moyen soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

L'instruction a été close le 8 mars 2021.

La procédure a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté d'observations en défense.

II. Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2020 sous le n° 20NC03446, M. E... A..., représenté par Me Mengus, demande à la cour :

1°) avant dire droit : 1) d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et/ou à la préfète du Bas-Rhin de transmettre les éléments ayant permis à l'administration de considérer que son fils peut désormais se faire soigner en Algérie, y compris la base de données d'informations sur l'Algérie dénommée " BISPO " et les fiches MEDCOI de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; 2) d'ordonner une expertise contradictoire en désignant un collège d'experts pour examiner son fils, décrire son état de santé et détailler les troubles observés,, et après avoir entendu tout sachant, s'être fait communiquer tout document utile, notamment son entier dossier médical, et avoir procédé à toutes les investigations nécessaires, préciser la nature des pathologies qu'il présente et la nature du traitement médical nécessaire, décrire les soins adaptés à son état de santé et préciser les conséquences d'un défaut de soins, se prononcer sur la durée de ces soins et préciser s'ils doivent nécessairement être poursuivis en France et s'ils sont disponibles et accessibles en Algérie, compte tenu de son état de santé et de sa situation personnelle ;

2°) d'annuler le jugement nos 2002027 et 2002028 du tribunal administratif de Strasbourg du 5 août 2020 en tant qu'il le concerne, ainsi que l'arrêté pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut de procéder, dans le même délai et sous la même astreinte, au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 200 euros à verser à son avocate en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant du moyen commun à l'ensemble des décisions que comporte l'arrêté contesté :

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

S'agissant des moyens soulevés à l'encontre de la décision de refus de séjour :

- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 5 août 2019 a été émis de manière irrégulière ;

- la préfète du Bas-Rhin, qui s'est crue à tort liée par cet avis, a omis d'exercer son pouvoir d'appréciation ;

- le refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que son fils remplit les conditions prévues par le 11° de l'article L. 313-11 de ce code ;

- le refus de séjour a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la préfète aurait dû l'admettre au séjour à titre exceptionnel dès lors qu'elle remplit les conditions prévues par la circulaire du 28 novembre 2012 ;

S'agissant des moyens soulevés à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision n'est pas motivée ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant des moyens à l'encontre de la décision relative au délai de départ volontaire :

- la décision est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- son éloignement est, de fait, impossible ;

S'agissant du moyen soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

L'instruction a été close le 8 mars 2021.

La procédure a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté d'observations en défense.

M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 15 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers, et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience

Le rapport de M. Rees, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Il y a lieu de joindre les requêtes susvisées, nos 20NC03444 et 20NC03446, qui sont dirigées contre un même jugement et concernent la situation d'un couple d'étrangers, pour y statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen commun à l'ensemble des décisions que comportent les arrêtés contestés :

2. Les arrêtés contestés ont été signés le 18 février 2020 par Mme B..., directrice de l'immigration et de l'intégration de la préfecture du Bas-Rhin. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... avait été nommée en qualité de directrice de l'immigration et de l'intégration de la préfecture du Bas-Rhin par un arrêté du ministre de l'intérieur qui, s'il n'est pas daté, a été notifié le 3 juin 2019, ainsi qu'en atteste la signature et la date figurant à côté de la mention " notifié le ". Si les requérants font valoir qu'il n'est pas établi que c'est à Mme B... que cet arrêté a été notifié, ils n'apportent aucun élément pour démontrer que la signature qui y figure n'est pas la sienne. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, en particulier de son procès-verbal d'installation, que la préfète du Bas-Rhin, nommée par décret du Président de la République du 15 janvier 2020, publié le 16 janvier 2020 au Journal officiel de la République française, a été installée dans ses nouvelles fonctions le 3 février 2020. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce procès-verbal a été établi postérieurement à la signature de l'arrêté du 3 février 2020, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, par lequel la préfète du Bas-Rhin a donné délégation à Mme B... à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'État dans le département, à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquelles ne figurent pas les décisions contestées. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité des décisions de refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. (...) ". Si ces dispositions ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, cette circonstance n'interdit pas au préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, de délivrer à ces ressortissants une autorisation provisoire de séjour pour accompagnement d'enfant malade.

4. Pour refuser de renouveler les autorisations provisoires de séjour de M. et Mme A... en qualité de parents d'un enfant malade, la préfète du Bas-Rhin s'est notamment fondée sur l'avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 5 août 2019.

5. En l'absence de tout élément contraire aux dossiers, la mention " après en avoir délibéré " figurant dans cet avis, qui a été signé par chacun des trois membres du collège, permet de vérifier que cet avis a régulièrement fait l'objet d'une délibération collégiale. Par ailleurs, si la méconnaissance des orientations générales définies par l'arrêté du 5 janvier 2017 peut affecter le bien-fondé de la décision de refus de séjour, elle ne saurait en affecter la régularité de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Au surplus, les requérants ne précisent pas lesquelles de ces orientations générales auraient été méconnues, ni à plus forte raison en quoi elles l'auraient été. Enfin, aucune disposition légale ou réglementaire n'imposait à la préfète ou à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, préalablement à l'édiction des décisions contestées, de communiquer à M. et Mme A... les éléments au vu desquels le collège de médecins s'est prononcé, notamment la " bibliothèque d'information santé sur le pays d'origine " (BISPO).

6. Dans son avis du 5 août 2019, le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de l'enfant des requérants, qui souffre d'épilepsie, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, l'Algérie, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Cet avis est de nature à faire présumer que l'enfant des requérants ne remplissait pas les conditions les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11. La circonstance que des avis indiquant qu'il remplissait ces conditions aient été émis antérieurement n'est pas, par elle-même, de nature à le remettre en cause. Du reste, aucun de ces avis n'a été versé au dossier. Par ailleurs, en admettant que le médicament Keppra, qui est prescrit à l'enfant des requérants, ne soit pas commercialisé en Algérie, il ressort des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas contesté, que sa substance active, le Levetiracetam, y est distribué et accessible. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'enfant ne pourrait pas bénéficier en Algérie du suivi médical que requiert son état de santé.

7. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'ordonner les mesures d'instruction et d'expertise sollicitées par les requérants, leurs moyens tirés de ce que la préfète du Bas-Rhin aurait entaché ses décisions d'un vice de procédure et se serait livrée à une appréciation manifestement erronée de l'état de santé de l'enfant des requérants doivent être écartés.

8. En deuxième lieu, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur n'étaient pas applicables aux ressortissants algériens. Le moyen tiré de leur méconnaissance est donc inopérant.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., ressortissante algérienne née en 1978, est entrée en France en janvier 2015, accompagnée de ses deux enfants mineurs. M. A..., ressortissant algérien né en 1975, les y a rejoints en mai 2015. Il a quitté le territoire français en mars 2017 et y est revenu en décembre de la même année. M. et Mme A... ne justifient d'aucune attache personnelle ou familiale en France. Ils ne sont pas dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine, où ils ont vécu la majeure partie de leur vie et où résident, d'une part, les parents et les cinq frères et sœurs de M. A... et, d'autre part, les parents et les trois frères de Mme A.... Ils ne justifient d'aucun élément, et en particulier pas l'état de santé de leur enfant, ainsi qu'il a été dit au point 6, qui serait de nature à faire obstacle à ce que leur cellule familiale se reconstitue en Algérie. Dans ces conditions, ils ne sont pas fondés à soutenir que le préfet a porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a refusé de renouveler leurs titres de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

11. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

12. Les décisions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer les requérants de leurs enfants, ou de faire obstacle à leur scolarisation. Ces derniers pourront poursuivre leur scolarité en Algérie où l'aîné de la fratrie a, au demeurant, effectué la majeure partie de son cursus. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions contestées méconnaissent les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ". Si l'accord franco-algérien ne prévoit pas de modalités d'admission exceptionnelle au séjour telles qu'elles figurent à l'article précité, le préfet peut néanmoins délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit de ce titre de séjour. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier l'opportunité d'une mesure de régularisation compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle des intéressés.

14. Les requérants font valoir l'ancienneté de leur séjour en France la scolarisation de leurs enfants, l'état de santé de l'un d'entre eux et les efforts d'insertion professionnelle de M. A.... Toutefois, et compte tenu de ce qui a été dit précédemment, aucun de ces éléments ne permet, en l'espèce, de caractériser de manière flagrante des considérations humanitaires ni de motifs exceptionnels justifiant leur admission exceptionnelle au séjour. Dès lors, le moyen tiré de ce que la préfète du Bas-Rhin aurait entaché les décisions contestées d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ne peut qu'être écarté.

15. En sixième lieu, si M. et Mme A... soutiennent qu'ils remplissent les conditions d'admission au séjour prévues par la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ils ne précisent pas les dispositions de cette circulaire dont ils entendent se prévaloir. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité des décisions énonçant les obligations de quitter le territoire français :

16. En premier lieu, en vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas, en cas de refus de délivrance d'un titre de séjour, à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Les arrêtés contestés comportent en énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles la préfète s'est fondée pour refuser de délivrer un titre de séjour aux requérants. Les décisions de refus de séjour étant ainsi régulièrement motivée, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

17. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les obligations qui leur ont été faites de quitter le territoire français sont illégales du fait de l'illégalité des décisions de refus de séjour prises à leur encontre.

18. En troisième lieu, les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur n'étant applicables qu'à l'étranger dont le propre état de santé fait obstacle à son éloignement, les requérants ne peuvent pas utilement s'en prévaloir en invoquant l'état de santé de leur enfant.

19. En quatrième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 10, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la préfète a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en les obligeant à quitter le territoire français.

En ce qui concerne la légalité des décisions relatives au délai de départ volontaire :

20. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que ces décisions sont illégales du fait de l'illégalité des obligations qui leur ont été faites de quitter le territoire français.

21. En second lieu, si les requérants font valoir l'illégalité des décisions contestées du fait d'une impossibilité d'éloigner les ressortissants algériens, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas du tableau qu'ils produisent, relatif aux possibilités d'éloignement à la date du 21 octobre 2020, que cette impossibilité existait à la date de ces décisions, le 18 février 2020.

En ce qui concerne la légalité des décisions fixant le pays de destination :

22. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que ces décisions sont illégales du fait de l'illégalité des refus de séjour qui leur ont été opposés et des obligations qui leur ont été faites de quitter le territoire français.

23. En second lieu, pour la même raison que celle indiquée au point 21, le moyen tiré de ce qu'il aurait été impossible de les éloigner à destination de l'Algérie doit être écarté.

24. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. et Mme A..., ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1 : Les requêtes de M. et Mme A... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et Mme C... A... née D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Rees, président,

- M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2022.

Le président-rapporteur,

Signé : P. Rees L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

Signé : J.-F. Goujon-Fischer

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

N° 20NC03444-20NC03446 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03444
Date de la décision : 07/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : MENGUS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-07-07;20nc03444 ?
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