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07/07/2022 | FRANCE | N°20NC03346

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 07 juillet 2022, 20NC03346


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 juin 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office, et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2003259 du 7 août 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
r>Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 novembre 2020, M. A... B...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 juin 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office, et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2003259 du 7 août 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 novembre 2020, M. A... B..., représenté par Me Bohner, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2003259 du tribunal administratif de Strasbourg du 7 août 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de retirer sa mention aux fins de non-admission dans le système Schengen et de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement de réexaminer sa situation dans le même délai en lui délivrant, dans l'intervalle, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocate en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit en se fondant sur la circonstance que le métier de couturier n'est pas un métier en tension ;

- le préfet s'est livré à une appréciation manifestement erronée de sa situation, alors qu'il justifie de circonstances humanitaires et exceptionnelles au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle est illégale pour les mêmes motifs que l'est la décision de refus de séjour ;

- la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est illégale, dès lors que le risque de fuite n'est pas établi ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ;

- l'ancienneté de son séjour et son intégration en France constituent des circonstances humanitaires faisant obstacle au prononcé de cette interdiction de retour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2021, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience

Le rapport de M. Rees, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur la légalité de la décision de refus de séjour :

1. En premier lieu, si l'erreur de droit du tribunal, alléguée par le requérant, peut affecter le bien-fondé du jugement attaqué, elle est sans incidence sur la légalité de la décision contestée.

2. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 ".

3. M. B... fait valoir son ancienneté de séjour de près de 6 ans en France, la promesse d'embauche en qualité de couturier dont il bénéficiait et sa bonne intégration du fait de ses nombreuses activités bénévoles auprès de plusieurs associations. Toutefois, ces différents éléments, même pris ensemble, ne suffisent pas à caractériser de manière flagrante des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour, ni par suite à considérer que le préfet se serait livré à une appréciation manifestement erronée de la situation de l'intéressé au regard des dispositions précitées.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. M. B..., ressortissant congolais (République démocratique du Congo) né en septembre 1976, est entrée en France en septembre 2014 selon ses déclarations. Il s'y est maintenu en dépit d'une mesure d'éloignement prise à son encontre le 21 décembre 2015, à la suite du rejet de sa demande d'asile. Il est contant qu'il est dépourvu de toute attache familiale en France, et il ne s'y prévaut d'aucune attache personnelle. Il est également constant que sa famille, et en particulier ses trois enfants mineurs, réside dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et en dépit de ses efforts d'intégration, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a refusé de l'admettre au séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour.

7. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, qui ne constitue pas un fondement de délivrance de plein droit d'un titre de séjour, ne peut pas être utilement invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français. Pour la même raison que celle indiquée au point 1, est également inopérant le moyen tiré de ce que le tribunal aurait commis une erreur de droit. Pour la même raison que celle indiquée au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé.

Sur la légalité de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

8. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " (...) II. ' L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".

9. Il est constant que M. B... a fait l'objet, le 21 décembre 2015, d'une obligation de quitter le territoire français à laquelle il n'a pas déféré. S'il fait valoir qu'il n'a pas reçu cette mesure d'éloignement, notifiée à une adresse de domiciliation à laquelle il n'avait plus accès, il ne démontre ni même n'allègue avoir, comme il lui incombait de le faire, informé les services de la préfecture de cette difficulté et de sa nouvelle adresse. En outre, la remise de son passeport et la fourniture d'une adresse à ces services le 3 juin 2020, jour même de l'édiction de l'arrêté contesté, ne sauraient constituer une circonstance particulière au sens des dispositions précitées. Dans ces conditions, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en regardant comme établi le risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français et, par suite, en décidant de ne pas lui octroyer un délai de départ volontaire.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette décision est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

11. En second lieu, si le requérant fait valoir, de manière au demeurant vague, qu'il pourrait être exposé, en cas de retour dans son pays d'origine, à des traitements prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'apporte aucun élément concret à l'appui de ses allégations. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut donc qu'être écarté.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

12. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " (...) III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour ".

13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire.

14. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet a fait une inexacte application des dispositions précitées en estimant que l'ancienneté du séjour du requérant et son intégration en France ne constituent pas des circonstances humanitaires de nature à justifier qu'il s'abstienne de lui interdire de retourner sur le territoire français.

15. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte, d'effacement du système d'information Schengen et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Rees, président,

- M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2022.

Le président-rapporteur,

Signé : P. Rees L'assesseur le plus ancien,

dans l'ordre du tableau,

Signé : J.F. Goujon-Fischer

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

N° 20NC03346 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03346
Date de la décision : 07/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : BOHNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-07-07;20nc03346 ?
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