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05/07/2022 | FRANCE | N°22NC00665

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 05 juillet 2022, 22NC00665


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de l'arrêté du 22 janvier 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé le renouvellement de son certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2102563 du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procé

dure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 mars 2022, M. B... A... D..., re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de l'arrêté du 22 janvier 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé le renouvellement de son certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2102563 du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 mars 2022, M. B... A... D..., représenté par Me Pialat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2102563 du tribunal administratif de Strasbourg du 22 juin 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 22 janvier 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant refus de renouvellement d'un certificat de résidence est entachée d'un vice de procédure dès lors que la préfète du Bas-Rhin n'a pas produit l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 14 février 2020 et qu'il n'est pas possible de déterminer si le médecin ayant établi le rapport médical a siégé ou non au sein de ce collège ;

- la décision en litige méconnaît les stipulations du 7) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du pouvoir de régularisation du préfet à titre exceptionnel ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement d'un certificat de résidence ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de renouvellement d'un certificat de résidence et obligation de quitter le territoire français.

La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas défendu dans la présente instance.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... est un ressortissant algérien, né le 31 décembre 1994. Il a déclaré être entré en France le 10 septembre 2014, sous couvert d'un passeport en cours de validité. Il a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 22 octobre 2015, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 20 septembre 2016. Le requérant ayant demandé son admission au séjour en qualité d'étranger malade, un certificat de résidence, valable du 31 décembre 2018 au 30 décembre 2019, lui a été délivré en application des stipulations du 7) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, relatif à la circulation à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles, dont il a sollicité le renouvellement le 18 novembre 2019. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 9 mars 2020, la préfète du Bas-Rhin, par un arrêté du 22 janvier 2021, a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. D... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Il relève appel du jugement n° 2102563 du 22 juin 2021, qui rejette sa demande.

Sur la décision portant refus de renouvellement d'un certificat de résidence :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code, alors en vigueur : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis (...). Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / (...) / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...). ". Aux termes du premier alinéa de l'article 5 du même arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / (...) / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin a produit, en première instance, l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 9 mars 2020, lequel mentionne expressément l'identité du médecin ayant établi le rapport médical visé par les dispositions réglementaires précitées. Les mentions figurant sur cet avis et sur son bordereau de transmission du même jour suffisent à établir que ce médecin n'a pas siégé au sein du collège conformément au troisième alinéa de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes du 7) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".

5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

6. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de renouveler l'admission au séjour de M. D... en qualité d'étranger malade, la préfète du Bas-Rhin s'est notamment fondée sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 9 mars 2020. Or, selon cet avis, si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet néanmoins de voyager sans risque à destination de son pays d'origine, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie. Si M. D... fait valoir qu'il souffre d'épilepsie focale nécessitant un traitement médicamenteux au long cours, les éléments médicaux versés au dossier, qui se bornent à décrire la maladie, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée la préfète du Bas-Rhin sur la disponibilité effective du traitement et sur la capacité de l'étranger à voyager sans risque. De même, les circonstances que le requérant ait été admis aux urgences de l'hôpital de Hautepierre le 25 février 2021 et qu'il ait été hospitalisé dans cet établissement du 8 au 20 avril et du 17 au 18 juin 2021 ne suffisent à démontrer que son état de santé se serait dégradé de manière significative depuis l'émission par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de son avis. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., qui est arrivé en France le 10 septembre 2014, est célibataire et sans enfant à charge et que, ayant été uniquement admis à séjourner en qualité d'étranger malade, il n'a pas vocation à demeurer sur le territoire français. Si le requérant se prévaut de la présence sur ce territoire d'un frère de nationalité française et d'une sœur titulaire d'un certificat de résidence de dix ans, il n'est pas contesté que les intéressés ont constitué leur propre cellule familiale. Nonobstant le décès de sa mère, il n'établit pas être isolé dans son pays d'origine, ni que son père, qui serait en situation irrégulière en France et qui vivrait avec lui, ne pourrait pas l'accompagner en Algérie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. En quatrième et dernier lieu, eu égard notamment aux circonstances qui ont été analysées au point précédent, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la préfète du

Bas-Rhin a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle en s'abstenant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation à titre exceptionnel.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement d'un certificat de résidence et de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. D....

Sur la décision portant fixation du pays de destination :

11. Compte tenu de ce qui a été précédemment, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de renouvellement d'un certificat de résidence et obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 22 janvier 2021, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2022.

Le rapporteur,

Signé : E. C...

La présidente,

Signé : A. SAMSON-DYE

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 22NC00665 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00665
Date de la décision : 05/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : PIALAT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-07-05;22nc00665 ?
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