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05/07/2022 | FRANCE | N°21NC00980

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 05 juillet 2022, 21NC00980


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CFDT Interco de la Moselle a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision, prise sous forme de consigne orale, par laquelle le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle a imposé aux sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, dans le cadre de l'épidémie de Covid-19, un rasage complet de toute pilosité faciale.

Par un jugement n° 2002770 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision et a rejeté le sur

plus des conclusions de la demande.

M. C... D... et M. E... A... ont demandé c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CFDT Interco de la Moselle a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision, prise sous forme de consigne orale, par laquelle le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle a imposé aux sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, dans le cadre de l'épidémie de Covid-19, un rasage complet de toute pilosité faciale.

Par un jugement n° 2002770 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

M. C... D... et M. E... A... ont demandé chacun au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions des 15 et 20 avril 2020 les concernant par lesquelles, d'une part, le chef du centre d'intervention et de secours de Metz a déprogrammé leurs gardes prévues du 15 avril au 11 mai 2020, d'autre part, le directeur départemental des services d'incendie et de secours de la Moselle les a placés en autorisation spéciale d'absence du 17 avril au 23 mai 2020.

Par deux jugements n° 2002776 et n° 2002778 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions contestées et a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes respectives.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 1er avril 2021 sous le n° 21NC00980, et un mémoire complémentaire, enregistré le 20 avril 2022, le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, représenté par Me Keller, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2002770 du tribunal administratif de Strasbourg du 4 février 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par le syndicat CFDT Interco de la Moselle ;

3°) de mettre à la charge du syndicat CFDT Interco de la Moselle la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement de première instance est entaché d'irrégularité dès lors qu'il n'a pas été signé par le magistrat compétent ;

- la demande de première instance était irrecevable dès lors, tout d'abord, que l'existence d'une consigne de sécurité orale imposant le rasage de toute pilosité faciale n'est pas établie, ensuite, qu'une telle décision constituerait une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours, enfin, que le syndicat CFDT Interco de la Moselle ne justifie pas d'un intérêt à agir, ni de la qualité à agir de sa secrétaire générale ;

- eu égard à la nature et au caractère temporaire de la consigne orale litigieuse, applicable uniquement pendant l'état d'urgence sanitaire, l'édiction d'une telle mesure ne nécessitait pas la consultation préalable du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ;

- subsidiairement, en application, d'une part, des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, d'autre part, de la théorie des circonstances exceptionnelles, il n'était pas tenu de saisir pour avis le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ;

- en tout état de cause, le défaut de consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail n'a ni privé les agents d'une garantie, ni eu une influence sur le sens de la décision prise ;

- eu égard aux écritures et aux pièces qu'il a produites devant le tribunal administratif de Strasbourg, il y a lieu, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, d'écarter l'autre moyen invoqué par la syndicat CFDT Interco de la Moselle dans sa demande de première instance et tiré de ce que la consigne orale litigieuse constitue une mesure d'organisation du service disproportionnée au regard des objectifs de sécurité poursuivis par l'administration.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2021, le syndicat CFDT Interco de la Moselle, représenté par Me Cochereau, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 1er avril 2021 sous le n° 21NC00982, et un mémoire complémentaire, enregistré le 20 avril 2022, le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, représenté par Me Keller, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2002778 du tribunal administratif de Strasbourg du 4 février 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement de première instance est entaché d'irrégularité dès lors qu'il n'a pas été signé par le magistrat compétent ;

- la demande de première instance était irrecevable dès lors que les décisions en litige constituent des mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours ;

- eu égard à la nature et au caractère temporaire de la consigne orale imposant aux sapeurs-pompiers professionnels et volontaires un rasage complet de toute pilosité faciale, sur le fondement de laquelle ont été prises les décisions des 15 et 20 avril 2020, l'édiction d'une telle consigne ne nécessitait pas la consultation préalable du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ;

- subsidiairement, en application, d'une part, des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, d'autre part, de la théorie des circonstances exceptionnelles, il n'était pas tenu de saisir pour avis le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail avant de prendre la consigne orale contestée ;

- en tout état de cause, le défaut de consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail n'a ni privé les agents d'une garantie, ni eu une influence sur le sens de la consigne orale contestée ;

- eu égard aux écritures et aux pièces qu'il a produites devant le tribunal administratif de Strasbourg, il y a lieu, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, d'écarter les autres moyens invoqués par M. A... dans sa demande de première instance et tirés respectivement de ce que son placement en autorisation spéciale d'absence est entaché d'une erreur de droit, de ce que les décisions en litige doivent être regardées comme des sanctions déguisées et de ce que, la consigne orale contestée constituant une mesure d'organisation du service disproportionnée au regard des objectifs de sécurité poursuivis par l'administration, ces décisions sont dépourvues de base légale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2021, M. E... A..., représenté par Me Batôt, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Par un courrier du 3 juin 2022, les parties ont été informées, conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que les premiers juges, pour justifier l'annulation des décisions des 15 et 20 avril 2020, ont fait droit à un moyen inopérant en retenant, au titre de l'exception d'illégalité, que la consigne verbale de rasage intégral de toute pilosité faciale était entachée d'un vice de procédure, alors que les vices de procédure ne peuvent pas être utilement invoqués dans le cadre d'une exception d'illégalité d'un acte réglementaire.

Par un courrier du même jour, les parties ont également été informées que, dans l'hypothèse où la cour serait amenée à confirmer l'annulation de la consigne orale de rasage intégral de toute pilosité faciale, dont elle est saisie dans le cadre d'une requête distincte, il y aurait lieu de procéder à l'annulation par voie de conséquence des décisions des 15 et 20 avril 2020, qui ont été prises sur son fondement.

III. Par une requête, enregistrée le 1er avril 2021 sous le n° 21NC00983, et un mémoire complémentaire, enregistré le 20 avril 2022, le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, représenté par Me Keller, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2002776 du tribunal administratif de Strasbourg du 4 février 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par M. D... ;

3°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement de première instance est entaché d'irrégularité dès lors qu'il n'a pas été signé par le magistrat compétent ;

- la demande de première instance était irrecevable dès lors que les décisions en litige constituent des mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours ;

- eu égard à la nature et au caractère temporaire de la consigne orale imposant aux sapeurs-pompiers professionnels et volontaires un rasage complet de toute pilosité faciale, sur le fondement de laquelle ont été prises les décisions des 15 et 20 avril 2020, l'édiction d'une telle consigne ne nécessitait pas la consultation préalable du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ;

- subsidiairement, en application, d'une part, des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, d'autre part, de la théorie des circonstances exceptionnelles, il n'était pas tenu de saisir pour avis le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail avant de prendre la consigne orale contestée ;

- en tout état de cause, le défaut de consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail n'a ni privé les agents d'une garantie, ni eu une influence sur le sens de la consigne orale contestée ;

- eu égard aux écritures et aux pièces qu'il a produites devant le tribunal administratif de Strasbourg, il y a lieu, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, d'écarter les autres moyens invoqués par M. D... dans sa demande de première instance et tirés respectivement de ce que son placement en autorisation spéciale d'absence est entaché d'une erreur de droit, de ce que les décisions en litige doivent être regardées comme des sanctions déguisées et de ce que, la consigne orale litigieuse constituant une mesure d'organisation du service disproportionnée au regard des objectifs de sécurité poursuivis par l'administration, ces décisions sont dépourvues de base légale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2021, M. C... D..., représenté par Me Batôt, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Par un courrier du 3 juin 2022, les parties ont été informées, conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que les premiers juges, pour justifier l'annulation des décisions des 15 et 20 avril 2020, ont fait droit à un moyen inopérant en retenant, au titre de l'exception d'illégalité, que la consigne verbale de rasage intégral de toute pilosité faciale était entachée d'un vice de procédure, alors que les vices de procédure ne peuvent pas être utilement invoqués dans le cadre d'une exception d'illégalité d'un acte réglementaire.

Par un courrier du même jour, les parties ont également été informées que, dans l'hypothèse où la cour serait amenée à confirmer l'annulation de la consigne orale de rasage intégral de toute pilosité faciale, dont elle est saisie dans le cadre d'une requête distincte, il y aurait lieu de procéder à l'annulation par voie de conséquence des décisions des 15 et 20 avril 2020, qui ont été prises sur son fondement.

IV. Par une requête, enregistrée le 8 avril 2021 sous le n° 21NC01019, le syndicat CFDT Interco de la Moselle, représenté par Me Cochereau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2002770 du tribunal administratif de Strasbourg du 4 février 2021, d'une part, en tant qu'il a prononcé l'annulation de l'acte litigieux en retenant un moyen de légalité externe, d'autre part, en tant qu'il a rejeté ses conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler la décision, prise sous forme de consigne orale, imposant aux sapeurs-pompiers professionnels et volontaires le rasage de toute pilosité faciale, non pas seulement pour vice de procédure, mais également en raison du caractère disproportionné de cette consigne orale et de l'erreur manifeste d'appréciation dont elle est entachée ;

3°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les sommes respectives de 2 000 au titre des frais exposés en première instance et de 2 000 euros au titre des frais exposés en appel.

Il soutient que :

- le jugement de première instance est entaché d'irrégularité dès lors que, se bornant à annuler la consigne orale en litige pour un simple vice de procédure et en prenant le risque que le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle reprenne une mesure matériellement identique, qui sera de nouveau contestée devant eux, les premiers juges n'ont pas satisfait aux exigences d'une bonne administration de la justice et ont méconnu l'étendue de leur office ;

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas fait droit à ses conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dès lors que, d'une part, la décision en litige a été annulée pour un motif de légalité externe soulevé dans ses écritures, que le défendeur est une administration publique dotée d'un budget permettant de supporter de telles dépenses et qu'il a été contraint de recourir au ministère d'un avocat ;

- il entend reprendre les observations et conclusions qu'il a présentées en première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2021, le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, représenté par Me Keller, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge syndicat CFDT Interco de la Moselle d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête du syndicat CFDT Interco de la Moselle est irrecevable pour défaut de qualité pour agir de sa secrétaire départementale ;

- les conclusions du requérant tendant à l'annulation du jugement de première instance s'agissant du motif retenu par le tribunal sont irrecevables pour défaut d'intérêt à agir ;

- les conclusions du requérant tendant à l'annulation du jugement de première instance en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne sont pas fondées.

V. Par une requête, enregistrée le 10 avril 2021 sous le n° 21NC01052, M. C... D..., représenté par Me Batôt, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2002776 du tribunal administratif de Strasbourg du 4 février 2021, d'une part, en tant qu'il a prononcé l'annulation de l'acte litigieux en retenant que la consigne orale était entachée d'un vice de légalité externe, d'autre part, en tant qu'il a rejeté ses conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administratif ;

2°) d'annuler les décisions des 15 et 20 avril 2020, non pas seulement en raison du vice de procédure entachant la consigne orale sur le fondement laquelle elles ont été prises, mais également pour des motifs tirés du caractère disproportionné de cette consigne, de l'erreur manifeste d'appréciation dont elle est entachée ou du caractère de sanction déguisée de ces décisions ;

3°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les sommes respectives de 2 000 au titre des frais exposés en première instance et de 2 000 euros au titre des frais exposés en appel.

Il soutient que :

- le jugement de première instance est entaché d'irrégularité dès lors que, se bornant à retenir, au titre de l'exception, l'illégalité de la consigne orale en litige pour un simple vice de procédure et en prenant le risque que le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle reprenne une mesure matériellement identique, qui sera de nouveau contestée devant eux, les premiers juges n'ont pas satisfait aux exigences d'une bonne administration de la justice et ont méconnu l'étendue de leur office ;

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas fait droit à ses conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dès lors que, d'une part, la décision en litige a été annulée pour un motif de légalité externe soulevé dans ses écritures, que le défendeur est une administration publique dotée d'un budget permettant de supporter de telles dépenses et qu'il a été contraint de recourir au ministère d'un avocat ;

- il entend reprendre les observations et conclusions qu'il a présentées en première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2021, le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, représenté par Me Keller, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. D... d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions du requérant tendant à l'annulation du jugement de première instance, en tant que, eu égard au moyen d'annulation retenu, il n'aurait pas satisfait aux exigences d'une bonne administration de la justice, sont irrecevables pour défaut d'intérêt à agir ;

- les conclusions du requérant tendant à l'annulation du jugement de première instance en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne sont pas fondées.

VI. Par une requête, enregistrée le 11 avril 2021 sous le n° 21NC01053, M. E... A..., représenté par Me Batôt, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2002778 du tribunal administratif de Strasbourg du 4 février 2021, d'une part, en tant qu'il a prononcé l'annulation de l'acte litigieux en retenant que la consigne orale était entachée d'un vice de légalité externe, d'autre part, en tant qu'il a rejeté ses conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administratif ;

2°) d'annuler les décisions des 15 et 20 avril 2020, non pas seulement en raison du vice de procédure entachant la consigne orale sur le fondement laquelle elles ont été prises, mais également pour des motifs tirés du caractère disproportionné de cette consigne, de l'erreur manifeste d'appréciation dont elle est entachée ou du caractère de sanction déguisée de ces décisions ;

3°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les sommes respectives de 2 000 au titre des frais exposés en première instance et de 2 000 euros au titre des frais exposés en appel.

Il soutient que :

- le jugement de première instance est entaché d'irrégularité dès lors que, se bornant à retenir, au titre de l'exception, l'illégalité de la consigne orale en litige pour un simple vice de procédure et en prenant le risque que le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle reprenne une mesure matériellement identique, qui sera de nouveau contestée devant eux, les premiers juges n'ont pas satisfait aux exigences d'une bonne administration de la justice et ont méconnu l'étendue de leur office ;

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas fait droit à ses conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dès lors que, d'une part, la décision en litige a été annulée pour un motif de légalité externe soulevé dans ses écritures, que le défendeur est une administration publique dotée d'un budget permettant de supporter de telles dépenses et qu'il a été contraint de recourir au ministère d'un avocat ;

- il entend reprendre les observations et conclusions qu'il a présentées en première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2021, le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, représenté par Me Keller, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A... d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions du requérant tendant à l'annulation du jugement de première instance s'agissant du motif retenu par le tribunal sont irrecevables pour défaut d'intérêt à agir ;

- les conclusions du requérant tendant à l'annulation du jugement de première instance en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne sont pas fondées.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;

- le décret n° 90-850 du 25 septembre 1990 ;

- l'arrêté du 8 avril 2015 fixant les tenues, uniformes, équipements, insignes et attributs des sapeurs-pompiers ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,

- et les observations de Me Laumin pour le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, de Me Cochereau pour le syndicat CFDT Interco de la Moselle et de Me Batôt pour MM. A... et D....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n° 2002770 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé, à la demande du syndicat CFDT Interco de la Moselle, une décision, prise sous forme de consigne orale dès la fin du mois de mars 2020, par laquelle le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle a imposé un rasage complet de toute pilosité faciale aux sapeurs-pompiers professionnels et volontaires dans le cadre de la pandémie de Covid 19, en retenant le moyen tiré du vice de procédure. Le service en question relève appel de ce jugement, par une requête n° 21NC00980, alors que le syndicat requérant le conteste, s'agissant du rejet de ses conclusions au titre des frais d'instance et du moyen d'annulation retenu par les premiers juges, dans l'instance n° 21NC01019.

2. M. D... et M. A..., sapeurs-pompiers professionnels au centre d'intervention et de secours de Metz, ont fait l'objet de décisions du 15 avril 2020 de leur chef de centre, déprogrammant leurs gardes jusqu'au 11 mai suivant, au motif qu'ils n'avaient pas déféré à la consigne de sécurité demandant un rasage complet. Les deux agents ont ensuite été placés en autorisation spéciale d'absence jusqu'au 23 mai 2020 par des décisions du directeur départemental des services d'incendie et de secours de la Moselle du 20 avril 2020. Par deux jugements n° 2002776 et n° 2002778 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé respectivement les mesures prises à l'encontre de M. D..., ainsi que celles visant M. A..., en retenant que ces mesures étaient illégales en raison du vice de procédure entachant la consigne orale. Le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle conteste chacun de ces jugements par des requêtes n° 21NC00983 et n° 21NC00982. M. D... et M. A..., pour leur part, en relèvent appel pour contester le motif d'annulation accueilli par le tribunal et le rejet de leurs conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par les requêtes n° 21NC01052 et n° 21NC01053.

3. Les six requêtes précédemment mentionnées présentent à juger des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les fins de non-recevoir opposées aux requêtes n° 21NC01019, 21NC01052 et 21NC01053 :

4. En premier lieu, en l'absence, dans les statuts d'une association ou d'un syndicat, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celle-ci est régulièrement engagée par l'organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter cette association ou ce syndicat en justice. Une habilitation à représenter une association ou un syndicat dans les actes de la vie civile doit être regardée comme habilitant à le représenter en justice.

5. Il résulte de l'article 13 des statuts du syndicat CFDT Interco de la Moselle, adoptés le 16 avril 2013 et modifiés le 16 septembre 2014, que, " pour l'exercice de sa personnalité civile, le syndicat est représenté dans tous les actes de la vie juridique par son ou sa secrétaire générale ou tout membre du bureau syndical désigné par lui ou elle " et que " le conseil syndical décide des actions en justice du syndicat et désigne le membre qui le représente. ". Par une délibération du 21 avril 2020, le conseil et le bureau de cette organisation syndicale ont donné mandat à " sa " secrétaire générale pour agir en justice afin de contester l'obligation de rasage intégral imposé aux sapeurs-pompiers du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle. Le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle ne saurait sérieusement soutenir que le demandeur, par la seule production d'une délibération habilitant la " secrétaire générale ", ne justifiait pas de la qualité pour agir en son nom de la " secrétaire départementale ", les deux fonctions étant identiques et exercées par une seule et même personne. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense dans le dossier n° 21NC01019 ne peut qu'être écartée.

6. En second lieu, le motif par lequel le juge de l'excès de pouvoir juge fondé l'un des moyens de légalité soulevés devant lui ou des moyens d'ordre public qu'il relève d'office suffit à justifier l'annulation de la décision administrative contestée. Il s'ensuit que, sauf dispositions législatives contraires, le juge de l'excès de pouvoir n'est, en principe, pas tenu, pour faire droit aux conclusions à fin d'annulation dont il est saisi, de se prononcer sur d'autres moyens que celui qu'il retient explicitement comme étant fondé. La portée de la chose jugée et les conséquences qui s'attachent à l'annulation prononcée par le juge de l'excès de pouvoir diffèrent toutefois selon la substance du motif qui est le support nécessaire de l'annulation. C'est en particulier le cas selon que le motif retenu implique ou non que l'autorité administrative prenne, en exécution de la chose jugée et sous réserve d'un changement des circonstances, une décision dans un sens déterminé. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d'injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 911-2. De même, lorsque le requérant choisit de hiérarchiser, avant l'expiration du délai de recours, les prétentions qu'il soumet au juge de l'excès de pouvoir en fonction de la cause juridique sur laquelle reposent, à titre principal, ses conclusions à fin d'annulation, il incombe au juge de l'excès de pouvoir de statuer en respectant cette hiérarchisation, c'est-à-dire en examinant prioritairement les moyens qui se rattachent à la cause juridique correspondant à la demande principale du requérant. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens assortissant la demande principale du requérant mais retient un moyen assortissant sa demande subsidiaire, le juge de l'excès de pouvoir n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler la décision attaquée. Statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande principale. Enfin, si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale.

7. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif de Strasbourg, par les jugements contestés, a jugé que la consigne orale imposant aux sapeurs-pompiers professionnels et volontaires le rasage de toute pilosité faciale était entachée d'un vice de procédure résultant du défaut de consultation préalable du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Il a, en conséquence, annulé pour excès de pouvoir cette décision, dans l'instance n° 2002770, avant d'estimer que cette même illégalité entachait, par la voie de l'exception, les décisions des 15 et 20 avril 2020 adoptées sur le fondement de cette consigne orale, dans les affaires n° 2002776 et 2002778. Les premiers juges ont ainsi fait droit aux conclusions à fins d'annulation de chacun des trois demandeurs, qui n'avaient ni présenté de conclusions à fin d'injonction, ni, en tout état de cause, hiérarchisé leurs prétentions en fonction de la cause juridique à laquelle elles se rattachent. Dans ces conditions, l'intérêt à faire appel d'un jugement s'appréciant au regard de son dispositif et non pas de ses motifs, et alors que le tribunal n'était nullement tenu de se prononcer sur chacun des moyens invoqués devant lui, dès lors que l'un d'entre eux lui paraissait fondé, le syndicat CFDT Interco de la Moselle, M. A... et M. D... ne sont pas recevables à demander à la cour l'annulation des jugement de première instance, ni celle des décisions en litige par d'autres moyens que celui retenu par les premiers juges. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle doit être accueillie, dans cette mesure. Les requêtes nos 21NC01019, 21NC01052 et 21NC01053 ne sont donc recevables qu'en tant qu'elles contestent le rejet des conclusions des demandeurs au titre des frais d'instance.

Sur la signature des jugements :

8. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 741-8 du même code : " Si le président de la formation est rapporteur, la minute est signée, en outre, par l'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que la minute de chacun des jugements contestés a été signée par le président de la formation de jugement, par la rapporteure et par le greffier d'audience. La circonstance que l'expédition de ces jugements, qui a été notifiée au service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur leur régularité. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité des jugements de première instance en l'absence de signature par le magistrat compétent ne peut qu'être écarté.

Sur la recevabilité des demandes de première instance :

10. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ".

11. Il ressort des pièces du dossier, spécialement des courriels des 9 et 15 avril 2020 adressés par le chef du centre d'intervention et de secours de Metz à ses subordonnés, des courriers du directeur départemental des services d'incendie et de secours de la Moselle du 20 avril 2020 reprochant à certains agents leur refus " d'exécuter un ordre de [leur] hiérarchie relatif au rasage intégral du visage " ou encore des propos tenus par cette même autorité devant le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail lors de sa séance du 11 juin 2020, qu'une décision, prise sous la forme d'une consigne orale et imposant aux sapeurs-pompiers professionnels et volontaires relevant du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle de procéder au rasage complet de toute pilosité faciale, a été prise dans le prolongement du message de commandement du 16 mars 2020. Cette consigne visait à imposer des exigences plus strictes que celles qui résultaient de l'article 8 de l'arrêté du 8 avril 2015 ou du message de commandement du 16 mars 2020 interdisant le port de la seule barbe. Par suite, le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que, faute pour le syndicat CFDT Interco de la Moselle d'établir l'existence d'une telle décision, sa demande présentée en première instance n'était pas recevable.

12. En deuxième lieu, les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable.

13. Contrairement aux allégations du service départemental d'incendie et de secours de secours de la Moselle, la consigne orale litigieuse, qui fait obligation aux sapeurs-pompiers professionnels de procéder au rasage complet de toute pilosité faciale, qu'il s'agisse de la barbe, du bouc, des moustaches, des pattes ou encore des favoris, apporte des restrictions importantes aux choix personnels des intéressés concernant leur apparence physique. Quand bien même elle aurait été édictée en vue de protéger, lors des interventions, la santé et la sécurité des agents concernés, de leurs collègues et des usagers contre les risques de contaminations liés à l'épidémie de Covid-19, elle doit ainsi être regardée comme portant atteinte au droit au respect de la vie privée, garanti notamment à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et ne peut, dans ces conditions, recevoir la qualification de mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours, contrairement à ce que soutient le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle.

14. De même, ainsi qu'il a déjà été dit, il ressort des pièces du dossier que, par les décisions en litige des 15 et 20 avril 2020, M. D... et M. A..., du fait de leur refus d'exécuter la consigne orale imposant aux sapeurs-pompiers professionnels et volontaires le rasage complet de toute pilosité faciale, ont vu les gardes, qu'ils étaient censés assurer, déprogrammées jusqu'au 11 mai 2020, puis ont été placés en autorisation spéciale d'absence jusqu'au 23 mai 2020. Les gardes constituant une composante essentielle des missions confiées aux sapeurs-pompiers professionnels et les autorisations spéciales d'absence n'entrant pas en compte, conformément aux dispositions, alors en vigueur, du premier alinéa de l'article 59 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans le calcul des congés annuels dont bénéficient les fonctionnaires territoriaux, de telles mesures portent atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut et ne peuvent, par conséquent, être regardées comme des mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Ainsi, la fin de non-recevoir opposée par le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle et tirée de ce que les décisions des 15 et 20 avril 2020 ne font pas grief doit également être écartée.

15. En troisième et dernier lieu, les fonctionnaires et les associations ou syndicats qui défendent leurs intérêts collectifs n'ont pas qualité pour attaquer les dispositions se rapportant à l'organisation ou à l'exécution du service, sauf dans la mesure où ces dispositions porteraient atteinte à leurs droits et prérogatives ou affecteraient leurs conditions d'emploi et de travail.

16. Ainsi qu'il a été dit au point 13 du présent arrêt, la consigne orale imposant aux sapeurs-pompiers professionnels et volontaires le rasage total de toute pilosité faciale, est de nature à porter atteinte, sur le lieu de travail, à l'exercice d'une liberté individuelle, à savoir le droit pour toute personne de choisir librement son apparence physique, qui est une composante du droit au respect de la vie privée, et, par voie de conséquence, à affecter les intérêts professionnels des agents concernés. Eu égard à son objet statutaire, défini à l'article 6 des statuts adoptés le 16 avril 2013 et modifiés le 16 septembre 2014, qui est notamment " de regrouper les personnes d'un même secteur d'activité en vue d'assurer la défense individuelle et collective de leurs intérêts professionnels (...) par les moyens les plus appropriés ", le syndicat CFDT Interco de la Moselle justifiait d'un intérêt à en demander l'annulation.

17. Par ailleurs, pour les raisons qui ont été exposées aux points 4 et 5 du présent arrêt, le syndicat CFDT Interco de la Moselle était valablement représenté en justice par sa secrétaire départementale.

Sur la légalité de la consigne orale :

En ce qui concerne le cadre juridique :

18. Aux termes de l'article 23 de loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ". Aux termes de l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985, relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail, ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriales : " Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ".

19. Aux termes de l'article 33-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 4 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique : " I.- (...) / En application de l'article L. 723-1 du code de la sécurité intérieure, un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est créé dans chaque service départemental d'incendie et de secours par décision de l'organe délibérant, sans condition d'effectifs. / II. Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a pour mission : 1° De contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des agents dans leur travail et à l'amélioration des conditions de travail ; (...) ". Aux termes de l'article 38 du décret du 10 juin 1985, alors en vigueur : " Conformément à l'article 33-1 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, et sous réserve des compétences des comités techniques mentionnés à l'article 36 du présent décret, le comité [d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail] a pour mission : 1° De contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des agents et du personnel mis à la disposition de l'autorité territoriale et placé sous sa responsabilité par une entreprise extérieure ; (...) ". Aux termes de l'article 45 de ce même décret, alors en vigueur : " Le comité est consulté : 1° Sur les projets d'aménagement importants modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (...) ; ". Aux termes du premier alinéa de l'article 48 de ce même décret, alors en vigueur : " Le comité est consulté sur la teneur de tous documents se rattachant à sa mission, et notamment des règlements et des consignes que l'autorité territoriale envisage d'adopter en matière d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail. ".

20. Aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période : " Sous réserve des obligations résultant du droit international et du droit de l'Union européenne, les projets de texte réglementaire ayant directement pour objet de prévenir les conséquences de la propagation du covid-19 ou de répondre à des situations résultant de l'état d'urgence sanitaire sont dispensés de toute consultation préalable obligatoire prévue par une disposition législative ou réglementaire, à l'exception de celles du Conseil d'Etat et des autorités saisies pour avis conforme. ".

21. Enfin, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

22. Il n'est pas contesté que la consigne orale litigieuse a été décidée en vue de garantir l'étanchéité des masques lors des interventions et de protéger, sur le lieu de travail, la santé et la sécurité des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et des usagers contre les risques de contamination liés à l'épidémie de Covid-19. Dans ces conditions, conformément aux dispositions combinées du deuxième paragraphe de l'article 33-1 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'article 48 du décret du 10 juin 1985, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail aurait dû être consulté préalablement à l'édiction d'une telle mesure. La circonstance qu'il s'agissait d'une mesure temporaire est sans incidence, par elle-même, sur l'application de cette formalité. Dès lors que cette consultation s'imposait sur le fondement, notamment, de l'article 48 de ce décret, le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle ne peut utilement faire valoir, pour contester la nécessité de consulter ce comité, que la mesure litigieuse ne relevait pas du champ d'application de l'article 45 du même décret.

23. De plus, alors que le syndicat CFDT Interco de la Moselle fait état d'une mesure intervenue à la fin du mois de mars, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les dispositions de l'article 13 de l'ordonnance du 25 mars 2020, qui ont été publiées au journal officiel de la République française le lendemain, étaient en vigueur à la date de l'édiction de la consigne orale litigieuse. De même, le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle n'établit pas que les circonstances exceptionnelles résultant de l'épidémie de Covid-19 rendaient impossible la consultation régulière du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, alors que cette instance s'est notamment réunie les 23 mars et 3 et 14 avril 2020.

23. Par ailleurs, la consultation obligatoire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail préalablement à l'adoption de la consigne orale visant à imposer aux sapeurs-pompiers professionnels et volontaires le rasage complet de toute pilosité faciale, qui a pour objet d'éclairer le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle sur la position de l'instance chargée au sein de l'établissement concerné de contribuer à l'amélioration des conditions de travail et à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, constitue pour les représentants du personnel et pour les agents concernés une garantie qui découle du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail consacré par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. L'omission de la consultation de cette instance, qui a privé les représentants du personnel et les agents concernés d'une garantie, constitue une irrégularité procédurale de nature à entacher la légalité de cette décision. Le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle ne saurait utilement soutenir que, eu égard à l'avis favorable du 11 juin 2020 émis par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail préalablement à la délibération de son conseil d'administration du 9 juillet suivant, laquelle, au demeurant, était beaucoup moins contraignante puisqu'elle autorisait le port de la moustache et des boucs taillés, la consultation d'une telle instance aurait été sans influence sur le sens de la mesure prise. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu le moyen tiré du vice de procédure pour fonder l'annulation de la consigne orale contestée.

24. Il résulte de ce qui précède que le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué n° 2002770, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette consigne.

Sur la légalité des décisions des 15 et 20 avril 2020 :

25. D'une part, lorsque le tribunal administratif a fait droit à une demande en se fondant sur un moyen inopérant, notamment en faisant application d'une règle de droit inapplicable, et que, pour contester le jugement de ce tribunal, l'appelant n'a pas invoqué le caractère inopérant du moyen retenu par les premiers juges, il appartient au juge d'appel de relever d'office cette inopérance pour censurer le motif retenu par le tribunal, après en avoir préalablement informé les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative.

26. D'autre part, le contrôle exercé par le juge administratif sur un acte qui présente un caractère réglementaire porte sur la compétence de son auteur, les conditions de forme et de procédure dans lesquelles il a été édicté, l'existence d'un détournement de pouvoir et la légalité des règles générales et impersonnelles qu'il énonce, lesquelles ont vocation à s'appliquer de façon permanente à toutes les situations entrant dans son champ d'application tant qu'il n'a pas été décidé de les modifier ou de les abroger. Le juge administratif exerce un tel contrôle lorsqu'il est saisi, par la voie de l'action, dans le délai de recours contentieux. En outre, en raison de la permanence de l'acte réglementaire, la légalité des règles qu'il fixe, comme la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir doit pouvoir être mise en cause à tout moment, de telle sorte que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales que cet acte est susceptible de porter à l'ordre juridique. Après l'expiration du délai de recours contentieux, une telle contestation peut être formée, par voie d'exception, à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour l'application de l'acte réglementaire ou dont ce dernier constitue la base légale. Elle peut aussi prendre la forme d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger l'acte réglementaire. Si, dans le cadre de ces deux contestations, la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.

27. Il ressort des pièces du dossier que, par les jugements attaqués n° 2002776 et n° 2002778, les premiers juges ont annulé les décisions des 15 et 20 avril 2020 pour défaut de base légale au motif que la consigne orale, sur le fondement de laquelle elles ont été prises, était entachée d'un vice de procédure résultant du défaut de consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. En accueillant un moyen tiré de l'exception d'illégalité d'un acte réglementaire en raison d'un vice de procédure, le tribunal a fait droit aux conclusions à fin d'annulation dont ils étaient saisis en retenant à tort un moyen inopérant, ce qui entache le bien-fondé de ces deux jugements.

28. Toutefois, en raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale. Il incombe au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence, le cas échéant en relevant d'office un tel moyen qui découle de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache à l'annulation du premier acte.

29. La consigne orale imposant le rasage complet de toute pilosité faciale pour défaut de consultation préalable du comité d'hygiène a été annulée par le jugement n° 2002770 du tribunal administratif de Strasbourg, qui est confirmé à cet égard par le présent arrêt. Par suite, il y a lieu, pour la cour, d'annuler, par voie de conséquence, et d'office, les décisions des 15 et 20 avril 2020 qui ont été prises en application de l'acte annulé.

30. Il résulte de ce qui précède que le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle n'est pas fondé à se plaindre que, par les jugements attaqués n° 2002776 et n° 2002778, les premiers juges ont prononcé l'annulation des décisions des 15 et 20 avril 2020 prises à l'encontre de M. D... et de M. A....

Sur les frais liés au litige :

31. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

En ce qui concerne les frais exposés en première instance et non compris dans les dépens :

32. Les premiers juges ont fait droit, à juste titre, aux conclusions à fin d'annulation présentées par le syndicat CFDT Interco de la Moselle, ainsi qu'à celles de M. D... et M. A.... Dans ces conditions, alors que les demandeurs ont été contraints de recourir au ministère d'un avocat, il y avait lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle le versement à chacun des trois demandeurs de la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par suite, les requérants sont fondés à demander l'annulation, dans cette mesure, des jugements de première instance en tant qu'ils ont rejeté les conclusions des demandes présentées à ce titre.

En ce qui concerne les frais exposés en appel et non compris dans les dépens :

33. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du syndicat CDFT Interco de la Moselle, de M. D... et de M. A..., qui ne sont pas les parties perdantes dans les présentes instances, les sommes réclamées par le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle le versement au syndicat CFDT Interco de la Moselle, à M. D... et à M. A... de la somme de 500 euros chacun sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle sont rejetées.

Article 2 : Le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle versera au syndicat CFDT Interco de la Moselle, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 500 euros au titre des frais exposés en première instance et la somme de 500 euros au titre des frais exposés en appel.

Article 3 : Le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle versera à M. D..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 500 euros au titre des frais exposés en première instance et la somme de 500 euros au titre des frais exposés en appel.

Article 4 : Le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle versera à M. A..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 500 euros au titre des frais exposés en première instance et la somme de 500 euros au titre des frais exposés en appel.

Article 5 : Les articles 2 des jugements n° 2002770, n° 2002776 et n° 2002778 du tribunal administratif de Strasbourg du 4 février 2021 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le surplus des conclusions des requêtes du syndicat CFDT Interco de la Moselle, de M. D... et de M. A... est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, au syndicat CFDT Interco de la Moselle, à M. C... D... et à M. E... A....

Délibéré après l'audience du 14 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2022.

Le rapporteur,

Signé : E. B...

La présidente,

Signé : A. SAMSON-DYE

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N°21NC00980, 21NC00982, 21NC00983, 21NC01019, 21NC01052 et 21NC01053 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00980
Date de la décision : 05/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : M et R AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-07-05;21nc00980 ?
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