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30/06/2022 | FRANCE | N°21NC02899

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 30 juin 2022, 21NC02899


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... et Mme D... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 11 avril 2016 par laquelle la société ERDF, devenue la société Enedis, a refusé le déplacement du pylône électrique situé sur leur propriété et de la ligne aérienne la surplombant, d'autre part, de constater l'emprise irrégulière de cet ouvrage sur le terrain leur appartenant, en outre, d'enjoindre à la société Enedis de procéder au déplacement de l'ouvrage hors des li

mites de leur terrain ou à sa démolition et, en cas d'inexécution, de les autoriser ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... et Mme D... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 11 avril 2016 par laquelle la société ERDF, devenue la société Enedis, a refusé le déplacement du pylône électrique situé sur leur propriété et de la ligne aérienne la surplombant, d'autre part, de constater l'emprise irrégulière de cet ouvrage sur le terrain leur appartenant, en outre, d'enjoindre à la société Enedis de procéder au déplacement de l'ouvrage hors des limites de leur terrain ou à sa démolition et, en cas d'inexécution, de les autoriser à faire procéder au déplacement de l'ouvrage ou à sa démolition aux frais, risques et périls de la société Enedis.

Par un jugement n° 1603619 du 26 mars 2019, le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir constaté que le pylône électrique support de la ligne aérienne constituait une emprise irrégulière sur la propriété des requérants, a rejeté leur demande tendant à faire procéder au déplacement de l'ouvrage ou à sa démolition.

Par un arrêt n° 19NC01615 du 17 mars 2020, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur appel de M. et Mme C..., rejeté leur demande ainsi que les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par la société Enedis.

Par une décision n° 441067 du 5 novembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, saisi d'un pourvoi présenté pour M. et Mme C..., annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 17 mars 2020 et renvoyé l'affaire devant la même cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 26 mai 2019, 7 janvier 2020, 18 février 2020 et 30 mars 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Llorens, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 mars 2019 en tant qu'il rejette leur requête ;

2°) d'annuler la décision du 11 avril 2016 par laquelle la société ERDF, devenue la société Enedis, a refusé le déplacement du pylône électrique situé sur leur propriété et de la ligne aérienne la surplombant ;

3°) d'enjoindre à la société Enedis de procéder au déplacement de l'ouvrage hors des limites de leur terrain ou à sa démolition dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de les autoriser, en cas d'inexécution dans les délais indiqués, à faire procéder au déplacement de l'ouvrage ou à sa démolition aux frais, risques et périls de la société Enedis ;

5°) de mettre à la charge de la société Enedis la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que l'ouvrage était implanté de manière irrégulière, en l'absence de régularisation par un acte authentique dans les six mois ou d'inscription au livre foncier de la servitude ;

- la société Enedis ne peut se prévaloir de la prescription acquisitive de trente ans prévue à l'article 690 du code civil puisqu'il découle de l'article 650 du même code que les servitudes établies pour l'utilité publique sont régies par des dispositions spécifiques ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant qu'ils devaient établir avoir subi des troubles de jouissance " d'une gravité suffisante " et en exerçant un contrôle restreint sur les motifs d'intérêt général invoqués par la société Enedis ;

- la circonstance qu'ils avaient connaissance de l'existence de l'ouvrage lors de l'acquisition du terrain est sans incidence sur le bien-fondé de leur demande ;

- l'implantation irrégulière des ouvrages appartenant à la société Enedis leur occasionne des troubles de jouissance caractérisés ; leur projet de construction, autorisé par un permis de construire, ne peut aboutir en raison de l'implantation du pylône électrique sur leur propriété ; une servitude légale ne peut entraîner la dépossession du propriétaire et le coût de déplacement de l'ouvrage incombe au bénéficiaire de la servitude, ainsi une emprise irrégulière ne peut les placer dans une position moins favorable ;

- il n'est pas démontré que le déplacement des ouvrages porterait une atteinte excessive à l'intérêt général dès lors que la société Enedis ne justifie ni du coût financier ni des lourdeurs des démarches administratives du déplacement du pylône et de la ligne aérienne ; l'interrupteur aérien à commande manuelle est situé en dehors de la limite de leur propriété et n'a donc pas besoin d'être déplacé ; des prestations non utiles au déplacement de l'ouvrage sont comprises dans le devis du 29 mars 2017 ;

- la commune envisageant d'ouvrir à l'urbanisation d'autres terrains surplombés par la ligne électrique aérienne, l'intérêt général commanderait de déplacer ou d'enfouir cette ligne.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 octobre 2019, 18 février 2020, le 10 décembre 2021 et 14 avril 2022, la société Enedis, représentée par Me Schaefer, conclut :

1°) à titre principal, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du 26 mars 2019 du tribunal administratif de Strasbourg en ce qu'il juge que les ouvrages situés sur la parcelle appartenant à M. et Mme C... sont mal implantés ;

2°) au rejet de l'ensemble des demandes de M. et Mme C... ;

3°) à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les requérants avaient pleinement connaissance de la présence du pylône litigieux lorsqu'ils ont acquis le terrain et l'ont ainsi accepté tacitement ;

- l'ouvrage est implanté régulièrement sur le terrain de M. et Mme C... en vertu de deux conventions de servitude ; les ouvrages sont implantés depuis plus de trente ans sur le terrain ; l'inaction prolongée des propriétaires successifs révèle leur acceptation tacite de l'ouvrage ;

- il n'est pas établi que les ouvrages électriques en litige occasionneraient une réelle gêne ou un trouble de jouissance d'une gravité suffisante, ni qu'il empêcherait la construction projetée ;

- le déplacement des ouvrages entraîne des travaux lourds sur le plan matériel, administratif et financier sachant que le réseau de distribution concerné dessert 145 foyers ; les travaux impliqueraient de revoir toute la configuration du réseau, y compris de l'interrupteur aérien à commande manuelle qui se trouve sur l'ouvrage situé sur la propriété des époux C... ; les travaux ne sont pas cantonnés à leur propriété ;

- seule la société Enedis est autorisée à intervenir sur le réseau public de distribution d'électricité, les époux C... ne peuvent pas être autorisés à se substituer à elle pour déplacer les ouvrages en litige.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'énergie ;

- la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie ;

- la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;

- le décret du 29 juillet 1927 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie ;

- le décret n°55-22 du 4 janvier 1955 ;

- le décret n°67-886 du 6 octobre 1967 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Picoche, représentant M. et Mme C..., et E..., représentant la société Enedis.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... ont acquis, le 5 mars 2015, un terrain cadastré section 2 n° 503, situé 1A rue de la Lisière du Bois sur le territoire de la commune de Feldbach (Haut-Rhin). Ils ont demandé à la société Enedis le déplacement d'un pylône, support de trois lignes électriques, implanté sur leur terrain. La société Enedis leur a adressé, le 27 avril 2015, un devis de 38 663,59 euros toutes taxes comprises correspondant aux frais engagés pour faire passer la ligne aérienne en souterrain tout en maintenant un pylône sur leur terrain. A la suite d'une nouvelle demande de M. et Mme C..., la société Enedis a refusé, le 11 avril 2016, de déplacer cet ouvrage, qu'elle estime régulièrement implanté, et a invité M. et Mme C... à accepter le devis du 27 avril 2015. Elle a également proposé, le 29 mars 2017, une autre solution consistant à contourner la parcelle des requérants pour un montant de 93 490,74 euros toutes taxes comprises, aucun ouvrage n'étant alors maintenu sur leur terrain. Par un jugement du 26 mars 2019, le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir constaté que le pylône électrique support de la ligne aérienne constituait une emprise irrégulière sur la propriété des requérants, a rejeté leur demande tendant au déplacement des ouvrages ou à leur démolition. M. et Mme C... ont relevé appel de ce jugement tandis que, par la voie de l'appel incident, la société Enedis a demandé l'annulation du jugement en ce qu'il a constaté l'emprise irrégulière des ouvrages qu'elle exploite. Par un arrêt du 17 mars 2020, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'ensemble des conclusions dont elle était saisie. Par une décision du 5 novembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, saisi d'un pourvoi présenté pour M. et Mme C..., annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 17 mars 2020 et a renvoyé l'affaire devant la même cour.

Sur l'appel incident de la société Enedis :

2. Les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué. Par suite, n'est pas recevable, quels que soient les motifs retenus par les premiers juges, l'appel dirigé par le défendeur en premier ressort contre le jugement qui a rejeté les conclusions du demandeur.

3. En l'espèce, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté les conclusions de M. et Mme C.... Si la société Enedis demande à la cour, par la voie d'un appel incident, l'annulation du jugement du 26 mars 2019 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il constate que les ouvrages situés sur la parcelle appartenant à M. et Mme C... sont mal implantés, ces conclusions, qui ne sont pas dirigées contre le dispositif du jugement attaqué mais contre ses motifs, ne sont pas recevables.

Sur la demande de déplacement de l'ouvrage en litige :

En ce qui concerne le cadre juridique du litige :

4. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition ou le déplacement d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès le déplacement à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences du déplacement pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.

En ce qui concerne la régularité de l'emprise de l'ouvrage en litige:

5. D'une part, aux termes de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie, dont les dispositions sont désormais reprises par les articles L. 323-3 et suivants du code de l'énergie : " (...) La déclaration d'utilité publique d'une distribution d'énergie confère, en outre, au concessionnaire (...) le droit : / 1° D'établir à demeure des supports et ancrages pour conducteurs aériens d'électricité, soit à l'extérieur des murs ou façades donnant sur la voie publique, soit sur les toits et terrasses des bâtiments (...) ; / 2° De faire passer les conducteurs d'électricité au-dessus des propriétés privées (...) ; / 3° D'établir à demeure (...) des supports pour conducteurs aériens, sur des terrains privés non bâtis, qui ne sont pas fermés de murs ou autres clôtures équivalentes ; (...) / L'exécution des travaux prévus aux alinéas 1° à 4° ci-dessus doit être précédée d'une notification directe aux intéressés et d'une enquête spéciale dans chaque commune ; elle ne peut avoir lieu qu'après approbation du projet de détail des tracés par le préfet. / (...) ". L'article 1er du décret du 6 octobre 1967 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie et de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique, applicable au litige, dispose que : " Une convention passée entre le concessionnaire et le propriétaire ayant pour objet la reconnaissance des servitudes d'appui, de passage, (...) prévues au troisième alinéa de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 susvisée peut remplacer les formalités prévues au quatrième alinéa dudit article. / Cette convention produit, tant à l'égard des propriétaires et de leurs ayants droit que des tiers, les effets de l'approbation du projet de détail des tracés par le préfet (...) ". Il résulte de ces dispositions que les servitudes mentionnées par l'article 12 de la loi du 15 juin 1906, codifié aux articles L. 323-3 et suivants du code de l'énergie, peuvent être instituées par une convention passée entre le concessionnaire d'un service de distribution d'énergie et le propriétaire de la parcelle concernée.

6. D'autre part, aux termes de l'article 38 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle : " Sont inscrits au livre foncier, aux fins d'opposabilité aux tiers, les droits suivants : / (...) b) (...) les servitudes foncières établies par le fait de l'homme (...) ". Aux termes de l'article 38-1 de la même loi : " Dès le dépôt de la requête en inscription et sous réserve de leur inscription, les droits et restrictions visés à l'article 38 (...) sont opposables aux tiers qui ont des droits sur les immeubles et qui les ont fait inscrire régulièrement ". Il résulte de ces dispositions que, dans les trois départements régis par celles-ci, les servitudes résultant des conventions mentionnées au point 2, qui, alors même qu'elles ne font que concrétiser une servitude légale prévue par la loi du 15 juin 1906, constituent des servitudes foncières établies par le fait de l'homme au sens de l'article 38 de la loi du 1er juin 1924, doivent être publiées au livre foncier pour pouvoir être opposées aux tiers qui ont des droits sur l'immeuble concerné, en particulier les nouveaux propriétaires de celui-ci.

7. Il résulte de l'instruction que le pylône et les lignes électriques surplombant la parcelle dont M. et Mme C... ont fait l'acquisition, lesquels présentent le caractère d'ouvrages publics, ont été installés par la société EDF, aux droits de laquelle vient la société Enedis, sur le fondement de servitudes consenties par les anciens propriétaires de la parcelle par la voie de conventions conclues les 18 juin 1963 et 10 juillet 1980. Or, ces servitudes n'avaient pas été publiées au livre foncier en méconnaissance des dispositions précitées et ne peuvent donc être opposées à M. et Mme C.... Il s'ensuit que le pylône électrique supportant la ligne aérienne sur la propriété des requérants constitue une emprise irrégulière.

8. En vertu de l'article 650 du code civil, tout ce qui concerne les servitudes établies pour l'utilité publique ou communale est déterminé par des lois ou des règlements particuliers. Si les servitudes privées continues et apparentes instituées pour l'utilité des particuliers s'acquièrent par titre ou par la possession de trente ans, les servitudes établies pour l'utilité publique ou communale résultant de l'article L. 323-4 du code de l'énergie excluent, pour leur acquisition, le recours aux règles régissant les servitudes instituées pour l'utilité des particuliers. Par suite, la société Enedis n'est pas fondée à soutenir que l'installation litigieuse, irrégulièrement implantée ainsi qu'il a été dit au point 7, constitueraient une servitude visible qui aurait été acceptée par M. et Mme C... lors de l'acquisition de la propriété le 5 mars 2015, ni qu'il s'agit de servitudes acquises par la possession de trente ans.

Sur la régularisation de l'implantation des ouvrages en litige :

9. Il ne résulte de l'instruction ni que les époux C... entendent signer une nouvelle convention de servitude, ni que la société Enedis leur aurait proposé d'établir une telle convention afin de régulariser l'implantation des ouvrages en litige.

10. Il résulte de ce qui précède que la régularisation de l'implantation irrégulière des ouvrages litigieux n'apparaît pas envisageable à la date du présent arrêt.

Sur le bilan des intérêts en présence :

11. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment des devis produits les 27 avril 2015 et 29 mars 2017, que le coût de l'enfouissement de la ligne électrique avec maintien d'un pylône sur la propriété des époux C... serait de 38 663,59 euros tandis que celui des travaux de déplacement de l'ouvrage public s'élèverait à 93 490,74 euros alors que la ligne ne dessert que 145 foyers. Si d'une part, les époux C... soutiennent qu'un premier devis leur aurait été présenté par la société Enedis chiffrant les travaux à 6 000 euros, ils ne le versent pas au dossier. Si, d'autre part, ils contestent l'" inflation " des devis proposés par la société Enedis ainsi que l'étendue des travaux couverts par ces devis, il résulte de l'instruction que l'évolution à la hausse du coût des travaux envisagés résulte de la différence de nature des travaux dans les deux devis tandis que la société Enedis fait valoir, sans être utilement contestée, que le fait que les travaux impliquent des éléments qui se trouveraient hors de leur propriété, s'expliquent par la nécessité de revoir toute la configuration du réseau en cas de contournement de la parcelle des requérants.

12. En second lieu, les époux C..., qui ont acheté leur terrain en 2015 alors que l'ouvrage en litige y était déjà implanté, n'établissent pas qu'il leur serait impossible de construire l'abri de jardin pour lequel un permis de construire leur a été délivré le 25 février 2020 en choisissant un autre emplacement sur leur propriété que celui où est implanté le pylône litigieux. Ils ne subissent donc pas, contrairement à ce qu'ils soutiennent, de troubles significatifs de jouissance. Par ailleurs, le pylône en cause situé en fond de parcelle et distant de leur habitation comme la ligne aérienne qui traverse une partie de leur propriété n'entraînent pas de nuisance visuelle importante. Ainsi, eu égard à la faible gêne causée par les ouvrages litigieux, les requérants n'établissement pas ne pas être en mesure de jouir de leur propriété et se trouver ainsi dans une situation moins favorable que si leur propriété était grevée par une servitude légale. Enfin, si les requérants soutiennent que la commune envisage d'ouvrir d'autres terrains traversés par cette ligne aérienne à la construction, il résulte de l'instruction que ces terrains ne seront inscrits que pour une extension urbaine à long terme dans le projet d'aménagement et de développement et ne sauraient donc justifier à court terme des travaux lourds de déplacement de cette ligne. Dans ces conditions, eu égard à son coût précédemment évoqué et au caractère limité des inconvénients inhérents à la présence des ouvrages, le déplacement du pylône électrique et de la ligne aérienne peut être regardé comme portant une atteinte excessive à l'intérêt général.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme demandée à ce titre par M. et Mme C... soit mis à la charge de la société Enedis qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de de M. et Mme C... la somme demandée par la société Enedis au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Enedis par la voie de l'appel incident et sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et Mme D... épouse C... et à la société Enedis.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.

La rapporteure,

Signé : C. A...Le président,

Signé : J. MARTINEZ

La greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au ministre de de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C.SCHRAMM

2

N° 21NC02899


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02899
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : LEONEM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-30;21nc02899 ?
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