Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'avis de sommes à payer du 29 octobre 2019 émis à son encontre par l'Etablissement public de santé d'Alsace Nord (EPSAN).
Par un jugement n° 2001013 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'avis de sommes à payer émis le 29 octobre 2019 par l'EPSAN à l'encontre de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 11 mai 2021 et le 3 juin 2022, l'EPSAN, représenté par Me Clamer, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 mars 2021 ;
2°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en ce que le tableau récapitulatif joint à la lettre du 2 août 2019 retrace, par catégorie d'actes litigieux, l'étendue des manquements de M. A... et les motifs précis de répétition de l'indu ;
- les prestations réalisées par M. A... entre le 1er janvier et le 18 août 2017 ne sont pas justifiées par les seules fiches qu'il remplissait quotidiennement ; il ne disposait pas de dossier pour chaque patient en méconnaissance de l'article R. 4321-91 du code de la santé publique ;
- M. A... a réalisé des séances de kinésithérapie sur la base d'ordonnances imprécises en méconnaissance de l'article R. 4321-59 du code de la santé publique et de l'article 2 de la convention du 19 août 2016 ;
- il a réalisé des actes hors prescription médicale, voire facturés des actes en l'absence du patient au sein de l'établissement ;
- il a surcoté 90 % des actes effectués sans justifier qu'il entre dans les actes limitativement énumérés par la nomenclature en méconnaissance des article R. 4321-98 et 4321-77 du code de la santé publique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Zimmermann, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'EPSAN une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par l'EPSAN dans la requête ne sont pas fondés.
Une note en délibéré, présentée par l'EPSAN, a été enregistrée le 10 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Condello représentant l'EPSAN, et de Me Peschon, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... est masseur-kinésithérapeute exerçant à titre libéral. Par plusieurs conventions, dont la dernière a été établie le 19 août 2016 pour une durée d'un an non renouvelable, l'Etablissement public de santé Alsace Nord (EPSAN) a autorisé M. A... à effectuer des actes de soins de kinésithérapie pour des patients hospitalisés ou des résidents de l'établissement qui étaient facturés à l'EPSAN. A la suite d'un contrôle sur l'activité réalisée par M. A... au cours de la période de janvier à septembre 2017, l'EPSAN a relevé un certain nombre d'anomalies de facturation des actes de kinésithérapie et a informé l'intéressé que seuls 10% des séances facturées seraient admis pour la période en cause. Par un avis de sommes à payer émis le 29 octobre 2019, l'EPSAN a obligé M. A... à payer la somme de 45 628,38 euros au titre d'un indu sur séances de kinésithérapie pour l'exercice 2017. L'EPSAN relève appel du jugement du 11 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ce titre exécutoire du 29 octobre 2019.
Sur l'avis de sommes à payer du 29 octobre 2019 :
2. Aux termes de l'article 2 de la convention précitée du 19 août 2016 :
" M. A... exécutera les soins prescrits par les médecins de l'EPSAN au vu du calendrier d'interventions remis à chaque venue par le directeur des soins ". Et l'article 3 précise :
" M. A... sera rémunéré sur la base de la cotation des actes AMK et AMS, prévue à la NGAP (nomenclature générale des actes professionnels) et de leur valeur prévue à la convention nationale entre les masseurs kinésithérapeutes et les caisses d'assurance maladie. / Les bons d'intervention, attestés par le directeur des soins, vaudront justificatif de paiement. L'EPSAN procédera mensuellement au paiement des actes effectués ".
3. Il résulte de l'instruction et notamment des pièces justificatives versées par l'EPSAN en appel que M. A... a réalisé des séances de kinésithérapie pour des patients hors prescription médicale d'un médecin de l'EPSAN, la prescription étant arrivée à échéance et aucune nouvelle prescription n'était intervenue, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 2. Par ailleurs, s'agissant d'une dizaine de patients, M. A... a rempli des bons d'intervention pour des séances de kinésithérapie alors même que l'EPSAN établit que les patients n'étaient plus hospitalisés dans ses locaux à la date de ces séances. Si ces éléments ne sauraient suffire à justifier l'ensemble du montant de l'avis de sommes à payer en litige, il s'en déduit qu'une partie de la créance de l'EPSAN est bien justifiée. Par suite, l'établissement est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que l'avis de sommes à payer n'était pas fondé.
4. Toutefois, en ce qui concerne la régularité de ce titre exécutoire, aux termes du second paragraphe de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ". Ainsi tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.
5. Il résulte de l'instruction que l'avis de sommes à payer du 29 octobre 2019 mentionne les prestations au titre desquelles il est procédé à la répétition de l'indu, à savoir des séances de kinésithérapie ainsi que la période concernée, l'exercice 2017, mais n'indique ni les bases de liquidation de la créance, ni aucun élément de calcul. Un tableau récapitulatif a certes été transmis à M. A... par courrier du 2 août 2019, préalablement au titre exécutoire, qui détaille pour chaque mois le nombre de séances de kinésithérapie effectuées faisant l'objet des différents griefs retenus par l'EPSAN et les montants répétés y afférents mais l'avis de sommes à payer du 29 octobre 2019 ne fait nullement référence à ce tableau récapitulatif et pas davantage au courrier du 2 août 2019 auquel il était joint. Dans ces conditions, dans la mesure où le tableau récapitulatif était joint au courrier du 2 août 2019 et non à l'avis du 29 octobre 2019 qui n'y faisait aucune mention ou renvoi explicite, cet état exécutoire ne respecte pas les règles de motivation telle que prescrites au point 4 et ce, alors même que ce tableau aurait été établi sur la base de pièces connues de l'intéressé et que ce dernier avait eu connaissance, par ce précédent courrier, des bases de liquidation de la créance. Par suite, l'avis des sommes à payer doit être regardé comme étant insuffisamment motivé.
6. Il résulte de tout ce qui précède que l'Etablissement public de santé Alsace Nord n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'avis de sommes à payer émis le 29 octobre 2019 par l'EPSAN à l'encontre de M. A....
Sur les frais d'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'EPSAN demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de l'EPSAN le versement à M. A... de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'Etablissement public de santé Alsace Nord (EPSAN) est rejetée.
Article 2 : L'EPSAN versera à M. A... de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Etablissement public de santé d'Alsace Nord (EPSAN) et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.
La rapporteure,
Signé : C. C...Le président,
Signé : J. MARTINEZ
La greffière,
Signé : C. SCHRAMM
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. SCHRAMM
2
N° 21NC01371