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30/06/2022 | FRANCE | N°21NC00397

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 30 juin 2022, 21NC00397


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F... née N'Guessa a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 25 juin 2020 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n°2001483 du 23 décembre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant l

a cour :

Par une requête, enregistrée le 12 février 2021, Mme F..., représentée par Me Gaff...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F... née N'Guessa a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 25 juin 2020 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n°2001483 du 23 décembre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 février 2021, Mme F..., représentée par Me Gaffuri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 décembre 2020 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 25 juin 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen approfondi de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ainsi que des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquelles elle a été prise ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- le préfet a commis une erreur dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

Le préfet de l'Aube n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme G... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... née N'Guessan, de nationalité ivoirienne, née le 27 décembre 1970, et ses deux fils A... H... E... et A... H... C..., sont entrés en France sous couvert d'un visa C à entrées multiples le 21 février 2019. Le 11 décembre 2019, la requérante a demandé la régularisation de sa situation sur le fondement de l'article L. 311-12 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en qualité de parent d'enfants étrangers malades. Par un arrêté du 25 juin 2020, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée. Mme F... relève appel du jugements n°2001483 du 23 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit pour lesquelles le préfet de l'Aube a refusé de délivrer à la requérante le titre de séjour qu'elle sollicite. Dès lors et dans le respect des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, ce refus est régulièrement motivé.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour refuser à Mme F... la délivrance du titre de séjour demandé, le préfet de l'Aube a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle, au regard de l'ensemble des éléments caractérisant sa situation et celle de ses enfants, portés à sa connaissance. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " (...) une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 (...), sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation (...) / L'autorisation provisoire de séjour (...), qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites ". Il en résulte que l'autorisation provisoire de séjour prévue par l'article L. 311-12 précité ne peut être délivrée aux parents étrangers que si l'état de santé de leur enfant mineur nécessite, en application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, " une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

5. Mme F... fait valoir que l'état de santé de ses deux fils E... et C..., nés le 6 mai 2004, nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'aucune prise en charge adaptée à leur pathologie n'est disponible en Côte d'Ivoire.

6. Par des avis du 5 mai 2020, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé des deux enfants de B... F... nécessite une prise en charge dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et peut leur permettre de voyager sans risque vers leur pays d'origine. Pour contester le refus de titre de séjour pris par le préfet de l'Aube au vu de ces avis, Mme F... soutient que la pathologie de ses enfants, qui sont atteints d'un trouble du sceptre autistique, nécessite une prise en charge pluridisciplinaire dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'ils ne pourront pas effectivement bénéficier d'une telle prise en charge en Côte d'Ivoire. Toutefois, par les pièces produites, consistant notamment en des attestations des professionnels de l'éducation et de l'autisme intervenant en France auprès des enfants de la requérante et des attestations du proviseur d'un établissement scolaire en Côte d'Ivoire de février 2021 qui affirme qu'il n'existe pas de dispositif adapté à la prise en charge des enfants atteints d'autisme en Côte d'Ivoire, Mme F... ne remet pas en cause l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dès lors que ces documents ne font pas état de ce que le défaut de la prise en charge dont les enfants bénéficient en France aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais seulement qu'il pourrait leur faire perdre une évolution plus favorable de leurs divers handicaps. Par suite, Mme F... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Aube a commis une erreur de fait et aurait méconnu l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Mme F... est entrée en France le 20 février 2019 pour y solliciter la prise en charge de ses enfants souffrants de troubles du spectre autistique. La requérante se prévaut de l'état de santé de ses fils ainsi que de la présence en France de sa fille en qualité d'étudiante étrangère. Toutefois, comme il vient d'être dit au point précédent, rien ne fait obstacle à ce que ses fils l'accompagnent en Côte d'Ivoire où réside notamment son mari. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier d'une part, que la présence en France de la requérante serait nécessaire à sa fille majeure, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle entretiendrait avec elle des relations d'une particulière intensité ni d'autre part, que ses fils auraient besoin de la présence de leur sœur en France. Dans ces conditions, la circonstance que la scolarisation de ses fils en Côte d'Ivoire serait difficile en raison de leur état de santé ne suffit pas à établir que la décision attaquée aurait porté au droit de Mme F... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et aurait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs elle n'est pas davantage fondée à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".

10. Mme F... se prévaut de la prise en charge et de la scolarisation de ses enfants sur le territoire français depuis leur arrivée en France en février 2019, de son investissement personnel dans leur prise en charge et de leur intégration dans la société française. Ces éléments ne sauraient toutefois être regardés comme des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant l'admission exceptionnelle au séjour de Mme F.... Il s'ensuit qu'elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Aube aurait entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 précité.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...). / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...). ".

12. Les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient pas de motivation distincte pour la décision portant obligation de quitter le territoire français, et n'impliquent pas, par conséquent, dès lors que le refus de titre de séjour est lui-même motivé de mention spécifique pour respecter les exigences de motivation. En l'espèce, et comme précédemment indiqué au point 2 du présent arrêt, la décision portant refus de séjour comporte de manière suffisante et non stéréotypée l'indication des considérations de droit et de fait sur lesquelles l'autorité préfectorale s'est fondée afin de prendre cette décision à l'encontre de Mme F.... Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la mesure d'éloignement doit en tout état de cause être écarté.

13. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire.

14. En troisième et dernier lieu, eu égard aux points 6 et 8 du présent arrêt, le préfet de l'Aube n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 23 décembre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetées en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application des articles L. 761 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.

La rapporteure,

Signé : L. G...

Le président,

Signé : J. MARTINEZLa greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

N° 21NC00397 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00397
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : GAFFURI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-30;21nc00397 ?
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