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30/06/2022 | FRANCE | N°20NC01206

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 30 juin 2022, 20NC01206


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1800152 du 23 avril 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2020, M. et Mme C..., repré

sentés par Me Anjuere, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 avril 2020 ;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1800152 du 23 avril 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2020, M. et Mme C..., représentés par Me Anjuere, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 avril 2020 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat " des frais irrépétibles aux requérants ".

Ils soutiennent que :

- le kilométrage au compteur des trois véhicules est cohérent avec les états de frais et de déplacements ; en établissant une moyenne de kilomètres parcourus, le service ne démontre pas une incohérence des kilomètres déclarés mais au contraire corrobore les états de frais ; les kilomètres parcourus sont justifiés par les factures d'entretien des véhicules ;

- les déplacements en Belgique auprès de la société Moderna sont justifiés ;

- les relevés de frais ne révèlent aucune incohérence ;

- la part privée des déplacements litigieux, retenue par l'administration, ne repose sur aucun fondement réel ; le service ne pouvait pas évaluer l'utilisation privative des véhicules les week-ends et pendant les congés ; M. C... a expressément accepté l'usage privatif du véhicule à hauteur de 8 000 km par an.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Par lettre du 3 juin 2022, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de fonder son arrêt sur le moyen d'ordre public tiré de l'irrégularité de la composition de la formation ayant rendu le jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Jackson, représentant M. et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Olivia Communication, qui exerçait une activité de conception et d'édition de publications à visée informative ou publicitaire, dont M. C... était le gérant et l'associé, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2012 et 2013. A l'issue de ce contrôle, le service a notamment refusé la déduction d'indemnités kilométriques inscrites au compte courant d'associé 4551 de M. C.... Par une proposition de rectification du 17 juin 2015, établie selon la procédure de rectification contradictoire, l'administration fiscale a notifié à M. et Mme C... des redressements résultant notamment de la réintégration des montants précités dans leurs revenus imposables des années 2012 et 2013, sur le fondement des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts. Des dégrèvements partiels ont été accordés par l'administration fiscale le 13 novembre 2017, à la suite de la réclamation des requérants, laissant à leur charge des impositions supplémentaires, en droits et pénalités, à hauteur de 23 067 euros au titre des deux années en litige. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 23 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 200-1 du livre des procédures fiscales : " Un membre du tribunal ou de la cour ne peut siéger dans le jugement d'un litige portant sur une imposition dont il a eu à apprécier la base comme président de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ". Il ressort des pièces du dossier que le président de la commission des impôts directs et des taxes sur les chiffres d'affaires ayant rendu, le 23 juin 2016, un avis consécutivement à la saisine de cet organisme par l'EURL Olivia Communication, dont M. C... est le gérant et l'associé, a siégé en tant que président-rapporteur dans la formation de jugement ayant statué sur la demande présentée par ce dernier devant le tribunal administratif. Or, cette demande tendait à la décharge des impositions qui sont la conséquence des redressements sociaux auxquels a été assujettie la société précitée, examinés par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et qui ont été considérés par le service comme générant des revenus distribués, imposables entre les mains des requérants. Par suite, le jugement attaqué ayant été rendu dans une composition irrégulière, il doit être annulé.

3. Il y a lieu pour la cour d'évoquer l'affaire et de statuer sur la demande de M. et Mme C... présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

4. En vertu du 3 de l'article 158 du code général des impôts, sont notamment imposables à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les revenus considérés comme distribués en application des articles 109 et suivants du même code. Aux termes de l'article 111 de ce code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (...) ". Aux termes de l'article 54 bis du code général des impôts : " Les contribuables visés à l'article 53 A (...) doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel ". Il résulte de ces dispositions que doivent être imposées comme avantages occultes mentionnés au c de l'article 111 précité les dépenses effectivement exposées et concourant au financement d'un avantage en nature qui n'a pas été explicitement inscrit en comptabilité, en méconnaissance des dispositions de l'article 54 bis du même code.

5. Il résulte de l'instruction que l'administration a remis en cause, s'agissant du résultat imposable de l'EURL Olivia Communication, la déductibilité des indemnités kilométriques allouées à M. C..., pour des montants de 13 604 euros pour l 'année 2012 et de 15 551 euros pour l'année 2013 et a imposé ces sommes entre les mains de M. et Mme C... sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts. Le service a ainsi relevé des incohérences existant entre le montant des frais de déplacement déclarés par l'entreprise et les kilométrages réellement parcourus par les trois véhicules que M. C... a déclaré utiliser, tel qu'ils ressortaient des factures d'achat et d'entretiens de ces véhicules desquels ont été déduits par le service les kilomètres effectués à titre privé par l'intéressé. L'administration a également relevé que les déplacements effectués par M. C... en Belgique, au siège de son fournisseur, la société Moderna, n'étaient pas justifiés et que les frais en litige n'avaient pas été explicitement inscrits en comptabilité comme un avantage en nature versé à M. C... conformément aux dispositions de l'article 54 bis du code général des impôts.

6. Pour contester cette appréciation, les requérants soutiennent d'abord que n'est pas justifiée l'estimation de 2000 kilomètres par mois effectués à titre privé par M. C..., finalement retenue par le service, conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires rendu le 23 juin 2016, alors qu'en réalité, le requérant aurait effectué en moyenne 1 000 kilomètres par mois de déplacements privés. Toutefois, il n'est pas contesté que, comme le fait valoir le service en défense, lors des opérations de contrôle, l'EURL Olivia Communication a indiqué que M. C... travaillait plus de 20 jours par mois, le point de départ des déplacements étant toujours le siège social de la société. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a pu considérer que le kilométrage privé de 1000 kilomètres par mois, invoqué par l'EURL Olivia Communication lors du contrôle, était incohérent au regard des trajets effectués par M. C..., plus de 20 jours par mois, entre Obernai et Colmar, correspondant à 94,8 kilomètres aller-retour par jour travaillé, soit 1896 kilomètres par mois, auxquels a été ajouté le nombre moyen des déplacements privés effectués par les requérants les week-end et les périodes de congés.

7. M. et Mme C... affirment ensuite que l'évaluation kilométrique définie par l'administration n'est pas justifiée au motif que les moyennes kilométriques qu'elle a utilisées ne sont pas pertinentes. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 17 juin 2015 que pour établir que les indemnités kilométriques en litige n'étaient pas justifiées, l'administration s'est fondée sur les factures d'achat et d'entretien relatives aux trois véhicules successivement utilisés par M. C... pendant les deux années contrôlées, dont il a déduit le nombre moyen de kilomètres parcourus par l'intéressé à titre privatif, soit, comme indiqué au point précédent, 2000 kilomètres par mois. Les kilomètres ainsi observés par l'administration étaient incohérents avec les kilométrages déclarés par l'EURL Olivia Communication. Si les requérants contestent les moyennes kilométriques ainsi calculées par l'administration, ils ne proposent pas d'autre méthode et ne produisent aucune pièce probante de nature à remettre en cause les résultats obtenus par l'administration. Dans ces conditions, les frais de déplacement remis en cause par l'administration au-delà du kilométrage admis ont un caractère personnel et ne trouvent pas leur origine dans les fonctions exercées par l'intéressé au sein de la société.

8. Enfin, les requérants soutiennent que les trajets effectués en 2012 et 2013 par M. C... entre Colmar, siège de l'EURL Olivia Communication et la ville de Paal Beringen située en Belgique où se trouve le siège de la société Moderna, présentée comme étant le principal fournisseur de l'EURL Olivia Communication, ont été effectués dans l'intérêt de la société Olivia Communication. Ils produisent, pour la première fois en appel, une attestation de la société Moderna, établie le 8 juin 2020 par l'administratrice déléguée, manager de la société Moderna. Toutefois, cette attestation, rédigée huit ans après les années en litige, évoque des déplacements de M. C... " plusieurs fois par mois ", alors que les requérants mentionnent dans leurs écritures des déplacements tous les dix jours, soit trois à quatre fois par mois. Par conséquent, en l'absence de tout autre justificatif, cette attestation, rédigée en des termes généraux, ne permet pas de justifier les déplacements en Belgique, enregistrés en comptabilité, à hauteur de 44 trajets en 2012 pour 43 560 kilomètres et 60 trajets en 2013 pour 59 400 kilomètres. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, particulièrement de la proposition de rectification du 17 juin 2015 que d'une part, l'examen des factures fournisseurs indique que jusqu'en juin 2012, l'impression par la société Moderna des magazines Top Tv et Tendances Habitat n'a commencé qu'en août 2012 et que d'autre part, dans sa réponse à une demande d'information, la société Moderna a confirmé que l'impression de ces magazines était confiée à une société située à Rixheim jusqu'en juin 2012. Or, il n'est pas contesté que jusqu'en juin 2012, l'EURL Olivia Communication a remboursé des indemnités kilométriques pour 14 trajets vers Paal-Beringen, soit 13 860 kilomètres alors qu'aucune facture du fournisseur Moderna n'ait été enregistrée en comptabilité. Dans ces conditions, l'administration était fondée à réintégrer les remboursements d'indemnités kilométriques en cause dans les revenus imposables de M. et Mme C.... Pour l'ensemble de ces raisons, c'est à bon droit que sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts, l'administration a imposé entre les mains de M. et Mme C..., qui n'en contestent pas l'appréhension, les sommes en litige dans la catégorie des revenus mobiliers.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg par M. et Mme C... doit être rejetée.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. et Mme C... tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés par eux dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1800152 du 23 avril 2020 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande de M. et Mme C... présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la requête de M. et Mme C... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4: Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2022.

La rapporteure,

Signé : L. B... Le président,

Signé : J. MARTINEZ

La greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

2

N° 20NC01206


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC01206
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : JUDICIA CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-30;20nc01206 ?
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