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30/06/2022 | FRANCE | N°20NC00777

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 30 juin 2022, 20NC00777


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2018 par lequel le maire de Charleville-Mézières a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 19 juin 2017.

Par un jugement n° 1802632 du 21 janvier 2020 le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 mars 2020, M. C... B..., représenté par la SCP Auberson Des

ingly puis la SELAS Devarenne Associés Grand Est, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2018 par lequel le maire de Charleville-Mézières a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 19 juin 2017.

Par un jugement n° 1802632 du 21 janvier 2020 le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 mars 2020, M. C... B..., représenté par la SCP Auberson Desingly puis la SELAS Devarenne Associés Grand Est, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 21 janvier 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2018 ;

3°) d'enjoindre à la commune de Charleville-Mézières de reconnaitre l'imputabilité au service de l'accident survenu le 19 juin 2017 ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Charleville-Mézières une somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis de mentionner l'existence de l'avis de la commission de réforme ;

- l'arrêté du 25 octobre 2018 n'était pas suffisamment motivé ;

- c'est à tort que la commune lui a opposé le caractère tardif de sa demande de reconnaissance d'imputabilité dès lors qu'en réalité son temps de travail effectif entre le 19 juin et le 5 septembre 2017 est de 6,5 jours ; dès le 22 juin 2017, il a consulté son médecin généraliste qui a attesté du lien entre son état dépressif et la journée du 19 juin 2017 ;

- les témoignages produits par la ville sont tous postérieurs à la date de l'arrêté attaqué et ne pouvaient donc pas constituer son fondement ;

- c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur quatre attestations produites par la commune, dont la rédaction identique traduit qu'elles ont été établies pour les besoins de la cause ; au contraire, les attestations qu'il a versées aux débats confirment la véracité des pressions qu'il a subies le 19 juin 2017 ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de fait au regard des témoignages qu'il a produits ;

- la commune a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service dès lors qu'il existe un lien de causalité certain, direct et exclusif entre la pathologie dont il souffre et l'accident de service du 19 juin 2017 ; la ville refuse de reconnaître l'imputabilité de cet accident au service en raison de ses témoignages en faveur de M. D... lors de l'enquête administrative diligentée en 2016 et lors du conseil de discipline ;

- d'ailleurs, le maire de la ville a reconnu l'imputabilité au service de cet accident en procédant au retrait de l'arrêté contesté par une décision du 11 janvier 2019.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 mars 2021, la commune de Charleville-Mézières conclut au rejet de la requête et qu'il soit mis à la charge de M. B... une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stenger, première conseillère,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique ;

- les observations de Me Massin-Trachez, représentant M. B... ;

- et les observations de Me Bouchard, représentant la commune de Charleville-Mézières.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B... exerce, depuis 1992, les fonctions d'opérateur principal des activités physiques et sportives au sein du service des sports de la commune de Charleville-Mézières. Il a été appelé en qualité de témoin à l'occasion du conseil de discipline de l'un de ses collègues qui s'est tenu le 19 juin 2017. Il affirme que lors des deux heures d'attente dans l'antichambre de ce conseil, il aurait fait l'objet de pressions, d'intimidations et des menaces de représailles de la part d'autres personnes appelées également à témoigner devant le conseil de discipline et qu'en entrant dans la salle, il a été pris d'un malaise suivi d'une crise de larmes. Après avoir, dans un premier temps, repris son activité professionnelle, il a été placé en arrêt de maladie à compter du 5 septembre 2017. Le 11 décembre 2017, il a présenté à la collectivité une demande tendant à obtenir la reconnaissance de l'imputabilité au service de cet accident. Après avoir recueilli, le 15 juin 2018, l'avis favorable de la commission de réforme, le maire de Charleville-Mézières a, par un arrêté du 25 octobre 2018, rejeté sa demande. M. B... relève appel du jugement du 21 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. M. B... fait valoir que le jugement est insuffisamment motivé dès lors que les premiers juges ont omis de " mentionner l'existence des avis de la commission de réforme ". Toutefois, le tribunal, qui n'est pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a évoqué dans le point 1 du jugement attaqué l'avis favorable de la commission de réforme du 5 juin 2018 et a mentionné l'ensemble des considérations pour lesquelles il a estimé devoir rejeter la demande de M. B.... Dans ces conditions, le jugement critiqué comporte une motivation suffisante au regard des exigences de l'article L. 9 du code de justice administrative.

Sur la légalité de l'arrêté du 25 octobre 2018 :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". La décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un accident déclaré par un agent doit être regardée comme " refusant un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ", au sens du 6° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, et est ainsi au nombre de celles qui, en application de cet article, doivent être motivées.

5. En l'espèce, l'arrêté contesté vise les dispositions applicables notamment les lois des 13 juillet 1983 et 26 janvier 1984 et mentionne les différentes étapes de la procédure, l'avis émis par la commission de réforme le 15 juin 2018 et précise les motifs à raison desquels le maire de Charleville-Mézières a décidé, contrairement à l'avis précité, de ne pas reconnaître l'imputabilité au service de l'accident déclaré par M. B.... Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté comme manquant en fait.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident (...) est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. ".

7. Constitue un accident de service tout évènement, quelle qu'en soit la nature, survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il en est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci, sauf si des circonstances particulières ou une faute personnelle du fonctionnaire titulaire ou stagiaire détachent cet événement du service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.

8. Pour refuser, par l'arrêté attaqué du 25 octobre 2018, de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont M. B... soutient avoir été victime le 19 juin 2017, le maire de la commune de Charleville-Mézières a notamment estimé que la demande de reconnaissance de cet accident de service, faite par l'intéressé le 11 décembre 2017, est intervenue six mois après l'évènement et alors qu'il était déjà en congé de longue maladie. Le maire a également retenu que plusieurs collègues de M. B... avaient attesté que ce dernier n'avait jamais évoqué avoir rencontré des problèmes lors du conseil de discipline du 19 juin 2017. Il en a déduit que ces éléments font obstacle à ce qu'il existe un lien entre l'état de santé de l'intéressé et cette réunion. Si M. B... soutient qu'il a été victime d'intimidations de la part des personnes présentes dans l'antichambre du conseil alors qu'il attendait d'être appelé pour témoigner en faveur de son directeur, il se borne à produire quatre attestations rédigées par des personnes qui n'étaient pas présentes dans l'antichambre du conseil de discipline au moment des faits allégués mais qui étaient au sein même du conseil. Surtout, trois de ces attestations font seulement état, dans des termes très peu circonstanciés, de ce que M. B... a indiqué lors de son témoignage avoir subi " des pressions de la part de ses responsables " et qu'il aurait été " menacé par des collègues de travail également témoin dans cette affaires ", sans préciser que ces pressions et menaces avaient eu lieu dans l'antichambre du conseil de discipline. La seule attestation qui mentionne qu'il aurait fait l'objet " d'un interrogatoire poussé dans l'antichambre du conseil ", est celle qui a été rédigée par le directeur faisant l'objet du conseil de discipline. Dans ces conditions, cette seule attestation ne saurait être regardée comme suffisamment probante pour considérer que M. B... a été victime de l'accident de service qu'il évoque, alors qu'il ressort au contraire des attestations produites par la collectivité, que plusieurs personnes présentes dans l'antichambre du conseil de discipline, ont indiqué " n'avoir jamais tenu de propos agressifs, intimidants voire provocants ou déplacés à l'égard de Pascal B... " et ont certifié que " de tels propos n'ont jamais été proférés dans les mêmes circonstances par les personnes qui étaient présentes ". En outre, les pièces médicales produites, toutes rédigées dans des termes généraux, à l'exception du certificat médical du 19 avril 2018 intervenu près d'un an après les faits allégués, ne permettent pas de faire un lien entre l'état de santé du requérant et l'accident allégué du 19 juin 2017, alors qu'il est par ailleurs constant que le 8 novembre 2017, M. B... a demandé à la commune sa mise en congé longue maladie sans faire état de cet accident du 19 juin 2017 et que le certificat médical du 17 novembre 2017, rédigé par son médecin généraliste quelques mois après les faits, évoque sans précision une dégradation de son état de santé. De même, le certificat médical du 15 janvier 2018 n'évoque pas d'accident de service mais un arrêt maladie " suite à une audition par une commission d'enquête administrative, et harcèlement par sa hiérarchie et ses collègues ". Par ailleurs, il ressort des termes mêmes de l'attestation de M. A... que lors du conseil de discipline du 19 juin 2017, le requérant a indiqué " subir des pressions...depuis le 26 avril 2016, après une audition d'enquête ". Le requérant ne saurait pas davantage utilement se prévaloir des circonstances que l'avis de la commission de réforme du 15 juin 2018 était favorable à l'imputabilité et que les attestations produites par la ville, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles sont celles qui ont fondées l'arrêté en litige, sont intervenues postérieurement à l'acte attaqué. Enfin, si le requérant soutient que le maire de la ville de Charleville-Mézières aurait finalement reconnu l'imputabilité au service de cet accident du 19 juin 2017 en procédant au retrait de l'arrêté contesté par une décision du 11 janvier 2019 qu'il a produite en première instance, il ressort des termes mêmes de cette décision que l'accident de service concerné par cette imputabilité était survenu le 14 mars 2016 et non pas le 19 juin 2017. Dans ces conditions, si l'état de santé du requérant a pu être affecté par les enquêtes administratives opérées au sein de son service d'affectation, en revanche, les faits allégués par M. B... à propos de la réunion litigieuse du 19 juin 2017, qui ne sont d'ailleurs pas mentionnés dans le procès-verbal du conseil de discipline, et qui, en outre, ont été révélés plus de six mois après leur survenue, ne sont pas établis et ne permettant pas de caractériser l'existence d'un évènement au sens des dispositions précitées. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait au regard des attestations qu'il a produit, ni qu'en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident il affirme avoir été victime le 19 juin 2017, le maire de Charleville-Mézières aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme que la commune Charleville-Mézières demande au titre des frais qu'elle a exposés dans la présente instance. Par ailleurs, dès lors que les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction de M. B... sont rejetées ainsi qu'il résulte du point 9 ci-dessus, il y a lieu de rejeter par voie de conséquence ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune Charleville-Mézières tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la commune de Charleville-Mézières.

Copie sera adressée au préfet des Ardennes.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2022.

La rapporteure,

Signé : L. STENGER Le président,

Signé : J. MARTINEZ

La greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au préfet des Ardennes en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

2

N° 20NC00777


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00777
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : SEBAN ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-30;20nc00777 ?
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