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30/06/2022 | FRANCE | N°19NC03038

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 30 juin 2022, 19NC03038


Vu la procédure suivante :

I. Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 24 octobre 2019, 16 décembre 2020 et 17 septembre 2021 sous le n° 19NC03038, la société Supermarchés Match, représentée par Me Meillard, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 28 août 2019 par lequel le maire de Schirmeck a accordé à la société A. Fleury un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale autorisant l'extension d'un supermarché Intermarché ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Schirmeck une somme de 5 500 euros au titre d

e l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requêt...

Vu la procédure suivante :

I. Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 24 octobre 2019, 16 décembre 2020 et 17 septembre 2021 sous le n° 19NC03038, la société Supermarchés Match, représentée par Me Meillard, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 28 août 2019 par lequel le maire de Schirmeck a accordé à la société A. Fleury un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale autorisant l'extension d'un supermarché Intermarché ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Schirmeck une somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ; elle ne conteste l'arrêté litigieux qu'en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, de sorte qu'elle n'est pas tenue de démontrer son intérêt pour agir au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, pour l'appréciation duquel l'article R. 600-4 du même code exige la production de justificatifs ; elle produit, en toute hypothèse, le titre justifiant de son occupation régulière ;

- il appartient au maire de démontrer que l'avis de l'architecte des bâtiments de France tient compte de l'ensemble des bâtiments protégés au titre des monuments historiques ; à défaut, l'acte en lige est entaché d'un vice de procédure ayant été susceptible de fausser l'appréciation du maire et ayant privé les tiers d'une garantie ; une telle omission est de nature à affecter la compétence de l'auteur de l'acte ;

- il n'est pas justifié de la régularité de la création et de la composition des commissions consultées au titre de la législation des établissements recevant du public ; ce moyen, ayant trait à la compétence, est recevable dès lors qu'il se rattache à l'arrêté litigieux aussi bien en tant qu'il vaut autorisation d'urbanisme qu'en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

- il n'est pas établi que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial ont été régulièrement convoqués et qu'ils ont reçu, dans un délai raisonnable, l'ensemble des documents mentionnés à l'article R. 752-35 du code de commerce ;

- le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale est incomplet au regard des dispositions du III et du IV de l'article L. 852-6 du code de commerce, résultant de la loi ELAN ;

- le projet est incompatible avec le document d'orientation et d'objectifs schéma de cohérence territoriales (SCoT) de la Bruche, qui entend donner la priorité aux commerces de proximité, alors que le projet ne se situe pas en centre-ville et qu'il sera principalement accessible en voiture, et qui exige qu'une attention particulière soit portée à l'insertion des projets ;

- l'arrêté attaqué est illégal au regard, d'une part, des effets négatifs du projet en termes d'aménagement du territoire, en ce qui concerne le risque d'atteinte à l'animation de la ville urbaine dans la zone de montagne et le commerce de proximité, alors que les effets du projet en terme d'animation ayant été insuffisamment analysés et qu'il renforce le déséquilibre du maillage commercial, ainsi que s'agissant des flux de circulation, de l'insuffisante desserte par les modes doux, de l'inadaptation de la desserte par les transports en commun et de l'absence de garanties en matière de sécurité routière ; d'autre part, les objectifs de développement durable sont insuffisamment pris en compte, compte tenu du défaut d'insertion du projet et de son insuffisance au regard de la protection de l'environnement.

Par un mémoire, enregistré le 10 juillet 2021, la commune de Schirmeck, représentée par Me Gillig, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société requérante une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors que la société requérante n'a pas produit le document exigé par les dispositions de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme ;

- à titre subsidiaire, les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 7 août 2020 et 25 janvier 2021, la société A. Fleury, représentée par Me Debaussart, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société requérante une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en l'absence de production des justificatifs exigés par l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme ;

- les moyens tirés de l'irrégularité de l'architecte des bâtiments de France et de la méconnaissance de la législation des établissements recevant du public sont irrecevables, en application de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

II. Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 24 octobre 2019, 16 décembre 2020 et 17 septembre 2021 sous le n° 19NC03039, la société Supermarchés Match, représentée par Me Meillard, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 28 août 2019 par lequel le maire de la Broque a accordé à la société A. Fleury un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale autorisant l'extension d'un supermarché Intermarché ;

2°) de mettre à la charge de la commune de la Broque une somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ; elle ne conteste l'arrêté litigieux qu'en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, de sorte qu'elle n'est pas tenue de démontrer son intérêt pour agir au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, pour l'appréciation duquel l'article R. 600-4 du même code exige la production de justificatifs ; elle produit, en toute hypothèse, le titre justifiant de son occupation régulière ;

- il appartient au maire de démontrer que l'avis de l'architecte des bâtiments de France tient compte de l'ensemble des bâtiments protégés au titre des monuments historiques ; à défaut, l'acte en lige est entaché d'un vice de procédure ayant été susceptible de fausser l'appréciation du maire et ayant privé les tiers d'une garantie ; une telle omission est de nature à affecter la compétence de l'auteur de l'acte ;

- il n'est pas justifié de la régularité de la création et de la composition des commissions consultées au titre de la législation des établissements recevant du public ; ce moyen, ayant trait à la compétence, est recevable, dès lors qu'il se rattache à l'arrêté litigieux aussi bien en tant qu'il vaut autorisation d'urbanisme qu'en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

- il n'est pas établi que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial ont été régulièrement convoqués et qu'ils ont reçu, dans un délai raisonnable, l'ensemble des documents mentionnés à l'article R. 752-35 du code de commerce ;

- le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale est incomplet au regard des dispositions du III et du IV de l'article L. 852-6 du code de commerce, résultant de la loi ELAN ;

- le projet est incompatible avec le document d'orientation et d'objectifs schéma de cohérence territoriales (SCoT) de la Bruche, qui entend donner la priorité aux commerces de proximité, alors que le projet ne se situe pas en centre-ville et qu'il sera principalement accessible en voiture, et qui exige qu'une attention particulière soit portée à l'insertion des projets ;

- l'arrêté attaqué est illégal au regard, d'une part, des effets négatifs du projet en termes d'aménagement du territoire, en ce qui concerne le risque d'atteinte à l'animation de la ville urbaine dans la zone de montagne et le commerce de proximité, alors que les effets du projet en terme d'animation ayant été insuffisamment analysés et qu'il renforce le déséquilibre du maillage commercial, ainsi que s'agissant des flux de circulation, de l'insuffisante desserte par les modes doux, de l'inadaptation de la desserte par les transports en commun et de l'absence de garanties en matière de sécurité routière ; d'autre part, les objectifs de développement durable sont insuffisamment pris en compte, compte tenu du défaut d'insertion du projet et de son insuffisance au regard de la protection de l'environnement.

Par un mémoire, enregistré le 10 juillet 2021, la commune de la Broque, représentée par Me Gillig, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société requérante une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors que la société requérante n'a pas produit le document exigé par les dispositions de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme ;

- à titre subsidiaire, les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 7 août 2020 et 25 janvier 2021, la société A. Fleury, représentée par Me Debaussart, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société requérante une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en l'absence de production des justificatifs exigés par l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme ;

- les moyens tirés de l'irrégularité de l'architecte des bâtiments de France et de la méconnaissance de la législation des établissements recevant du public sont irrecevables, en application de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

La procédure a été communiquée à la Commission nationale d'aménagement commercial, qui n'a produit de mémoire dans aucune des deux instances.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,

- et les observations de Me Baton, pour la société Supermarchés Match, de Me Primus, pour les communes de Schirmeck et de la Broque, et de Me Debaussart pour la société A. Fleury.

Considérant ce qui suit :

1. La société A. Fleury a demandé, en décembre 2018, un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour l'extension d'un supermarché Intermarché, faisant passer la surface de vente totale de 1 900 à 2 405 mètres carrés, ainsi que pour le réaménagement du parking, en vue de l'installation d'un point permanent de retrait, le projet se situant sur le territoire des communes de la Broque et de Schirmeck. La commission départementale de l'aménagement commercial du Bas-Rhin a émis un avis favorable sur le projet le 5 mars 2019. Le 27 juin 2019, la Commission nationale de l'aménagement commercial (CNAC) a rejeté les recours présentés par les sociétés Bruchdist et Supermarchés Match et émis un avis favorable. Par deux requêtes, présentant à juger des questions identiques et qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, la société Supermarchés Match demande l'annulation des arrêtés du 28 août 2019 des maires de la Broque et de Schirmeck portant délivrance de permis de construire, en tant qu'ils valent autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la légalité du permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. / Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 600-1-2 d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale sont irrecevables à l'appui de telles conclusions ".

3. La société requérante soutient que l'avis de l'architecte des bâtiments de France exigé par l'article R. 425-1 du code de l'urbanisme est irrégulier, à l'instar des consultations réalisées au titre de la réglementation relative aux établissements relevant du public, prévues par l'article R. 425-15 du même code. Toutefois, ces moyens, qui concernent la régularité du permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'urbanisme, sont irrecevables en application des dispositions citées au point précédent et ne peuvent qu'être écartés pour ce motif, ainsi que le fait valoir la société bénéficiaire des autorisations litigieuses.

4. En second lieu, la société requérante soutient que les membres de la CNAC n'ont pas été régulièrement convoqués et qu'ils n'ont pas reçu, dans un délai raisonnable, les documents prévus à l'article R. 752-35 du code de commerce. Cependant, il ressort des pièces du dossier qu'une convocation pour la réunion du 27 juin 2019 a été adressée aux membres le 12 juin 2019 et qu'y était joint l'ordre du jour précisant que les documents utiles seront disponibles sur une plateforme de téléchargement au moins cinq jours avant la séance. Dans ces conditions et en l'absence de critique plus précise émanant de la société Supermarchés Match, le moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la composition du dossier de demande :

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les demandes de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ont été déposées en décembre 2018. Si les III et IV de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, prévoient désormais la réalisation d'une étude d'impact, ces dispositions ne sont, selon l'article 166 II de cette loi, applicables qu'aux demandes d'autorisation d'exploitation commerciale déposées à compter du 1er janvier 2019, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. La société requérante ne saurait donc utilement se prévaloir d'une insuffisance du dossier de demande à cet égard.

6. D'autre part, la circonstance que le dossier de demande serait incomplet ou que des pièces seraient insuffisantes, imprécises ou inexactes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité l'autorisation accordée que dans le cas où ces omissions, inexactitudes ou insuffisances ont été de nature à fausser l'appréciation de l'autorité compétente sur la conformité du projet à la réglementation.

7. Il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande initial a été complété, au cours de la procédure devant la CNAC, dont l'avis s'est substitué à celui de la commission départementale, par une analyse d'impact commercial, ainsi que par une étude de trafic.

8. Il ressort des pièces du dossier que l'étude produite devant la CNAC mentionne l'existence d'un supermarché Super U situé à Russ, dans la zone de chalandise, de sorte que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que ce commerce n'a pas été pris en considération. En outre, si la société Supermarchés Match se prévaut également du défaut de référence à un " drive fermier " à Schirmeck, une telle lacune, à la supposer même irrégulière au regard des dispositions de l'article R. 752-6 du code de commerce, dans leur rédaction alors applicable, ne saurait, dans les circonstances de l'espèce, avoir été de nature à fausser l'appréciation de la CNAC, au regard des spécificités de ce type de commerce et de la nature du projet.

En ce qui concerne la compatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale :

9. Aux termes du I de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme (...) ". Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, pour l'application de ces dispositions, non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent. Il leur appartient d'apprécier la compatibilité du projet avec les orientations générales du schéma de cohérence territoriale prises dans leur ensemble, y compris celles se présentant formellement comme régissant des actes distincts des autorisations d'exploitation commerciale, tels que par exemple des documents d'urbanisme.

10. La société Supermarchés Match soutient que le projet est incompatible avec les conditions d'implantation prévues par le document d'orientation et d'objectif du schéma de cohérence territoriale de la Bruche, qui entend donner la priorité aux commerces de proximité, alors que le projet ne se situe pas en centre-ville et qu'il sera principalement accessible en voiture, et qui exige qu'une attention particulière soit portée à l'insertion des projets.

11. L'accessibilité multimodale aux commerces prévue par ce document ne concerne que les projets qui modifient significativement la structuration du territoire d'implantation, ce qui n'est pas le cas du projet de la société A. Fleury, au regard de sa consistance mentionnée au point 1.

12. Le document d'orientation et d'objectifs précise également que les documents locaux d'urbanisme conditionnent la réalisation des projets commerciaux dans les pôles commerciaux stratégiques à l'aménagement de cheminements paysagers et sécurisés, adaptés aux modes actifs, qu'ils veillent à ce que l'offre de stationnement vélo soit prise en compte et que l'accessibilité aux dessertes de transports collectifs soit intégrée dès la conception des projets ou de leurs extensions, sans toutefois fixer comme objectif, sous réserve de ce qui a été dit au point précédent, une implantation des commerces, ou au demeurant leur extension, dans les seuls lieux effectivement desservis par les transports en commun. Il indique en outre que les documents locaux d'urbanisme organisent l'implantation des aires de stationnement dans le souci d'une recherche des sites les moins sensibles sur le plan paysager et en prenant les dispositions nécessaires pour améliorer leur insertion paysagère. Il précise de plus que les documents locaux d'urbanisme prennent des dispositions pour améliorer la qualité des projets commerciaux, en limitant notamment leurs emprises foncières, notamment les aires de stationnement, et en favorisant leur densification.

13. Il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit des espaces dédiés au stationnement par les vélos et que son terrain d'assiette est desservi par une voie qui comporte un trottoir, sur un de ses côtés, et sur laquelle est matérialisée une bande cyclable, ainsi que des passages pour les piétons. Ce projet aboutit à réduire la surface dédiée aux stationnements automobiles puisqu'il s'implante en partie sur le parking préexistant. Il prévoit la mise en place d'un bardage bois qui permet une amélioration de l'aspect de l'ensemble du bâtiment par rapport à l'existant.

14. Le document d'orientation et d'objectif du schéma de cohérence territoriale de la Bruche prévoit, par ailleurs, que le commerce intermédiaire, qui a pour fonction une desserte locale à l'échelle communale ou intercommunale et qui correspond à des fréquences d'achat hebdomadaire, se localise préférentiellement dans les centres urbains des pôles relais et des pôles urbains. S'il vise à limiter l'implantation en périphérie et précise que les pôles commerciaux stratégiques n'ont pas vocation à accueillir les commerces intermédiaires, il prévoit expressément que certains pôles commerciaux, dont celui de Schirmeck-la Broque où est implanté le projet litigieux, peuvent déroger à cette orientation en raison de leur localisation spécifique et de leur proximité directe par rapport au centre-ville.

15. Dès lors, au regard des orientations générales du schéma de cohérence territoriale prises dans leur ensemble, le moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec ce document doit être écarté.

En ce qui concerne la prise en compte des objectifs fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce :

16. Le deuxième alinéa du I de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, dispose : " La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. II.-A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale ".

17. L'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant de l'aménagement du territoire :

18. En ce qui concerne l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne, les dispositions précitées du code de commerce n'impliquent pas que ce critère ne puisse être respecté que par une implantation en centre-ville. Il ressort des pièces du dossier qu'ainsi que l'a relevé le ministre de la cohésion des territoires, dans son avis devant la CNAC, le projet s'intègre au tissu urbain composé d'habitations, d'équipements publics et d'activités économiques et il participe à la mixité fonctionnelle de la zone dans laquelle il s'implante. Le projet, qui vise notamment à créer un rayon de produits locaux et régionaux et à développer une offre non-alimentaire devant demeurer " basique ", selon le dossier de demande, n'est pas, au regard du nombre et de la nature des commerces présents, en particulier dans le centre-ville des communes de La Broque et de Schirmeck, de nature à fragiliser les commerces de centre-ville dans des conditions telles qu'il pourrait être regardé comme portant atteinte à l'animation de la vie urbaine.

19. Du point de vue de l'effet du projet sur les flux de transports et de son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone, il ressort de l'étude de trafic produite par le pétitionnaire, dont le bien-fondé n'est pas remis en cause par les éléments produits par la société requérante, que l'augmentation des flux sera modérée, sans impact sur la fluidité du trafic et que les structures existantes sont suffisamment dimensionnées alors même que les clients s'y rendent à près de 95 % en voiture. En admettant que l'étude n'aurait pas pris en compte les flux liés à la déchetterie et au magasin de bricolage, utilisant la même voie d'accès, la réserve capacitaire excède 70 %, ce qui permet d'absorber ces flux. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la route du Donon comporte une piste cyclable menant jusqu'à la voie d'accès au magasin et un trottoir sur l'un de ses côtés au moins, ainsi que des passages piétons permettant d'assurer la circulation sécurisée des piétons. Sur le site même du projet, une liaison douce sera également matérialisée pour le cheminement des piétons. Si les camions accéderont au dépôt du magasin par la route départementale, il n'est pas établi qu'ils transiteraient par le parking dédié aux clients. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la configuration des lieux emporterait un risque en terme de sécurité, que ce soit au regard de la configuration des accès ou du croisement entre camions de livraison et clients du magasin en cause, des commerces voisins et des usages de la déchetterie située dans la zone en question. Si le projet n'est pas aisément accessible par les transports en commun, cette circonstance, indépendante du pétitionnaire, ne saurait, à elle seule, justifier un refus dès lors que l'augmentation du trafic, limitée, est absorbée par les infrastructures existantes.

20. Enfin, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir du critère figurant désormais au e ) du 1° des dispositions du I de l'article L. 752-6 du code de commerce, relatif à la contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial, dans la mesure où ces dispositions, résultant de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ne sont, selon le II de l'article 166 de cette loi, applicables qu'aux demandes d'autorisation d'exploitation commerciale déposées à compter du 1er janvier 2019, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

S'agissant du développement durable :

21.En terme de qualité environnementale, s'il est vrai que le projet ne prévoit pas de végétalisation supplémentaire de son terrain d'assiette, il ne génère pas d'imperméabilisation accrue des sols mais aboutira à une installation de plus de 400 mètres carrés de panneaux photovoltaïques, une amélioration de l'isolation du bâtiment existant, la mise en œuvre d'un éclairage LED dans l'extension du bâti et l'apposition d'un bandeau translucide sur la nouvelle façade permettant un meilleur éclairage naturel.

22. En ce qui concerne l'insertion paysagère et architecturale du projet, il ressort des pièces du dossier que le bâtiment réaménagé comportera, sur l'une de ses façades revêtue d'un bardage bois en prunier d'Alsace, des surfaces vitrées supplémentaires. Au regard des éléments soumis au contradictoire, le projet constitue, en terme d'aspect, une amélioration par rapport au bâtiment existant, étant précisé que le projet se situe, non à proximité immédiate de zones naturelles sensibles, mais en entrée de ville, à côté d'une déchetterie et d'une voie ferrée, de l'autre côté de laquelle se situe l'ancienne synagogue inscrite à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques dont se prévaut la société Supermarchés Match, et qui est distante de plusieurs centaines de mètres du projet.

S'agissant de la protection des consommateurs :

23. Il ressort des pièces du dossier que le projet contribue à la revitalisation du tissu commercial en ce qu'il modernise un équipement commercial préexistant, sans que cette évolution porte atteinte, en l'espèce, à la préservation du centre urbain.

24. La modification apportée au supermarché existant ne saurait par ailleurs être regardée comme nuisant à la variété de l'offre, alors notamment qu'il est prévu la création de nouveaux rayons, notamment s'agissant des produits locaux et régionaux et de l'offre non-alimentaire.

25. Il résulte de ce qui précède que le projet de la société A. Fleury ne saurait, eu égard à ses effets, être regardé comme compromettant la réalisation des objectifs prévus par la loi, contrairement à ce que soutient la société requérante.

26. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par les communes de Schirmeck et de la Broque, que la société Supermarchés Match n'est pas fondée à demander l'annulation des arrêtés du 28 août 2019, en tant qu'ils valent autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les frais liés au litige :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des communes de Schirmeck et de la Broque, qui ne sont pas, dans les présentes instances, la partie perdante, le versement de la somme que la société Supermarchés Match demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par ces communes et par le bénéficiaire des permis attaqués.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de la société Supermarchés Match sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions des communes de Schirmeck et de la Broque et de la société A. Fleury présentées au titre de l'article L. 761-1 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Supermarchés Match, à la commune de Schirmeck, à la commune de la Broque, à la société A. Fleury et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.

La présidente,

Signé : A. A...L'assesseur le plus ancien,

Signé : E. MEISSE

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui les concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

2

Nos 19NC03038, 19NC03039


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03038
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Réglementation des activités économiques. - Activités soumises à réglementation. - Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme la Pdte. Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : MEILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-30;19nc03038 ?
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