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29/06/2022 | FRANCE | N°18NC01545

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 29 juin 2022, 18NC01545


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 204 044 euros en réparation du préjudice subi du fait de son accident de service du 24 juin 2011.

Par un jugement n° 1601476 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Besançon a condamné l'Etat à verser la somme de 42 500 euros à M. A..., a mis les frais des deux expertises réalisées définitivement à la charge de l'Etat ainsi qu'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du

code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par un arrêt du 30 j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 204 044 euros en réparation du préjudice subi du fait de son accident de service du 24 juin 2011.

Par un jugement n° 1601476 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Besançon a condamné l'Etat à verser la somme de 42 500 euros à M. A..., a mis les frais des deux expertises réalisées définitivement à la charge de l'Etat ainsi qu'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par un arrêt du 30 juin 2020, la cour a :

1°) rejeté la requête du ministre de l'économie et des finances tendant à l'annulation du jugement du 29 mars 2018 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) ordonné avant-dire droit, une expertise en vue de dire si l'affection orthopédique de M. A... a évolué et s'est aggravée depuis le dépôt du rapport d'expertise du Dr. Mourtada du 20 février 2016, dans l'affirmative, de décrire l'aggravation de ses blessures et lésions orthopédiques, de dire si celles-ci résultent de l'accident dont il a été victime le 24 juin 2011 et d'évaluer, dans l'affirmative, l'étendue des préjudices résultant de cette aggravation ;

3°) rejeté le surplus des conclusions présentées par la voie de l'appel incident par M. A... ;

4°) réservé les autres droits et moyens des parties jusqu'en fin d'instance.

Le rapport d'expertise a été enregistré au greffe de la cour le 12 novembre 2020.

Par des mémoires enregistrés le 10 février et le 13 mai 2022, le ministre de l'économie des finances et de la relance conclut au rejet des conclusions d'appel incident de M. A....

Il soutient que :

- il a proposé à M. A... une offre d'indemnisation d'un montant total de 28 829,30 euros ;

- le lien de causalité entre les travaux d'extension de la maison et la pathologie dont souffre M. A... n'est pas établi ;

- des travaux d'aménagement d'une pièce en rez-de-chaussée auraient suffi.

Par un mémoire enregistré le 3 mars 2022, M. A..., représenté par Me Suissa, demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 84 395,30 euros au titre de l'aggravation de ses préjudices liés à l'accident de service.

Il soutient que :

- l'aménagement avec des travaux d'extension de sa maison a été indispensable, les travaux ont été financés à hauteur de 52 066 euros ;

- le déficit fonctionnel permanent doit être réparé à hauteur de 15 000 euros ;

- le déficit fonctionnel temporaire est évalué à 8 829,30 euros ;

- les souffrances endurées sont estimées à 3 500 euros, le préjudice esthétique permanent à 1 500 euros, le préjudice d'agrément à 2 000 euros et le préjudice sexuel à 1 500 euros.

Vu :

- l'ordonnance du 15 janvier 2021 par laquelle la présidente de la cour a liquidé et taxé les frais et honoraires de M. C... à la somme de 1 000 euros ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Grossrieder, présidente assesseure,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Naudin, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., contrôleur principal des douanes et des droits indirects, affecté en dernier lieu à la brigade de surveillance de Besançon a été blessé le 24 juin 2011, lors d'une opération d'interception d'un véhicule volé, en sautant dans un talus pour éviter un véhicule refusant de s'arrêter. Par des décisions du 27 avril 2012 et du 29 août 2014, la direction générale des douanes et des droits indirects a reconnu l'imputabilité au service de cet accident et de la rechute dont M. A... a été victime à la fin de l'année 2012. M. A... a été admis à faire valoir ses droits à la retraite de manière anticipée, à compter 1er juillet 2012. A la demande de M. A..., le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a ordonné deux expertises sur les incidences de son accident de service. Les rapports du Dr. Mourtada et du Dr. Princet ont été remis respectivement, les 20 et 24 février 2016. M. A... demande l'indemnisation des préjudices qu'il a subis à hauteur de 204 044 euros. Par un jugement du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Besançon a fait partiellement droit à sa demande et a condamné l'Etat à lui verser la somme 42 500 euros. Par un arrêt du 30 juin 2020, la cour, a d'une part, rejeté la requête du ministre de l'économie des finances tendant à l'annulation jugement du 29 mars 2018 du tribunal administratif de Besançon et, d'autre part, ordonné, avant-dire droit, une expertise afin de dire si l'affection orthopédique de M. A... a évolué et s'est aggravée depuis le dépôt du rapport d'expertise du Dr. Mourtada du 20 février 2016, dans l'affirmative, de décrire l'aggravation de ses blessures et lésions orthopédiques et de dire si celles-ci résultent de l'accident dont il a été victime le 24 juin 2011 et enfin d'évaluer, dans l'affirmative, l'étendue des préjudices résultant de cette aggravation. Enfin, la cour a rejeté le surplus des conclusions présentées par la voie de l'appel incident par M. A.... Le Dr C..., expert désigné par une décision du 3 juillet 2020 de la présidente de la cour, a déposé son rapport d'expertise le 12 novembre 2020.

Sur le droit à indemnisation de M. A... au titre de la rechute de l'affection orthopédique :

2. Il résulte de l'instruction et notamment des pièces médicales produites par M. A... et du rapport d'expertise du Dr. C..., qu'à partir de l'automne 2016, M. A... a ressenti des douleurs à la prothèse du genou mise en place depuis le 3 décembre 2013 à la suite de son accident de service. Ces douleurs invalidantes se sont progressivement accentuées. Lors d'une consultation avec un chirurgien orthopédique le 12 décembre 2017, la présence d'un ostéophyte patellaire, soit une excroissance osseuse sous la rotule a été observée. Des séances de rééducation lui ont alors été prescrites. M. A... a finalement subi une intervention chirurgicale, le 20 février 2019, au cours de laquelle un descellement prothétique rotulien a été constaté ainsi qu'un conflit externe lié à la présence d'un volumineux ostéophyte. Au cours de cette intervention, il a été procédé à une ablation partielle de sa rotule gauche, à la dépose de l'implant et à la mise en place d'un médaillon rotulien en polyéthylène.

3. Il résulte de l'instruction et en particulier du rapport d'expertise du Dr. C... que le descellement rotulien est directement lié à l'accident de service dont M. A... a été victime, le 24 juin 2011, à la suite duquel une prothèse du genou a dû lui être implantée. L'Etat a d'ailleurs reconnu l'imputabilité au service de la rechute de son affection orthopédique par une décision du 10 avril 2019.

4. Par suite, M. A... est recevable à demander, y compris pour la première fois en appel, la réparation des préjudices résultant de l'accident de service du 24 juin 2011, qui se sont aggravés postérieurement au jugement attaqué.

Sur l'indemnisation des préjudices :

En ce qui concerne le préjudice patrimonial :

5. M. A... soutient que son état de santé justifie des travaux d'extension de sa maison d'habitation consistant en la création d'une chambre, salle de bains, penderie et escalier pour un coût de 52 066 euros. Il résulte de l'expertise que M. A... reste atteint d'une absence de flessum et d'une flexion du genou réduite à 90 %. Au regard des pièces produites relatives aux travaux d'extension de sa maison, M. A... n'établit pas, compte tenu de la configuration et de la superficie de sa maison, que les travaux d'extension de sa maison étaient dans leur intégralité indispensables. En conséquence il sera fait une juste appréciation du préjudice patrimonial subi par M. A... en l'évaluant à la somme de 25 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices personnels :

S'agissant des préjudices temporaires :

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. A... a subi un déficit fonctionnel temporaire à compter du 12 décembre 2017 date à laquelle a été posé le diagnostic d'aggravation de son état en raison d'une excroissance rotulienne jusqu'au 21 octobre 2020, date de consolidation de son état. Le taux de ce déficit fonctionnel temporaire a été de 15 % du 12 décembre 2017 au 19 février 2019, de 100 % du 20 au 23 février 2019 lors de l'intervention chirurgicale, puis de 50 % du 24 février au 24 mars 2019, période au cours de laquelle M. A... a dû marcher avec deux cannes anglaises, puis de 25 % du 25 mars au 25 avril 2019, période au cours de laquelle il marchait avec une seule canne anglaise et enfin de 15 % entre le 26 avril 2019 et le 21 octobre 2020, date de la consolidation de son état. Il sera fait une juste appréciation du déficit temporaire partiel de M. A... résultant de la rechute de son affection orthopédique en l'évaluant, entre le 12 décembre 2017 et le 21 octobre 2020, à la somme de 5 311 euros.

7. En second lieu, il résulte de l'instruction que les souffrances endurées par M. A... en raison de l'aggravation de son affection orthopédique ont été évaluées à 2,5 sur une échelle de 1 à 7. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en lui accordant une somme de 2 500 euros à ce titre.

S'agissant des préjudices permanents :

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'aggravation de l'état de M. A... consistant en un descellement rotulien a entraîné malgré une intervention chirurgicale un déficit fonctionnel permanent évalué par l'expert à 15 % lié à une limitation de la mobilité de son genou en raison d'une absence de flessum et d'une flexion limitée à 90 %. Il sera fait une juste évaluation de ce préjudice en allouant une somme de 17 000 euros à M. A....

9. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que depuis la nouvelle opération chirurgicale subie, M. A... est gêné dans les activités de bricolage qu'il pratique régulièrement en raison de la limitation des amplitudes articulaires de son genou, notamment en flexion. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en lui accordant une somme de 1 000 euros à ce titre.

10. En troisième lieu, le préjudice esthétique permanent de M. A... résultant d'une invagination de sa cicatrice est évalué par l'expert à 1,5 sur une échelle de 1 à 7. L'expert relève également que M. A... subit un préjudice sexuel du fait de la limitation de la mobilité de son genou. Il sera fait une juste appréciation de ces chefs de préjudice en les évaluant respectivement aux sommes de 1 000 euros et 500 euros.

11. En quatrième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le préjudice moral de M. A... se serait aggravé à la suite de la rechute de son affection orthopédique.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à demander que l'indemnité fixé par le tribunal administratif de Besançon soit augmentée de la somme de 52 311 euros en réparation des préjudices qu'il a subis en raison de l'aggravation de son affection orthopédique. La somme de 42 500 euros figurant à l'article 1er du jugement contesté est porté à 94 811 euros. Le jugement doit être réformé en ce sens.

Sur les dépens :

13. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens. ".

14. Les frais de l'expertise réalisée par le Dr. C..., liquidés et taxés à la somme de 1 000 euros par une ordonnance du 15 janvier 2021 de la présidente de la cour, sont mis à la charge définitive de l'Etat.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... non compris dans les dépens.

D E C I D E:

Article 1er : La somme que l'Etat est condamné à verser à M. A... est portée à 94 811 euros en réparation des préjudices subis en raison de la rechute de son affection orthopédique.

Article 2 : L'article 1er du jugement n° 1601476 du 29 mars 2018, rendu par le tribunal administratif de Besançon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les frais et honoraires de l'expertise réalisée par M. C..., liquidés et taxés à la somme de 1 000 euros, sont définitivement mis à la charge de l'Etat.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Grossrieder, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 juin 2022.

La rapporteure,

Signé : S. GrossriederLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 18NC01545


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01545
Date de la décision : 29/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie. - Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. DEVILLERS
Rapporteur ?: Mme Sophie GROSSRIEDER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : DSC AVOCATS - SCP DUFAY SUISSA CORNELOUP WERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-29;18nc01545 ?
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