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15/06/2022 | FRANCE | N°21NC02267

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 15 juin 2022, 21NC02267


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2101109 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant

la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 août 2021, M. A... B..., représenté par Me Ch...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2101109 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 août 2021, M. A... B..., représenté par Me Chaib, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 6 juillet 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2021 pris à son encontre par le préfet de

Meurthe-et-Moselle ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation et de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la légalité du refus de séjour :

- c'est à tort que le préfet a estimé qu'il ne justifiait pas de son état civil et de sa nationalité, l'administration n'ayant pas renversé la présomption d'authenticité des documents qu'il a présentés ;

- il a droit au séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour et de la mesure d'éloignement.

Par un mémoire, enregistré le 7 février 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés en renvoyant à ses écritures de première instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant malien, est entré sur le territoire français selon ses déclarations le 29 octobre 2018. Il a été pris en charge par le conseil départemental de Meurthe-et-Moselle en octobre 2018. Il a sollicité un titre de séjour le 20 juin 2020 en invoquant le bénéfice des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicables. Par un arrêté du 20 janvier 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté cette demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 6 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2021.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

3. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

4. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production, par l'étranger, d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance le 24 avril 2019 et que, pour justifier sa minorité à son entrée sur le territoire français, il a produit un extrait d'acte de naissance et une copie d'extrait d'acte datés respectivement du 12 juin 2002 et du 18 juin 2002. La direction zonale de la police aux frontières (DZPAF) a conclu, dans son rapport d'expertise du 24 janvier 2019, qu'il s'agissait de documents irréguliers et irrecevables au sens de l'article 47 du code civil. A l'appui de sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B... a présenté de nouveaux documents pour établir sa minorité. Un nouveau rapport d'expertise documentaire de la police aux frontières du 31 août 2020 a relevé, d'une part, des marques de prédécoupe irrégulières, des défauts d'impression et un aspect artificiel du vieillissement de l'extrait d'acte de naissance, matérialisé par un jaunissement par exposition à haute température attesté par les traces de brûlures visibles en périphérie du document, d'autre part, l'absence de respect des dispositions des articles 93, 94, 106 et 148 du code des personnes. La DZPAF relève en outre que des décalages et défauts d'impression sont également visibles, la mention " signature et sceau " n'étant pas au même niveau et le mot " sceau " étant rogné. Les documents produits en 2019 et 2020 présentent des tampons anormalement différents, alors qu'ils sont censés avoir été délivrés par les mêmes autorités. Enfin, si M. B... produit une carte d'identité consulaire délivrée le 11 septembre 2020 par les autorités consulaires maliennes en France, celle-ci n'est pas un document d'état civil, de plus, elle n'indique pas le numéro d'identification nationale attribué à la naissance ou l'adoption, qui est obligatoire en vertu de l'article 5 de la loi n° 2011-087 du 30 décembre 2011 portant code des personnes et de la famille du Mali. Dans ces conditions, la présomption d'authenticité résultant des dispositions de l'article 47 du code civil étant remise en cause, le préfet a pu légalement, sans procéder à des vérifications supplémentaires, considérer que M. B... ne justifie pas de son état-civil et notamment pas de sa minorité. Dès lors, le préfet a pu, à juste titre, à défaut pour le demandeur d'établir la réalité de son identité, refuser pour ce motif de lui délivrer la carte de séjour demandée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le requérant, qui ne justifie donc pas satisfaire les conditions d'âge prévues par ces dispositions, ne saurait utilement se prévaloir de ses études ou de ses tentatives d'intégration pour contester le refus de séjour qui lui a été opposé sur le fondement de ces dispositions.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, M. B... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision lui ayant refusé un titre de séjour, il n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

7. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré en France le 29 octobre 2018 selon ses déclarations, n'y réside que depuis moins de trois ans. Le requérant, célibataire et sans enfant, n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales au Mali. Dans ces conditions, en dépit des efforts d'intégration dont se prévaut M. B..., la décision lui refusant la délivrance d'une carte de séjour temporaire n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a dès lors pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

8. Il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de séjour et la mesure d'éloignement n'étant pas illégales, le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'encontre de celle désignant le pays de renvoi.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Toutes les conclusions de la requête, y compris celles aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées par voie de conséquence.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2022.

La présidente,

Signé : A. C...L'assesseur le plus ancien,

Signé : E. MEISSE Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

2

N° 21NC02267


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02267
Date de la décision : 15/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme la Pdte. Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : CHAIB

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-15;21nc02267 ?
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