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15/06/2022 | FRANCE | N°19NC02191

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 15 juin 2022, 19NC02191


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, dans le dernier état de ses écritures, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme totale de 187 861,76 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'accident médical survenu au décours de l'intervention pratiquée le 12 octobre 2005 au centre hospitalier de Chaumont.

Par un jugement n° 14

00993 du 14 mai 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamn...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, dans le dernier état de ses écritures, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme totale de 187 861,76 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'accident médical survenu au décours de l'intervention pratiquée le 12 octobre 2005 au centre hospitalier de Chaumont.

Par un jugement n° 1400993 du 14 mai 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser à Mme C... la somme totale de 13 630,74 euros et a mis à sa charge les frais d'expertise taxés et liquidés aux sommes de 2 250 et 1 400 euros, ainsi que, à hauteur de 160 euros, les frais de déplacement exposés par l'intéressée pour se rendre à l'expertise ordonnée par son jugement avant-dire droit du 18 janvier 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 15 mai 2020, Mme B... C..., représentée par Me Lavocat, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1400993 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 14 mai 2019 en tant qu'il s'est borné à condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme totale de 13 630,74 euros en réparation de ses préjudices ;

2°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme totale de 187 861,75 euros en réparation de ses préjudices ;

3°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales aux dépens ;

4°) de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de déclarer l'arrêt à intervenir commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.

Elle soutient que :

- elle a été victime d'un accident médical survenu dans les suites de l'intervention pratiquée le 12 octobre 2005 au centre hospitalier de Chaumont ;

- elle remplit les conditions pour bénéficier d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les conséquences physiologiques imputables à l'érosion de la bandelette sous-urétrale posée le 12 octobre 2005, puis à l'exérèse de cette bandelette le 3 novembre 2008, n'ont plus été constatées après la date du 27 mai 2009 ;

- l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Champagne-Ardenne étant opposable à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, la date de consolidation doit être fixée, non pas au 27 mai 2009, mais au 15 mai 2012 ;

- elle est fondée à réclamer les sommes de 6 848,68 euros au titre de ses dépenses de santé actuelles et futures, de 4 140 euros au titre de ses frais de déplacement et de ses frais de remboursement des honoraires de son médecin-conseil, de 27 953,07 euros au titre de la perte de ses gains professionnels actuels et futurs, de 50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, de 30 420 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire, de 8 000 euros au titre des souffrances endurées, de 10 000 euros au titre de son préjudice esthétique, de 25 500 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent, de 10 000 euros au titre de son préjudice d'agrément et de 15 000 euros au titre de son préjudice sexuel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2020, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me de la Grange, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le jugement de première instance doit être confirmé dans son intégralité, notamment en ce qu'il a retenu comme date de consolidation celle du 27 mai 2009 et a fixé l'indemnisation de Mme C... à la somme de 13 630,74 euros ;

- n'ayant pas participé aux opérations diligentées par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Champagne-Ardenne, l'expertise sur laquelle Mme C... fonde ses prétentions, contrairement à celle ordonnée par le jugement avant-dire droit du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 18 janvier 2017, ne lui est donc pas contradictoire.

La requête a été régulièrement communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et à la compagnie AG2R Prévoyance qui n'ont pas présenté de mémoire dans la présente instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Suivie depuis le 24 mars 2004 pour une incontinence urinaire à l'effort, pour le traitement de laquelle la prescription de séances de rééducation uro-gynécologique s'est avérée inefficace, Mme B... C..., née le 1er mars 1958, a subi, le 12 octobre 2005, au centre hospitalier de Chaumont (Haute-Marne), une intervention chirurgicale aux fins de la pose d'une bandelette sous-urétrale TOT (" trans-obturator tape "). En raison de l'apparition, plusieurs mois après cette opération, de leucorrhées jaunâtres, odorantes, purulentes et sanguinolentes, qui ont persisté malgré la réalisation d'une hystéroscopie pour polypectomie le 8 novembre 2006, d'une hystérectomie par voie basse le 6 juin 2007 et d'une reprise de la déhiscence de la cicatrice vaginale le 15 octobre 2007, il a été constaté, le 8 mai 2008, une extériorisation par érosion de la paroi vaginale de cette bandelette, dont l'ablation a été effectuée le 3 novembre 2008. Si l'extraction de ce dispositif médical implantable a permis de faire disparaître les écoulements vaginaux anormaux, la requérante a développé ultérieurement des troubles urinaires invalidants, caractérisés par une dysurie, une pollakiurie, des impériosités, des brûlures mictionnelles et une sensation de vidange incomplète de la vessie. Ces symptômes ont perduré malgré les traitements mis en œuvre, contraignant Mme C... à recourir à des auto-sondages à compter du mois de février 2010. Le 24 juin 2011, la mise en place dans la vessie d'une électrode de neurostimulation a permis d'améliorer la symptomatologie à hauteur de 70 % et, le 12 février 2012, le déplacement du boîtier, dont la position initiale causait à l'intéressée des douleurs persistantes, a provoqué la disparition progressive des troubles urinaires. Afin d'obtenir réparation des préjudices qu'elle estime avoir subi du fait des complications survenues au décours de l'intervention chirurgicale du 12 octobre 2005, Mme C... a saisi, le 21 décembre 2012, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Champagne-Ardenne, qui, après avoir diligenté une expertise, dont le rapport a été établi le 26 août 2013 et remis le 3 septembre suivant, a considéré, dans son avis du 1er octobre 2013, que l'extériorisation de la bandelette sous-urétrale était constitutive d'un accident médical non fautif dont les conséquences préjudiciables étaient indemnisables au titre de la solidarité nationale. Sur la base de cet avis, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a transmis à la requérante, le 28 février 2014, un protocole d'indemnisation transactionnelle partielle à hauteur de 12 613 euros. Estimant le montant de cette offre insuffisant, l'intéressée a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à ce que lui soit allouée, au titre de la solidarité nationale, la somme totale de 728 994,86 euros, ramenée à 187 861,76 euros dans le dernier état de ses écritures. Après avoir, le 18 janvier 2017, ordonné avant-dire droit une expertise médicale au motif que l'état du dossier ne permettait pas de déterminer si le dommage présentait en l'espèce un caractère d'anormalité, les premiers juges, à la suite du rapport définitif des experts daté du 15 septembre 2018 et déposé le lendemain, ont finalement condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser à la requérante la somme totale de 13 630,74 euros et a mis à la charge de l'établissement public les frais d'expertise taxés et liquidés aux sommes de 2 250 et 1 400 euros, par un jugement n° 1400993 du 14 mai 2019 dont Mme C... relève appel.

Sur les conclusions à fin d'appel en déclaration de jugement commun :

2. Aux termes du huitième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt. (...) ".

3. D'une part, il appartient au juge administratif, qui dirige l'instruction, d'assurer, en tout état de la procédure, le respect de ces dispositions, dont la méconnaissance est sanctionnée par la possibilité reconnue aux caisses de sécurité sociale intéressées et au tiers responsable de demander pendant deux ans l'annulation du jugement. Ainsi, le tribunal administratif, saisi par la victime ou par la caisse d'une demande tendant à la réparation du dommage corporel par l'auteur de l'accident, doit appeler en la cause, selon le cas, la caisse ou la victime. La méconnaissance des obligations de mise en cause entache le jugement d'une irrégularité que le juge d'appel ou le juge de cassation doit, au besoin, relever office. D'autre part, en dehors des hypothèses dans lesquelles les dispositions citées au point précédent trouvent à s'appliquer, seuls peuvent faire l'objet d'une déclaration de jugement commun, devant une juridiction administrative, les tiers dont les droits et obligations à l'égard des parties en cause pourraient donner lieu à un litige dont la juridiction saisie eût été compétente pour connaître et auxquels, d'autre part, pourrait préjudicier ledit jugement, dans des conditions leur ouvrant le droit de former tierce-opposition à ce jugement.

4. Toutefois, l'indemnisation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au titre de la solidarité nationale, des conséquences d'un accident médical ne lui conférant pas la qualité d'auteur responsable des dommages, le recours subrogatoire des tiers payeurs ne peut dans ce cas être exercé contre lui. Par suite, alors que la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a été régulièrement mise en cause dans la présente instance et doit, en conséquence, être regardée comme ayant la qualité de partie au litige, les conclusions de Mme C... à fin d'appel en déclaration de jugement commun ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conditions de la réparation au titre de la solidarité nationale :

5. Aux termes du second paragraphe de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ". Aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. / A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence. ".

6. Il résulte de ces dispositions que l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage.

7. Il résulte de l'instruction, spécialement des rapports d'expertise des 26 août 2013 et 15 septembre 2018, que, si la prise en charge de Mme C... entre 2004 et 2012 a été conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science, l'extériorisation par érosion de la paroi vaginale de la bandelette sous-urétrale TOT, qui avait été implantée chez la patiente le 12 octobre 2005 pour traiter une incontinence urinaire à l'effort, est constitutive d'un accident médical non fautif, lequel a provoqué, entre août 2006 et mai 2009, des leucorrhées jaunâtres, odorantes, purulentes et sanguinolentes et nécessité, les 8 mai et 3 novembre 2008, la résection partielle, puis le retrait définitif du dispositif médical implantable. D'une part, il n'est pas contesté que l'accident médical non fautif, dont a été victime la requérante, a entraîné l'arrêt temporaire de son activité professionnelle, à tout le moins du 2 novembre 2008 au 27 mai 2009, soit pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs. Par suite, les conséquences dommageables de cet accident présentent un caractère de gravité au sens des dispositions du paragraphe II de l'article L. 1142-1 et du deuxième alinéa de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique. D'autre part, selon le rapport d'expertise du 15 septembre 2018, la pose d'une bandelette sous-urétrale TOT a eu pour Mme C..., du fait de son extériorisation par érosion de la paroi vaginale, des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles elle aurait été exposée, de manière suffisamment probable, en cas d'évolution naturelle de son incontinence urinaire à l'effort. Par suite, et alors que, au surplus, les risques de survenance d'une telle extériorisation ont été évalués par les experts à 1% des cas environ, les conséquences dommageables de cet accident présentent également un caractère d'anormalité au sens des dispositions du paragraphe II de l'article L 1142-1 du code de la santé publique. Il résulte de ce qui précède, et il n'est d'ailleurs pas contesté par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, que Mme C... remplit les conditions pour bénéficier d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale.

Sur le montant de la réparation au titre de la solidarité nationale :

En ce qui concerne de la date de consolidation :

8. Il résulte de l'instruction que, sept mois environ après l'ablation de la bandelette sous-urétrale TOT, Mme C... a fait l'objet, le 27 mai 2009, d'un bilan urologique complet à l'issue duquel il a été constaté une disparition définitive de ses leucorrhées et de son incontinence urinaire à l'effort, mais aussi l'apparition de nouveaux troubles urinaires invalidants, lesquels se caractérisent principalement par une dysurie, une pollakiurie, des impériosités, des brûlures mictionnelles et une sensation de vidange incomplète de la vessie. Les circonstances que la requérante se soit plainte, au cours de ce bilan, de " lombalgies augmentées depuis novembre 2008 " et que le médecin ayant pratiqué une cystoscopie en avril 2009 ait décrit un " urètre rigide " ne suffisent pas à démontrer que ces troubles urinaires se seraient manifestés dans les suites immédiates de l'intervention du 3 novembre 2008. De même, s'il est vrai que, avant cette opération, la requérante a subi, pour le traitement de ses leucorrhées, une hystéroscopie pour polypectomie le 8 novembre 2006, une hystérectomie par voie basse le 6 juin 2007 et une reprise de la déhiscence de la cicatrice vaginale le 15 octobre 2007, les éléments du dossier ne permettent pas de conclure, de manière certaine, à l'existence de " séquelles urétrales des chirurgies répétées ". En particulier, si le rapport d'expertise du 26 août 2013 intègre la symptomatologie apparue à compter du mois de mai 2009 dans l'évaluation des préjudices résultant de l'extériorisation de la bandelette et fixe la date de consolidation au 15 mai 2012, date à laquelle les signes urinaires ont totalement régressé, il n'explicite pas les raisons pour lesquelles les experts ont considéré qu'il existait un lien direct et certain entre ces troubles et l'accident médical non fautif, dont Mme C... a été victime, alors même qu'il fait état d'un courrier du 22 février 2012 d'un médecin urologue du centre hospitalier de Lyon-Sud, au sein duquel la patiente était suivie à la suite de la pose dans sa vessie, le 24 juin 2011, d'une électrode de neurostimulation, indiquant qu' " il est difficile d'affirmer un facteur de causalité dans le dossier ". Ce même courrier ajoute, de façon plus générale, que les facteurs de l'hyperactivité de la vessie sont mal connus, que, si les bandelettes sous-urétrales sont susceptibles de faire apparaître une telle hyperactivité dans environ 20 % des cas, elles peuvent également la guérir et que, enfin, il n'existe pas, à l'heure actuelle, de lien démontré entre l'hystérectomie et l'hyperactivité vésicale. Ces conclusions sont partagées par les auteurs du rapport d'expertise du 15 septembre 2018, qui estiment logique de fixer la date de consolidation au 27 mai 2009, date de la disparition définitive des leucorrhées et de l'incontinence urinaire à l'effort, dès lors que " les symptômes ultérieurs observés ne peuvent être liés, de façon certaine, à l'implantation d'une bandelette sous-urétrale TOT [et] peuvent très bien être liés à une évolution naturelle vésicale ou, éventuellement, mais de façon peu probable, (...) aux antécédents gynécologiques de Mme C... ". Dans ses conclusions annexées au rapport, le sapiteur, avant de réitérer l'impossibilité de conclure à un lien de causalité entre les antécédents chirurgicaux de la requérante et les symptômes urinaires allégués à partir de mai 2009, relève que ces symptômes ne sont pas ceux attendus normalement d'une ablation de bandelette sous-urétrale TOT, à savoir une réapparition de l'incontinence urinaire à l'effort et une amélioration de la vidange vésicale, et qu'ils sont souvent rapportés par des femmes n'ayant subi aucune opération. Par suite, alors même que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, lors de ses discussions avec Mme C... en vue de l'établissement d'un protocole transactionnel d'indemnisation transactionnelle, n'a pas contesté les conclusions du rapports d'expertise du 26 août 2013, ainsi que l'avis de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Champagne-Ardenne du 1er octobre 2013, c'est à bon droit que les premiers juges, à la suite du rapport d'expertise du 15 septembre 2018, ont fixé au 27 mai 2009 la date de consolidation des dommages imputables à l'accident médical non fautif résultant de l'extériorisation de la bandelette par érosion de la paroi vaginale de la requérante.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des dépenses de santé actuelles et futures :

9. Ainsi qu'il a été dit précédemment, les troubles urinaires invalidants constatés en mai 2009, qui ont entraîné, à compter de janvier 2011, des frais d'acquisition de matériel d'auto-sondage de lingettes aseptisées, ne présentent pas de lien direct et certain avec l'accident médical non fautif résultant de l'extériorisation par érosion de la paroi vaginale de la bandelette sous-urétrale TOT. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que Mme C... ne pouvait prétendre à une indemnisation pour ce chef de préjudice.

S'agissant de la perte de gains professionnels ;

10. Il ne résulte pas de l'instruction que les conséquences dommageables liées à l'extériorisation de la bandelette, qui n'ont plus été constatées à compter du 27 mai 2009, seraient la cause du placement de l'intéressée en congé de maladie au cours de la période allant du 20 janvier 2011 au 2 janvier 2013 et de son licenciement pour inaptitude physique survenu le 1er février 2011. Il est constant, par ailleurs, que la période d'arrêt de travail, compris entre le 18 juin 2009 et le 23 septembre 2010, est imputable à un accident de travail dont Mme C... a été victime le 17 juin 2009. En revanche, la requérante est fondée à soutenir que son placement en congé de maladie entre le 2 novembre 2008 et le 16 juin 2009 est à l'origine d'une perte de revenus, dont il sera fait une exacte appréciation, compte tenu des bulletins de paie produits par la requérante et après déduction des indemnités journalières payées par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, en condamnant l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser à l'intéressée la somme de 4 806,73 euros.

S'agissant de l'incidence professionnelle :

11. Mme C... fait valoir qu'elle a été reconnue travailleuse handicapée, le 5 septembre 2012, par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du Rhône, pour la période allant du 5 septembre 2012 au 31 août 2017, et qu'elle a été déclarée inapte à son poste par la médecine du travail le 3 janvier 2012, avant d'être licenciée pour inaptitude physique le 1er février suivant. Elle ajoute que, même si elle a pu retrouver un emploi, à compter du 22 avril 2014, au sein de l'association haut-marnaise pour l'aide familiale, où elle a exercé les fonctions d'évaluatrice auprès des personnes âgées, d'abord en mi-temps thérapeutique, puis à temps plein du 1er février au 31 décembre 2018, elle a été contrainte d'abandonner l'activité professionnelle, qui était la sienne depuis 1992 et dans laquelle elle s'épanouissait. En outre, du fait de ses séquelles physiologiques et psychologiques, elle est nécessairement dévalorisée sur le marché du travail, voit ses perspectives d'avenir professionnel très limitées et subit une pénibilité accrue dans l'exercice de ses nouvelles fonctions.

12. Toutefois, il n'est pas établi que les séquelles alléguées par l'intéressée présenteraient un lien direct et certain avec l'accident médical non fautif qu'elle a subi du fait de l'extériorisation par érosion de la paroi vaginale de la bandelette sous-urétrale TOT. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que Mme C... ne pouvait prétendre à une indemnisation pour ce chef de préjudice.

S'agissant des frais divers :

13. D'une part, les frais de déplacement, exposés par Mme C... pour se rendre à Paris, le 19 avril 2018, à l'expertise ordonnée par le jugement avant-dire droit du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 18 janvier 2017, constituent des dépens et, comme tels, relèvent de l'application des dispositions de l'article R 761-1 du code de justice administrative. Si la requérante fait également valoir qu'elle a été contrainte de parcourir un grand nombre de kilomètres pour se rendre aux consultations médicales, aux séances de psychothérapie ou encore aux opérations d'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Champagne-Ardenne, elle ne produit aucun élément susceptible de justifier la somme de 2 000 euros qu'elle réclame à ce titre. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté, pour ce chef de préjudice, les prétentions indemnitaires de l'intéressée.

14. D'autre part, Mme C... justifie, par les éléments qu'elle verse aux débats, avoir acquitté respectivement les sommes de 700 et de 1 440 euros au titre des honoraires du médecin conseil pour son assistance lors du déroulement de la procédure d'indemnisation amiable et lors de l'expertise judiciaire du 19 avril 2018. Dans ces conditions, ces dépenses ayant été utiles à la résolution du litige, il y a lieu de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales le remboursement à l'intéressée de ces sommes, soit un montant total de 2 140 euros.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

15. D'une part, il résulte de l'instruction, et il n'est pas contesté par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, que les leucorrhées générées par l'extériorisation de la bandelette sous-urétrale TOT ont nécessité l'hospitalisation de Mme C... du 7 au 9 novembre 2006, du 4 octobre 2007, du 14 au 16 octobre 2007 et du 2 au 4 novembre 2008. Par suite, les premiers juges ont fait une juste d'appréciation du déficit fonctionnel temporaire totale de l'intéressée en l'évaluant à la somme de 200 euros.

16. D'autre part, il résulte également de l'instruction que, du 29 août 2006, date à laquelle des leucorrhées jaunâtres et odorantes ont été constatées pour la première fois, au 27 mai 2009, date de leur disparition définitive, la requérante a subi, en dehors des périodes d'hospitalisation, un déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 %. Par suite, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à l'intéressée la somme de 5 000 euros.

S'agissant des souffrances endurées :

17. Il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées par Mme C... au cours de la période comprise entre le 29 août 2006 et le 27 mai 2009, souffrances évaluées dans le rapport d'expertise du 26 août 2013 à 3/7, en allouant à l'intéressée la somme de 4 200 euros à ce titre.

S'agissant du préjudice esthétique :

18. Contrairement aux allégations de Mme C..., le préjudice esthétique engendré par la mise en place dans la vessie, le 24 juin 2011, d'un boîtier de neurostimulations n'est pas la conséquence de l'accident médical non fautif constitué par l'extériorisation de la bandelette sous-urétrale TOT, mais des troubles urinaires invalidants apparus à compter du mois de mai 2009. En revanche, c'est à bon droit que les premiers juges ont alloué à l'intéressée la somme de 1 500 euros au titre du préjudice esthétique résultant de la cicatrice vaginale causée par l'hystérectomie par voie basse réalisée le 6 juillet 2017.

S'agissant du déficit fonctionnel permanent :

19. Il résulte de l'instruction que, à la date de consolidation des dommages causés par l'accident médical non fautif subi par Mme C..., fixée au 27 mai 2009, l'intéressée ne présentait plus de leucorrhées, ni d'incontinence urinaire à l'effort. Par suite, alors que les séquelles physiologiques et psychologiques engendrés par les troubles urinaires invalidants s'avèrent sans lien avec l'extériorisation de la bandelette sous-urétrale, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la requérante n'était pas fondée à demander que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales l'indemnise au titre du déficit fonctionnel permanent.

S'agissant du préjudice sexuel et du préjudice d'agrément :

20. Il ne résulte pas de l'instruction que l'accident médical non fautif subi par Mme C... aurait été à l'origine d'un préjudice sexuel et d'un préjudice d'agrément pour la période postérieure au 27 mai 2009. S'il est vrai que la persistance de leucorrhées jaunâtres, odorantes, purulentes et sanguinolents a pu, avant la date de consolidation, causer de tels préjudices à l'intéressée, ceux-ci ont d'ores et déjà été indemnisés au titre du déficit fonctionnel temporaire. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté, pour ces chefs de préjudice, les prétentions indemnitaires de la requérante.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le montant total de l'indemnité mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, fixé par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne à 13 630,74 euros, doit être porté à la somme de 17 846,73 euros. Par voie de conséquence, il y a lieu de réformer le jugement de première instance en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Sur les dépens :

22. D'une part, il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infestions nosocomiales les frais d'expertise taxés et liquidés aux sommes de 2 250 et 1 400 euros, ainsi que, à hauteur de 160 euros, les frais de déplacement exposés par Mme C... pour se rendre à Paris, le 19 avril 2018, à l'expertise ordonnée par son jugement avant-dire droit du 18 janvier 2017. Le défendeur ayant demandé à ce que le jugement de première instance soit confirmé dans son intégralité, il n'y a pas lieu pour la cour de modifier la dévolution des dépens effectuée par les premiers juges.

23. D'autre part, la présente instance n'ayant pas généré de dépens, à hauteur d'appel, les conclusions présentées par la requérante en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de justice :

24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales le versement à Mme C... d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le montant total de l'indemnité mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, fixé par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne à 13 630,74 euros, est porté à la somme de 17 846,73 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1400993 du 14 mai 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera à Mme C... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et à AG2R Prévoyance.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2022.

Le rapporteur,

Signé : E. A...

La présidente,

Signé : A. SAMSON-DYE

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 19NC02191 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02191
Date de la décision : 15/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité sans faute - Actes médicaux.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Modalités de la réparation - Solidarité.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-15;19nc02191 ?
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