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09/06/2022 | FRANCE | N°20NC03697

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 09 juin 2022, 20NC03697


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité (SARL) Sterling a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er mars 2011 au 31 décembre 2013 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, ainsi que des majorations correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1

900257 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité (SARL) Sterling a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er mars 2011 au 31 décembre 2013 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, ainsi que des majorations correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1900257 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 18 décembre 2020 et le 17 novembre 2021, la SARL Sterling, représentée par Me Thiry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la situation d'opposition à contrôle fiscal n'est pas caractérisée puisqu'elle avait déjà été précédemment contrôlée, que son gérant, M. B... n'a pas pu se rendre dans les locaux du service et que les difficultés pour établir la comptabilité pour 2013 n'ont pas été prises en compte ; l'absence de comptabilité 2013 en raison des défaillances de sa banque n'a pas été retenue ; les droits de la défense n'ont pas été respectés puisque l'administration n'a pas réitéré auprès du liquidateur de la société, sa demande de rendez-vous qu'il lui avait adressée ; son activité n'est pas occulte en vertu de l'article L. 169, alinéa 3 du livre des procédures fiscales puisqu'elle a manifesté toute la publicité requise pour son activité de mandataire ; le principe d'indépendance des procédures ne peut lui être opposée vis-à-vis de la procédure suivie contre la SARL OCE les Chouans eu égard aux modalités particulières d'exécution du contrat de gérance-mandat qui les lie ; l'analyse du contrat de gérance-mandat est erronée puisque le montant de la rémunération tirée du contrat se déduit des résultats de la SARL Sterling et non des résultats de la SARL OCE les Chouans ; le contrat de gérance-mandat n'est pas dépourvu de valeur probante ;

- sur la taxe sur la valeur ajoutée : le service aurait dû exclure de la taxe sur la valeur ajoutée collectée l'opération de portage entre le compte BNP et le compte crédit agricole d'Ile-de-France de la SARL Sterling et celle réalisée pour la société SOGEREA début 2013 via le propre compte Crédit Agricole de la SARL Sterling ;

- sur l'impôt sur les sociétés : la reconstitution n'est pas réaliste dans le mesure où le service n'a pas fait une évaluation exacte des éléments concourant à la détermination des bases d'imposition en ce qu'il n'a pris en compte que quatre mois de l'exercice 2013 sans examiner le compte personnel du gérant ou son second compte bancaire et n'a pas reconstitué ces bases en tenant compte des conditions concrètes de fonctionnement de l'entreprise puisqu'il n'a pas correctement analysé son activité de mandataire ; elle n'était pas tenue d'établir une comptabilité autonome pour la gérance de la SARL OCE les Chouans ; les charges retenues par le service ne sont pas exactes puisque les salaires et les charges sociales, les facture fournisseurs, payées via le compte personnel du gérant, et les créances n'ont pas été déduits ; les charges retenues dans la reconstitution des bases imposables de la SARL OCE les Chouans sont également sous-estimées et certains factures sont prises deux fois en compte ; le passif injustifié concernant un ancien collaborateur de la SARL Sterling est justifié par des pièces ; il n'a pas été pris en compte un avis à tiers détenteur pour une dette fiscale de 2012 ; il y a une pluralité de maître de l'affaire dans la mesure où il y a aussi un maître de l'affaire pour la SARL OCE les Chouans.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Sterling ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Sterling avait pour objet la gestion de patrimoine et le conseil aux entreprises avant qu'elle ne soit placée en liquidation judiciaire par un jugement du 13 octobre 2014 du tribunal de grande instance de Strasbourg. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 en matière d'impôt sur les sociétés et du 1er mars 2011 au 31 décembre 2013 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de ce contrôle, l'administration lui a notifié les rehaussements selon la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales applicable en cas d'opposition à contrôle fiscal pour les exercices clos en 2011, 2012 et 2013. Les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 24 juillet 2015. Le 8 octobre 2015, l'administration a prononcé le dégrèvement de la totalité des majorations pour opposition à contrôle fiscal. La réclamation présentée a fait l'objet d'une décision d'admission partielle le 15 novembre 2018. La SARL Sterling relève appel du jugement du 13 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la procédure d'évaluation d'office pour opposition à contrôle fiscal :

2. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (..) / 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ;/ 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ". Selon l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. / Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) 4° Si un contrôle fiscal n'a pu avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers " Aux termes du premier alinéa de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable au litige : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers ".

3. Il résulte de l'instruction qu'un avis de vérification a été notifié le 2 juin 2014 à la SARL Sterling l'informant du contrôle de l'ensemble de ses déclarations fiscales au titre des années 2011, 2012 et 2013 et prévoyant une première intervention le 18 juin 2014 au siège de la société. Le 17 juin 2014, la SARL Sterling a sollicité le report de cette intervention dans la mesure où la comptabilité pour l'année 2013 n'était pas encore établie. Par un courrier distribué le 1er juillet 2014, l'administration a indiqué que l'absence de comptabilité n'était pas un motif valable de report et que la société devait prendre contact avec le service vérificateur pour convenir d'une date sur le début des opérations de contrôle. En l'absence de réponse de la part de la société, l'administration a, par un second courrier, transmis un procès-verbal pour opposition à contrôle. Par des courriers des 11 et 23 juillet, la société a de nouveau indiqué que ses comptes n'étaient pas établis, que son activité était réduite et qu'elle allait sûrement être mise en liquidation à la rentrée et a contesté l'opposition à contrôle dans la mesure où il n'aurait pas été répondu à sa demande tendant à ce que les opérations se déroulent les locaux de l'administration. Par un nouveau courrier du 5 août 2014, l'administration a indiqué qu'aucune demande ne lui avait été faite en ce sens. Par un dernier courrier du 10 octobre 2014, l'administration a invité le gérant ou toute personne mandatée à se présenter dans ses locaux le 23 octobre 2014 mais personne ne s'est présenté. Il résulte de ces éléments que l'administration a, à plusieurs reprises, relancé la SARL Sterling en la mettant en mesure de trouver une date pour commencer les opérations de contrôle. A cet égard, la circonstance que la société n'avait pas complété sa comptabilité est sans incidence sur la régularité des opérations de contrôle. Si la SARL Sterling se prévaut du fait que sa banque aurait tardé à répondre à ses demandes, les courriers qu'elle lui a adressés sont postérieures à la première date d'intervention proposée alors que la date limite de déclaration des résultats pour 2013 était fixée le 5 mai 2014. Enfin, il ressort du déroulé des faits que la SARL Sterling n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait refusé à son gérant de se rendre dans les locaux du service. Par son inertie, la société a ainsi fait obstacle aux opérations de contrôle fiscal.

4. Par ailleurs, la SARL Sterling soutient que la procédure d'opposition à contrôle fiscal n'était pas initiée avant la liquidation et que l'administration aurait dû continuer la procédure contradictoirement avec le liquidateur judiciaire. D'une part, il ressort de ce qui vient d'être dit que dès le courrier du 11 juillet 2014, la procédure pour opposition à contrôle fiscal était applicable. D'autre part, il est constant que la liquidation de la société n'est intervenue que le 13 octobre. Par conséquent l'administration était fondée à notifier les éléments de procédure au gérant jusqu'à cette date. De plus, il ne résulte d'aucune disposition législative ou règlementaire que l'administration serait tenue de recommencer une procédure de contrôle engagée à l'égard d'une société lorsque cette dernière ferait l'objet d'une liquidation. Par suite, la SARL Sterling n'est pas fondée à soutenir que les conditions de la procédure d'opposition à contrôle fiscal ne sont pas caractérisées.

5. Il résulte des dispositions citées au point 2 que, lorsque les bases de l'imposition d'un contribuable ont été évaluées d'office à la suite de son opposition au contrôle fiscal, le législateur a entendu priver l'intéressé, qui s'est de lui-même placé en dehors des règles applicables à la procédure d'imposition, des garanties dont bénéficient les contribuables et notamment de l'obligation qui pèse sur le service de mettre en demeure le contribuable de régulariser sa situation. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'opposition à contrôle fiscal serait irrégulière à défaut de la mise en demeure prévue à l'article L. 68 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne la procédure de rectification :

6. Aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions ". Selon l'article L. 76 A du même livre : " Le contribuable qui a fait l'objet d'une imposition d'office conserve le droit de présenter une réclamation conformément à l'article L. 190 ".

7. Si la SARL Sterling soutient que ses droits de la défense n'ont pas été respectés dans la mesure où la convocation envoyée par courrier du 10 octobre 2014 n'a pas été transmise au liquidateur, il ressort de ce qui a été dit au point 4 que la SARL Sterling avait déjà été mise en demeure avant sa liquidation intervenue le 13 octobre 2014 et qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'impose à l'administration de renouveler les actes accomplis régulièrement avec la société auprès de son liquidateur. La SARL Sterling soutient par ailleurs que le liquidateur n'a pas pu présenter ses observations à la suite de la notification des rehaussements des impositions en date du 17 décembre 2014. Toutefois, en cas de situation d'imposition d'office, l'administration n'est pas tenue d'inviter le contribuable à faire connaître son acceptation ou ses observations dans les trente jours de l'envoi de la notification des impositions établies d'office, ni à répondre aux observations du contribuable. Par conséquent, si l'administration l'a invitée dans la notification du 17 décembre 2014 à présenter des observations, le liquidateur ne pouvait toutefois disposer d'un délai supplémentaire pour ce faire et c'est à bon droit que l'administration a indiqué qu'il n'avait formulé aucune observation. Enfin, il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification que l'administration n'a pas procédé à " une simple duplication " de la procédure diligentée à l'encontre de la SARL OCE les Chouans à la procédure d'imposition de la SARL Sterling. Par suite, la SARL Sterling n'est pas non plus fondée à soutenir, en tout état de cause, que l'administration aurait méconnu ses droits à la défense de ce fait.

En ce qui concerne l'existence d'une activité occulte :

8. L'article L. 169 du livre des procédures fiscales dispose que : " (...) L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. (...) ". Dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.

9. Il résulte de l'instruction et notamment des mentions sur la notification des impositions établies d'office du 17 décembre 2014 que l'indication dans la proposition de rectification d'une activité occulte n'a pas impliqué un renoncement à la procédure d'opposition à contrôle fiscal que le service a explicitement appliquée. Ainsi la caractérisation du caractère occulte ou non de tout ou partie de l'activité de la SARL Sterling est sans incidence sur la régularité de la procédure.

En ce qui concerne le moyen tiré des vices affectant la procédure d'imposition d'une SARL OCE Les Chouans :

10. En application du principe d'indépendances des procédures pour des contribuables distincts, la SARL Sterling n'est pas fondée à se prévaloir, nonobstant le contrat de gérance-mandat qui les lie, des vices qui affecteraient selon elle la procédure d'imposition de la SARL OCE les Chouans.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

11. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". L'art. R. 193-1 du même livre dispose que : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".

12. Les impositions assignées à la SARL Sterling ayant été régulièrement établies d'office en application de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, elle supporte, en application des dispositions de l'article R. 193-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération des impositions litigieuses.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

13. En vertu des dispositions combinées du 1 de l'article 38 et de l'article 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises. Aux termes du 2. de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. " Et aux termes de l'article 39 du même code, " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges ".

14. Il résulte de l'instruction et des éléments de procédure retracés ci-dessus que la société requérante a déposé ses déclarations de revenus au titre des exercices clos en 2011 et 2012, les 18 juillet 2012 et 15 novembre 2013, soit postérieurement à la date de limite de dépôt et n'a présenté aucune comptabilité au vérificateur au titre de l'exercice clos en 2013. L'administration fiscale a en conséquence reconstitué le montant des produits imposables à l'impôt sur les sociétés à partir de ces déclarations déposées les 18 juillet 2012 et 15 novembre 2013 et des crédits figurant sur le compte bancaire de la SARL Sterling auxquels ont été ajoutés les recettes provenant du contrat de gérance-mandat avec la SARL OCE les Chouans au titre des années 2012 et 2013 ainsi qu'un passif injustifié au titre des exercices clos en 2011 et 2012 en raison de dettes non justifiées. De ces produits, le service a déduit des charges d'exploitation évaluées, s'agissant de l'année 2013, à partir des charges déductibles de l'année 2012. Une telle méthode par laquelle l'administration a reconstitué le montant des produits imposables au regard des précédentes déclarations et admis en déduction les charges d'exploitations correspondantes ne saurait être regardée comme viciée dans son principe ou sommaire.

15. En premier lieu, il résulte du contrat de gérance mandat dont la réalité n'est pas contestée et en particulier de son article 2, que la SARL Sterling a accepté de gérer le fonds de commerce de la SARL OCE les Chouans en échange d'une rémunération représentant la moitié des bénéfices d'exploitation. La SARL Sterling soutient que l'administration a interprété de manière erronée le contrat de gérance en ajoutant aux résultats de la SARL Sterling, les recettes provenant de ce contrat qui ont été déterminées à la suite de la reconstitution des résultats de la SARL OCE les Chouans. Elle souligne que ce contrat stipule au contraire qu'elle verse une rémunération à la SARL OCE les Chouans et que ses crédits bancaires comprennent déjà les recettes issues de ce contrat. Toutefois, pour les exercices clos en 2012 et 2013, l'administration n'a pas pu distinguer les crédits bancaires qui relevaient de l'activité de gérance des autres activités de la SARL Sterling alors même que cette première activité aurait dû faire, en vertu de l'article 8 de ce contrat et contrairement à ce qu'elle soutient, l'objet d'une reddition des comptes. En se bornant à produire un extrait du grand livre pour l'exercice 2012 retraçant les mouvements comptables relatifs à l'exercice du contrat de gérance, la SARL Sterling, qui ne dispose donc pas d'une comptabilité régulière et probante, ne démontre pas d'une part, que l'activité de gérance-mandat pouvait être isolée de ses autres activités et, d'autre part, ne détermine pas quels crédits bancaires constitueraient des recettes liées au contrat de gérance alors qu'elle indique par ailleurs qu'elle disposait d'un second compte auprès d'un autre établissement bancaire et que son gérant utilisait également son compte bancaire personnel pour régler certaines factures. A cet égard, si la SARL Sterling reproche à l'administration de ne pas avoir pris en considération son second compte bancaire ainsi que le compte personnel de son gérant, elle ne démontre pas en quoi la prise en considération de ces comptes, dont elle ne produit en tout état de cause pas les relevés, aurait conduit à une diminution des bases imposables. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que l'administration n'a pas correctement apprécié le contrat de gérance-mandat et a, de ce fait, reconstitué les bases d'imposition en ne prenant pas en compte les conditions concrètes de fonctionnement de la SARL Sterling.

16. En deuxième lieu, la SARL Sterling ne démontre pas, par les pièces qu'elle verse au dossier, la réalité du montant des charges salariales et sociales ainsi que celles auprès des fournisseurs qu'elle invoque. Si la société soutient que l'administration aurait dû s'informer notamment auprès de l'URSSAF ainsi qu'à partir de l'état des créances produites à la liquidation, c'est à elle qu'il incombe de démontrer, en application des règles ci-dessus rappelées, que les charges dont elle fait état n'ont pas déjà été déduites au titre des exercices clos en 2011 ou en en 2012 et, s'agissant de l'exercice clos en 2013, qu'elles sont supérieures au taux forfaitaire de 30% attribué par le vérificateur. Pour justifier de l'insuffisante estimation des charges, la SARL Sterling se prévaut des extraits du grand livre des comptes pour 2012 et notamment les comptes relatifs au fournisseur France Boissons, au salaires et aux charges d'exploitations. Elle se borne toutefois à alléguer de la disproportion des chiffres retenus par l'administration par rapport aux comptes sans établir la réalité de la sous-estimation des charges pour 2012 alors même que pour cette année, le vérificateur s'est fondé sur les charges résultant de sa déclaration déposée hors délai. Enfin, et en tout état de cause, si elle note une surestimation des recettes et une sous-estimation des charges dans le cadre de la vérification de la comptabilité de la SARL OCE les Chouans dont le résultat a déterminé les recettes du contrat de gérance, elle n'établit pas le caractère exagéré des impositions mises à la charge de la SARL OCE les Chouans. Si elle fait valoir que le vérificateur a fait une moyenne d'achat des boissons en 2010 et 2012 pour déterminer le montant des achats en 2011 alors que l'hôtel les Chouans était fermé, cette circonstance à la supposer établie est sans incidence puisque les recettes provenant du contrat de gérance-mandat avec la SARL OCE les Chouans n'ont été ajoutées aux crédits bancaires de la SARL Sterling qu'au titre des années 2012 et 2013. Par ailleurs, si la SARL Sterling soutient que le vérificateur a pris en compte deux fois les factures de boissons, une fois dans les comptes de la SARL OCE les Chouans et une fois dans ceux de la SARL Sterling, il ressort des extraits du grand livre de la SARL Sterling qu'elle verse au dossier que ces factures concernent les " emballages " à rendre afférents aux factures de boissons issues de la vérification de la SARL OCE les Chouans. Ainsi, la société n'établit nullement que le montant des recettes du contrat de gérance pris en compte au titre des années 2013 et 2013 n'aurait pas été correctement évalué. Dans ces conditions, la SARL Sterling ne justifie pas du caractère exagéré des impositions mises à sa charge.

17. En troisième lieu, s'agissant du passif injustifié, la SARL Sterling ne démontre pas, par les pièces qu'elle verse au dossier, à savoir une facture du 20 décembre 2012 qui ne détaille pas la nature de la prestation en cause, des versements dont les montants ne corroborent pas le montant de cette facture et pour 2011 deux attestations du bénéficiaire supposé et la copie de quelques chèques, de la réalité des sommes qui auraient été versées à Michel Beny. Quant aux factures non fournies relatives à AG Conseils, elle n'apporte aucun commencement de preuve sur leur existence. Si la SARL Sterling se prévaut également de l'émission d'un avis à tiers détenteur (ATD) correspondant à une dette fiscale de 2012 sur le second compte de la SARL Sterling peu de temps avant le début du contrôle, il résulte de l'article 213 du code général des impôts que l'impôt sur les sociétés n'est pas admis dans les charges déductibles pour l'établissement de l'impôt. Dans ces conditions, la SARL Sterling ne démontre pas que c'est par erreur que l'administration a considéré ces sommes comme des passifs injustifiés et a réintégré les montants correspondants dans le résultat imposable.

18. En quatrième et dernier lieu, si la SARL Sterling se prévaut de l'existence d'une pluralité de maîtres de l'affaire, cette circonstance est sans incidence sur la détermination des bases d'imposition au titre de l'impôt pour les sociétés.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

19. En l'absence de toute comptabilité, l'administration a déterminé le chiffre d'affaires taxable à la taxe sur la valeur ajoutée à partir des recettes apparaissant sur les comptes bancaires de la société requérante. En l'absence de toute facture régulière, aucune taxe n'a été admise en déduction. Une telle méthode ne saurait être regardée comme viciée dans son principe ou sommaire.

20. La SARL Sterling n'apporte aucun élément probant sur la réalité de l'opération de portage qu'elle allègue entre le compte bancaire BNP Paribas détenu par une tierce société à laquelle la SARL Sterling serait associée et le compte bancaire Crédit agricole d'Ile-de-France de la SARL Sterling en raison de l'absence supposée de guichets bancaires du Crédit Agricole d'Ile-de-France en dehors de cette région. Par suite, elle ne démontre pas que ces versements sur le compte courant de la SARL Sterling constitueraient des opérations purement financières non soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. Par ailleurs, si elle soutient avoir réglé des factures à la place de la société SOGEREA, dont elle est associée, alors que la société SOGEREA, nouvellement créée, ne possédait pas encore de compte bancaire, elle ne l'établit pas en se bornant à produire une attestation de cette société dont les montants ne correspondent pas aux montants allégués dans la requête. Enfin, si la SARL Sterling conteste la prise en compte dans la détermination de la taxe à la valeur ajoutée due d'un chèque impayé, elle n'apporte pas la preuve qu'après une éventuelle restitution de ce chèque, celui-ci n'a pas pu être ultérieurement présenté et honoré auprès de la même banque ou sur le second compte bancaire de la société. Dans ces conditions, la SARL Sterling ne démontre pas que les montants dus au titre de la taxe sur la valeur ajoutée sont erronés.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Sterling n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Sterling est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Sterling et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président de chambre,

Mme Stenger, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2022.

La rapporteure,

Signé : C. C...Le président,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

2

N° 20NC03697


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03697
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : BERGER, THIRY Associés (BTA)

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-09;20nc03697 ?
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