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09/06/2022 | FRANCE | N°20NC00153

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 09 juin 2022, 20NC00153


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 14 mars 2017 par laquelle la directrice des ressources humaines du centre financier de La Poste de Strasbourg a refusé de lui accorder trois jours de réduction de sa durée annuelle de travail au titre des fonctions exposées à des facteurs de pénibilité pour 2016 et, à partir du 1er janvier 2017, de rétablir ses droits à réduction de la durée annuelle de travail au titre des fonctions exposées à la pénibilité.r>
Par un jugement n° 1701972 du 14 novembre 2019, le tribunal administratif de Str...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 14 mars 2017 par laquelle la directrice des ressources humaines du centre financier de La Poste de Strasbourg a refusé de lui accorder trois jours de réduction de sa durée annuelle de travail au titre des fonctions exposées à des facteurs de pénibilité pour 2016 et, à partir du 1er janvier 2017, de rétablir ses droits à réduction de la durée annuelle de travail au titre des fonctions exposées à la pénibilité.

Par un jugement n° 1701972 du 14 novembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision du 14 mars 2017 et a enjoint à la directrice des ressources humaines du centre financier de La Poste de Strasbourg d'octroyer à M. C... un jour de repos supplémentaire au titre de l'année 2016 et trois jours de repos supplémentaires au titre de l'année 2017, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2020, la société La Poste, représentée par Me Bellanger, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 novembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande de M. C... ;

3°) de mettre à la charge de M. C... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- il n'est pas établi que le jugement a été régulièrement signé ;

- le jugement ne mentionne pas que les conclusions du rapporteur public ont été entendues par la formation de jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les stipulations de l'accord collectif du 5 février 2015 étaient claires et exhaustives dès lors que les termes " IRT " ne vise pas une fonction mais un domaine ;

- il y a lieu d'appliquer la note SI-RH n°2016-003 du 18 janvier 2016 qui précise cet accord collectif et qui exclut du bénéfice du dispositif de " jours pénibilité sénior " le poste de pilote d'exploitation occupé par M. C... à compter du 1er janvier 2016

- La Poste n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en excluant M. C... de ce dispositif.

Par une lettre, enregistrée le 11 février 2020, M. A... C... s'en remet à la sagesse de la cour.

La Poste a produit une note en délibéré le 24 mai 2022, non communiquée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n°90-568 du 2 juillet 1990 ;

- la loi 2005-516 du 20 mai 2005 ;

- la convention collective du 5 février 2015 " Un avenir pour chaque postier " et son annexe 1 ;

- la note CORP-DRHRS-2015-0153 du 26 juin 2015 ;

- la note de service SI-RH n°2016.003 du 18 janvier 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Cortes, représentant la société La Poste.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., fonctionnaire qui a intégré le corps des techniciens des installations le 1er septembre 1982, a été titularisé dans le corps des agents techniques et de gestion à la suite de la reclassification du 1er juillet 1993. Par la voie de la reconnaissance des acquis professionnels, il a accédé au grade de cadre de premier niveau le 1er juillet 2016. A compter de cette date, il exerce les fonctions de pilote d'exploitation au sein du centre financier de La Banque Postale de Strasbourg, où il travaille depuis le 15 décembre 1989. Par un courrier du 7 mars 2017, il a demandé à la directrice des ressources humaines du centre financier de La Poste de Strasbourg le maintien de la réduction de sa durée annuelle de travail au titre des fonctions exposées à des facteurs de pénibilité dont il avait bénéficié à partir de 2015 en tant que technicien des services informatiques (SI). Par un courrier en date du 14 mars 2017, la directrice des ressources humaines du centre financier de La Poste de Strasbourg a rejeté sa demande. La société La Poste relève appel du jugement du 14 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision du 14 mars 2017 et a enjoint à la directrice des ressources humaines du centre financier de La Poste Strasbourg d'octroyer à M. C... un jour de repos supplémentaire au titre de l'année 2016 et trois jours de repos supplémentaires au titre de l'année 2017, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du troisième alinéa de l'article R. 732-1 ont été entendus. / Lorsque, en application de l'article R. 732-1-1, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions, mention en est faite. (...) ".

3. Il ne ressort d'aucune des mentions du jugement attaqué que les conclusions du rapporteur public ont été entendues au cours de l'audience du 14 novembre 2019 à laquelle a été portée la demande de M. C.... Ainsi, ce jugement ne fait pas la preuve que la procédure à l'issue de laquelle il a été prononcé a été régulière. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité soulevé par la société La Poste, il y a lieu d'annuler ce jugement.

4. Il y a lieu d'évoquer les conclusions présentées par M. C... en première instance et d'y statuer immédiatement.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 14 mars 2017 :

5. Aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom : " Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, qui comportent des dispositions spécifiques dans les conditions prévues aux alinéas ci-après, ainsi qu'à l'article 29-1. (...) ". En vertu de l'article 29-4 de la même loi : " A compter du 1er mars 2010, les corps de fonctionnaires de La Poste sont rattachés à la société anonyme La Poste et placés sous l'autorité de son président qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard. Ce dernier peut déléguer ses pouvoirs de nomination et de gestion et en autoriser la subdélégation dans les conditions de forme, de procédure et de délai déterminées par décret en Conseil d'Etat. / (...) Les personnels fonctionnaires de La Poste demeurent soumis aux articles 29 et 30 de la présente loi ". Aux termes de l'article 31-2 de cette même loi du 2 juillet 1990, introduit par la loi du 20 mai 2005 : " (...) La Poste recherche par la négociation et la concertation la conclusion d'accords avec les organisations syndicales dans tous les domaines sociaux afférents à l'activité postale (...) ". Aux termes de l'article III.3.3 intitulé " Octroi de jours de repos supplémentaires pour les postiers seniors occupant des fonctions exposées à des facteurs de pénibilité " de l'accord collectif du groupe La Poste du 5 février 2015 " Un avenir pour chaque postier " : " Les postiers de 55 ans et plus occupant des fonctions exposées à des facteurs de pénibilité, (fonctions listées en annexe 1, conformément à l'article III.1.3.2), se verront octroyer des jours de repos annuels supplémentaires selon le détail suivant : de 55 à 57 ans : 3 jours / (...) Le nombre de jours attribués au titre d'une année civile est arrêtée sur la base de l'âge constaté au 1er janvier de l'année considérée (...) ". A l'annexe 1 à cet accord collectif, qui liste les " fonctions à des facteurs de pénibilité ", est expressément portée, en ce qui concerne les services financiers, dans le domaine technique et informatique, la mention " IRT (informatique, réseau, téléphonie) ".

6. Pour refuser à M. C... le bénéfice de la réduction de sa durée annuelle de travail au titre des fonctions exposées à des facteurs de pénibilité, la directrice des ressources humaines du centre financier de La Poste de Strasbourg s'est fondée sur la note de service SI-RH n°2016.003 du 18 janvier 2016 et a opposé à l'intéressé l'absence de mention de ses fonctions de pilote d'exploitation de l'IRT dans la liste des emplois éligibles à ce dispositif.

7. M. C..., qui conteste la légalité de la note SI-RH n°2016-003 du 18 janvier 2016, soutient que ses fonctions en qualité de pilote d'exploitation de l'IRT du centre financier de La Banque Postale de Strasbourg, exercées à compter du 1er janvier 2016, lui ouvrait droit au bénéfice de jours de repos annuels supplémentaires pour pénibilité dès lors que l'IRT figure à l'annexe 1 de l'accord collectif du 5 février 2015.

8. Il résulte des dispositions précitées au point 5 que l'accord collectif " Un avenir pour chaque postier " du 5 février 2015 prévoit, pour tous les postiers de plus de cinquante-cinq ans, qui occupent des fonctions reconnues comme exposées à des facteurs de pénibilité, le bénéfice de trois à cinq jours de repos annuels supplémentaires selon leur âge. La liste des fonctions éligibles est détaillée en annexe de cet accord collectif. S'agissant des services financiers, dans le domaine technique et informatique, figure la mention relative à l'informatique, réseau, téléphonie (IRT). Par une note CORP-DRHRS-2015-0153 du 26 juin 2015, publiée au bulletin des ressources humaines, les conditions de mise en œuvre de l'accord social sont précisées. Il est indiqué que les postiers éligibles au bénéfice du dispositif de jours de repos supplémentaires sont les postiers de plus de cinquante-cinq ans occupant les fonctions listées en annexe de l'accord collectif et reprises en annexe de cette note. Le calcul du nombre de jours et les modalités de prises de ces jours de repos supplémentaires sont explicités dans cette note. Par une note SI-RH n°2016-003 du 18 janvier 2016, non publiée, sur laquelle est fondée la décision attaquée, la direction des ressources humaines du groupe La Poste précise les règles de gestion du dispositif d'octroi de jours pénibilité pour les séniors. Cette note précise les conditions d'extraction de la liste des agents éligibles des logiciels de gestion utilisés par les services de ressources humaines afin d'attribuer les droits aux jours de repos supplémentaires. Elle fixe en annexe une liste des " agents éligibles " pour l'année 2016, qui met à jour celle établie pour 2015 par la note SI-RH n°2015.067 du 13 mai 2015. Dans l'annexe de cette note du 18 janvier 2016, qui détaille les fonctions éligibles par niveau de grade et entité de travail, l'informatique, réseau, téléphonie (IRT) des centres financiers n'y apparaît plus. Dès lors, par sa note du 18 janvier 2016, la direction des ressources humaines ne se borne pas à préciser les conditions matérielles d'attribution des jours de repos supplémentaires aux postiers occupant des fonctions exposées à des facteurs de pénibilité mais restreint la liste des fonctions reconnues exposées à des facteurs de pénibilité à La Poste établie par l'accord social du 5 février 2015 précité et reprise par la note du 26 juin 2015. Par suite, cette note du 18 janvier 2016 a méconnu les dispositions de l'accord collectif relatives au bénéfice de ces jours de repos supplémentaires, en tant qu'elles s'appliquent aux agents publics qui en relèvent. En visant seulement l'IRT, l'accord collectif du 5 février 2015, qui est suffisamment clair et pour lequel son interprétation ne soulève pas de difficulté sérieuse, a intégré dans le dispositif de pénibilité en cause l'ensemble des emplois relevant de ce domaine. Cette note du 18 janvier 2016 ne pouvait ainsi légalement exclure les postes relevant de l'IRT de la liste des fonctions éligibles au dispositif en cause, établie par l'accord collectif du 5 février 2015 où figure l'IRT. Il s'ensuit que M. C... est fondé à demander l'annulation de la décision du 14 mars 2017 lui refusant le bénéfice du dispositif de jours de repos annuels supplémentaires pour pénibilité pour les postiers séniors.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen d'annulation, que M. C... est fondé à demander l'annulation de la décision du 14 mars 2017.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

10. Le présent arrêt, qui annule la décision refusant de faire droit à la demande présentée par M. C... tendant à l'octroi de trois jours de congés supplémentaires au titre de l'année 2016 et de le rétablir dans ses droits à compter du 1er janvier 2017, implique nécessairement que la société La Poste procède à la régularisation de la situation de M. C... en lui faisant bénéficier du dispositif d'octroi de jours supplémentaires de congés pour les séniors occupant des fonctions reconnues comme exposées à la pénibilité. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la société La Poste d'attribuer à M. C... le nombre de jours de congés supplémentaires en application de l'article III.3.3 de l'accord collectif du 5 février 2015 au titre de l'année 2016, eu égard notamment à son âge et à sa quotité de travail effectif, et de le rétablir dans ses droits à compter du 1er janvier 2017, et ce dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société La Poste demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société La Poste une somme de 100 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 14 novembre 2019 et la décision de la directrice des ressources humaines du centre financier de La Poste de Strasbourg du 14 mars 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la société La Poste d'attribuer à M. C... le nombre de jours de congés supplémentaires auquel il a droit en application de l'article III.3.3 de l'accord collectif du 5 février 2015 au titre de l'année 2016 et de le rétablir dans ses droits à compter du 1er janvier 2017 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : La société La Poste versera à M. C... la somme de 100 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par la société La Poste est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société La Poste et à M. A... C....

Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Lambing, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2022.

La rapporteure,

Signé : S. B... Le président,

Signé : J. MARTINEZ

La greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

2

N° 20NC00153


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00153
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : HMS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-09;20nc00153 ?
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