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02/06/2022 | FRANCE | N°21NC03364

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 02 juin 2022, 21NC03364


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant un délai d'un an.

Par un jugement n° 2106346 du 24 septembre 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant un délai d'un an.

Par un jugement n° 2106346 du 24 septembre 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2021, M. D..., représenté par Me Stella, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 septembre 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 14 septembre 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été adoptée par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dans la mesure où il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux et de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est insuffisamment motivée dans la mesure où la préfète n'a pas pris en considération l'ensemble de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle n'a pas été régulièrement notifiée en méconnaissance de l'article L. 613-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dans la mesure où elle est fondée sur l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il entre dans le champ de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 et aurait dû être transféré en Italie ;

- elle est entachée d'une erreur de fait au regard de sa situation personnelle et familiale ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à sa relation avec une ressortissante française ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'incompétence ;

- elle n'a pas été régulièrement notifiée en méconnaissance de l'article L. 613-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation quant au risque de fuite ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée en fait ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée dans la mesure où la préfète du Bas-Rhin n'a pas pris en compte tous les critères du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation quant aux circonstances humanitaires ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il n'a fait l'objet d'aucune précédente mesure d'éloignement, ne constitue pas une menace à l'ordre public, est présent en France depuis trois ans et a des liens importants avec la France ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à sa situation familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2022, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code des relations entre le public et m'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., né le 5 avril 1999 à Tunis (Tunisie), de nationalité tunisienne, déclare être entré irrégulièrement en France en 2019. Il a été interpelé, le 14 septembre 2021, par la police allemande qui l'a remis aux autorités françaises qui l'ont placé en rétention administrative. Par un arrêté du même jour, la préfète du Bas-Rhin l'obligeait à quitter le territoire français sans délai, fixait le pays de destination et lui interdisait de revenir sur le territoire français pendant un délai d'un an. M. D... relève appel du jugement du 24 septembre 2021 par lequel la magistrate désignée par le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 14 septembre 2021.

Sur l'arrêté du 14 septembre 2021 pris dans son ensemble :

2. D'une part, l'arrêté contesté est signé par M. A... C..., directeur par intérim des migrations et de l'intégration. La préfète du Bas-Rhin a délégué sa signature à M. C..., par un arrêté du 31 août 2021 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour pour signer tous les actes relevant des attributions de la direction des migrations et de l'intérieur, à l'exclusion de certaines matières étrangères au présent contentieux. Dans les termes où elle est rédigée, la délégation de signature dont justifiait M. C... pour prendre l'arrêté en litige, qui n'excluait pas les décisions concernant le séjour et l'éloignement des étrangers, était définie avec une précision suffisante. Par conséquent, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions contestées doit être écarté.

3. D'autre part, l'arrêté en litige mentionne de manière suffisante et non stéréotypée les considérations de droit et de fait sur lesquelles la préfète du Bas-Rhin s'est fondée afin de prendre à l'encontre de M. D... les décisions qu'il comporte. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation des décisions contestées doit être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ".

5. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne C-383/13 PPU du 10 septembre 2013, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision.

6. M. D... soutient que ses observations n'ont pas été recueillies par l'autorité préfectorale quant à la procédure qu'elle entendait mettre en œuvre. Ce faisant, il fait valoir que son droit d'être entendu a été méconnu en ce qu'il n'a pas pu faire valoir utilement son droit de formuler des observations. Toutefois, d'une part, il ressort du procès-verbal de son audition aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour du 14 septembre 2021 qu'il a pu présenter à cette occasion des observations en lien avec sa situation personnelle et administrative. D'autre part, il ne précise pas en quoi il disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle qu'il a été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure d'éloignement qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 41 de la charte susvisée ne peut qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, la circonstance que la préfète du Bas-Rhin n'ait pas fait état dans sa décision d'un justificatif de domicile, alors qu'il n'est nullement démontré que le requérant ait produit cette pièce à l'autorité préfectorale préalablement à l'édiction de cette décision, n'est pas de nature à démontrer que la préfète n'aurait pas procédé à un examen complet et approfondi de sa situation personnelle. Dès lors et au regard de l'ensemble des pièces du dossier, le moyen tiré de l'absence d'un tel examen doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 613-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une décision portant obligation de quitter le territoire français est également informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments, traduits dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, des décisions qui lui sont notifiées en application des chapitres I et II. ".

9. M. D... soutient que la notification de la décision contestée n'a pas respecté les dispositions précitées. Toutefois, les conditions de notification d'une décision administrative sont sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la notification doit être écarté comme inopérant.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; / (...) ". Selon l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) c) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29 le ressortissant de pays tiers ou l'apatride qui a retiré sa demande en cours d'examen et qui a présenté une demande dans un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ;(...) "

11. M. D... soutient qu'il aurait dû être transféré aux autorités italiennes auprès desquelles il aurait déposé ses empreintes et qu'il aurait déjà fait l'objet de deux transferts en 2019 et 2020. Toutefois, il a déclaré, lors de l'audition aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour du 14 septembre 2021, demeurer en France depuis quatre ans sans avoir fait aucune démarche pour régulariser sa situation, ni avoir fait l'objet d'une procédure de transfert vers un autre Etat membre. Il n'apporte ainsi aucun commencement de preuve au soutien de ses allégations et n'établit pas, en tout état de cause, que l'Italie demeurerait l'Etat membre responsable de l'examen de sa situation. Dans ces conditions, M. D... ne démontre ni, en tout état de cause, que la préfète aurait dû procéder à une comparaison de ses empreintes, ni qu'il relèverait du c) de l'article 18 du règlement n° 604/2013. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il n'entrait pas dans le champ de l'article L. 611-1 précité.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. M. D... soutient dans sa requête être entré irrégulièrement en France en 2019, soit depuis moins de trois ans à la date de la décision en litige et n'a depuis lors initié aucune démarche pour régulariser sa situation. S'il se prévaut d'une relation avec une ressortissante française et indique qu'ils souhaitent se fiancer en 2022, la relation est récente à la date de l'arrêté litigieux et le couple ne réside pas à la même adresse puisque M. D... atteste être hébergé en date du 15 septembre 2021 en région parisienne par un tiers. Ainsi, il n'établit pas, par les pièces versées au dossier, le caractère stable et sérieux de cette relation. Par ailleurs, il n'établit pas, par la seule production de témoignages de connaissances et amis résidant en France et établis pour les besoins de la cause, avoir fixé sur le territoire français le centre de ses intérêts privés sur le territoire français et il ne justifie notamment d'aucune expérience associative ou professionnelle en France. En outre, il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 20 ans. Par suite, la préfète n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. D... au regard des buts en vue desquels la décision contestée a été prise. M. D... n'est donc pas fondé à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. En sixième et dernier lieu, pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être exposées, la préfète du Bas-Rhin, qui n'est pas tenue de relever toutes les circonstances de fait dans sa décision, n'a donc pas entaché celle-ci d'une erreur de fait en estimant que M. D... n'aurait pas fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux.

Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire :

15. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une décision portant obligation de quitter le territoire français est également informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments, traduits dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, des décisions qui lui sont notifiées en application des chapitres I et II. ".

16. M. D... soutient que la notification de la décision contestée n'a pas respecté les dispositions précitées. Toutefois, les conditions de notification d'une décision administrative sont sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la notification doit être écarté comme inopérant.

17. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre le refus de délai de départ volontaire.

18. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) ; / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Selon l'article L. 612-3 u même code : " (...) le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) ".

19. M. D... soutient qu'il dispose d'un document de voyage en cours de validité, à savoir son passeport tunisien, d'une attestation d'hébergement chez un tiers et se prévaut de sa relation avec une ressortissante française pour justifier qu'il a une résidence stable en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. D... est entré irrégulièrement en France où il s'est maintenu irrégulièrement sans tenter de régulariser sa situation. Dès lors, entrant dans le champ des 1° et 2° de l'article L. 612-3 précité, le risque de fuite de M. D... peut être regardé comme établi nonobstant sa relation alléguée avec une ressortissante française et son attestation d'hébergement. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'une erreur d'appréciation quant au risque de fuite.

Sur la décision fixant le pays de destination :

20. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

21. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L.612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace

pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. "

22. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

23. Il ressort des énonciations de l'arrêté contesté que sa motivation atteste de la prise en compte par la préfète du Bas-Rhin, au vu de la situation du requérant, de l'ensemble des critères prévus par la loi, y compris la durée de son séjour et la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France. La circonstance que la motivation ne fait expressément référence ni à la durée de son séjour le territoire français, alors que la date d'entrée en France alléguée de l'intéressé est mentionnée, ni à l'absence de précédente mesure d'éloignement, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité cette motivation. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la motivation doit être écarté.

24. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

25. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. "

26. Ainsi qu'il a été dit au point 13, M. D... ne justifie pas avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 612-6 précité.

27. En quatrième lieu, il ressort des termes de la décision contestée que la préfète du Bas-Rhin a fixé la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français à un an en prenant en compte que M. D... est entré et s'est maintenu irrégulièrement en France et n'établit pas l'intensité de ses liens avec la France. Si M. D... se prévaut de la durée de sa présence en France et de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, il ressort de ce qui a été dit au point 13 que l'intensité de ses liens privés et familiaux en France n'est pas établie. Par ailleurs, s'il soutient qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public et n'a fait l'objet d'aucune précédente mesure d'éloignement, ces seules circonstances ne suffisent pas à établir que la préfète du Bas-Rhin aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant à l'encontre de M. D... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Dès lors, ce moyen doit être écarté.

28. Pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées au point 13, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

29. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Samson-Dye, présidente,

Mme Lambing, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2022.

La rapporteure,

Signé : C. B...La présidente,

Signé : A. SAMSON-DYELa greffière,

Signé : S. BLAISE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

2

N° 21NC03364


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC03364
Date de la décision : 02/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : STELLA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-02;21nc03364 ?
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