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02/06/2022 | FRANCE | N°21NC02228

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 02 juin 2022, 21NC02228


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2101094 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 août 2021, M. A..., représenté par Me Rudloff, demande à la cour :


1°) d'annuler ce jugement du 23 mars 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 29 janvier 2021 ;

3°) d'en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2101094 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 août 2021, M. A..., représenté par Me Rudloff, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 mars 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 29 janvier 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'administration n'a pas instruit sa demande d'admission au séjour pour raisons médicales ; il n'est pas établi qu'il ait été informé de la possibilité de solliciter concomitamment à sa demande d'asile un titre de séjour pour raisons médicales en application de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen personnalisé de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle eu égard au parcours et à ses efforts d'intégration en France ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 29 septembre 2000 à Conakry (Guinée), de nationalité guinéenne, déclare être entré en France le 14 septembre 2019 afin d'y solliciter l'asile. Sa demande a toutefois été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) le 13 décembre 2019 que par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 11 décembre 2020. Par un arrêté du 29 janvier 2021, la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 23 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Tout d'abord, aux termes de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, l'invite à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 511-4, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour ". Selon les termes de

l'article R. 311-37 du même code : " Lors de l'enregistrement de sa demande d'asile, l'administration remet à l'étranger, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, une information écrite relative aux conditions d'admission au séjour en France à un autre titre que l'asile et aux conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements que ceux qu'il aura invoqués dans le délai prévu à l'article D. 311-3-2 ". Enfin, l'article D. 311-3-2 dispose que : " Pour l'application de l'article L. 311-6, les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois. Toutefois, lorsqu'est sollicitée la délivrance du titre de séjour mentionné au 11° de l'article L. 313-11, ce délai est porté à trois mois. ".

3. Ensuite, l'article L. 511-1 du même code dispose : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° ; (...) "

4. Enfin, aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". L'article R. 511-1 du même code prévoit que : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ". Aux termes de l'article 9 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui, dans le cadre de la procédure prévue aux titres I et II du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sollicite le bénéfice des protections prévues au 10° de l'article L. 511-4 ou au 5° de l'article L. 521-3 du même code est tenu de faire établir le certificat médical mentionné au deuxième alinéa de l'article 1er. (...) "

5. Il ressort des pièces du dossier et notamment d'un courrier de la préfecture du 18 janvier 2021, antérieur à la décision en litige, que M. A... avait rendez-vous en préfecture le 2 février afin de solliciter un titre de séjour pour raisons médicales. Toutefois le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative adopte une décision obligeant un étranger étant en situation irrégulière à la date de cette demande à quitter le territoire français. En l'espèce, M. A... ne bénéficie plus du droit de se maintenir en France en application du 6° de l'article L. 511-1 précité. Par conséquent, la circonstance qu'un refus lui a été opposé lors de ce rendez-vous dans la mesure où sa demande de titre pour raison de santé était tardive en vertu des dispositions précitées des articles L. 311-6 et D. 311-3-2 et ne pouvait être traitée, est sans incidence, par elle-même, sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français nonobstant l'absence alléguée d'informations relatives aux conditions d'admission sur un autre titre que l'asile lors du dépôt de sa demande d'asile, en vertu des dispositions précitées de l'article R. 311-37.

6. Par ailleurs, il résulte des dispositions citées au point 4 que dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis laissant craindre qu'un étranger en situation irrégulière ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement en raison de son état sanitaire, l'autorité préfectorale doit préalablement et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

7. Si M. A... entendait solliciter la délivrance d'un titre de séjour pour des raisons de santé, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision en litige, la préfète du Bas-Rhin disposait d'éléments d'information suffisamment précis pour considérer que l'intéressé ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement en raison de son état de santé. Par suite, la préfète n'était pas tenue de recueillir l'avis du collège des médecins avant de prendre l'arrêté contesté.

8. Enfin, il ne ressort pas de l'attestation de suivi psychologique, établie le 27 novembre 2019, que l'état de santé M. A... nécessiterait un suivi médical, ni que ce suivi ne pourrait pas être poursuivi en Guinée le cas échéant. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnait le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de la décision attaquée que la préfète du Bas-Rhin n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est présent sur le territoire français depuis moins de deux ans à la date de la décision en litige. S'il soutient avoir fait l'objet de violences en Guinée en raison de l'engagement politique de son frère, il ne verse au dossier aucun élément de nature à l'établir et sa demande d'asile a été rejetée tant par l'OFPRA que par la CNDA. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit, le seul certificat médical qu'il verse au dossier ne permet pas d'établir qu'il serait suivi régulièrement pour des troubles psychologiques. En outre, s'il est scolarisé, souhaite obtenir un certificat d'aptitude professionnelle en tant que cuisinier et s'investit dans le domaine associatif, ces éléments ne sont pas, à eux seuls, de nature à justifier une intégration particulière au sein de la société française. Enfin, dépourvu de toute attache familiale sur le territoire français, il n'établit pas être dépourvu de tout lien familial ou amical en Guinée où il a vécu, selon ses déclarations, jusqu'à l'âge de 16 ans. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour, il n'est pas établi que la préfète du Bas-Rhin a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. Si M. A... soutient qu'il encourt des risques graves et personnels en cas de retour en Guinée en raison de l'engagement politique de son frère, il n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité et l'actualité des risques allégués, alors notamment que sa demande d'asile a été rejeté tant par l'OFPRA que par la CNDA. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Samson-Dye, présidente,

Mme Lambing, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2022.

La rapporteure,

Signé : C. B...La présidente,

Signé : A. SAMSON-DYELa greffière,

Signé : S. BLAISE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

2

N° 21NC02228


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02228
Date de la décision : 02/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : RUDLOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-02;21nc02228 ?
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