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19/05/2022 | FRANCE | N°21NC01701

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 19 mai 2022, 21NC01701


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler d'une part, l'arrêté du 22 avril 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a décidé de le réadmettre en Pologne et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français pendant une durée d'un an et d'autre part, la décision du 27 avril 2021 portant assignation à résidence.

Par un jugement n° 2103092 du 12 mai 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Procédu

re devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 11 juin 2021 sous le numéro 21NC01701...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler d'une part, l'arrêté du 22 avril 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a décidé de le réadmettre en Pologne et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français pendant une durée d'un an et d'autre part, la décision du 27 avril 2021 portant assignation à résidence.

Par un jugement n° 2103092 du 12 mai 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 11 juin 2021 sous le numéro 21NC01701, M. D..., représenté par Me Airiau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 12 mai 2021 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 22 avril 2021 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75-I de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant réadmission en Pologne :

- elle est insuffisamment motivée en droit ;

- elle est entachée d'une erreur de droit résultant d'une confusion entre les notions de qualité de réfugié et de statut de réfugié ; la qualité de réfugié ne correspond pas à la notion de " toute autorisation de quelque nature que ce soit délivrée par une Partie Contractante donnant droit au séjour sur son territoire " prévue à l'article 2, paragraphe 5 de l'accord relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, signé à Bruxelles le 29 mars 1991 ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article 2 de l'accord du 29 mars 1991 ;

- il n'est pas justifié que l'administration a saisi les autorités polonaises avant la réadmission ;

- la préfète a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle a également commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision prononçant une interdiction de circulation sur le territoire français :

- elle est illégale en raison des illégalités qui entachent la décision de réadmission ;

- la préfète a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle a également commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

Par une ordonnance en date du 21 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mars 2022 à 12h00.

La préfète du Bas-Rhin a adressé à la cour un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2022 et non communiqué.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 août 2021.

II. Par une requête enregistrée le 11 juin 2021 sous le numéro 21NC01702, M. D..., représenté par Me Airiau, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 12 mai 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'à ce qu'il soit statué par la cour sur le recours au fond ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75-I de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 12 mai 2021 risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables, dès lors que ses moyens sont sérieux.

La préfète du Bas-Rhin n'a pas produit de défense.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 août 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D..., né le 11 avril 1983, est de nationalité russe. Le 30 septembre 2008, les autorités polonaises lui ont octroyé la qualité de réfugié. Le 29 décembre 2011, il est entré irrégulièrement sur le territoire français afin d'y déposer une demande d'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Le 7 septembre 2018, l'intéressé a sollicité son admission au séjour eu égard à ses problèmes de santé. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rendu un avis défavorable le 5 septembre 2019. Par un arrêté du 22 avril 2021, notifié le 28 avril 2021, la préfète du Bas-Rhin a prononcé sa réadmission à destination de la Pologne et une interdiction de circulation d'un an sur le territoire français et le 27 avril 2021, elle lui a notifié une décision l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Le 28 avril 2021, le requérant a déposé une demande de réexamen de sa demande d'asile auprès de l'OFPRA, qui l'a rejetée en raison de son irrecevabilité. Par deux requêtes distinctes, qu'il y a lieu de joindre, M. D... d'une part, relève appel du jugement du 12 mai 2021 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 22 avril 2021 et d'autre part, sollicite le sursis à exécution de ce jugement.

Sur les conclusions de la requête n° 21NC01701 tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 avril 2021:

2. Aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. La décision de réadmission attaquée, après avoir visé le règlement n°2016/399 du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes, se borne à mentionner les I et II de l'article L. 531-1 et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette même décision indique dans son deuxième considérant que : " l'intéressé s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par les autorités polonaises ; que cette qualité n'a pas cessé de lui être reconnue ; que les autorités polonaises ne s'opposent pas à la réadmission, sur leur territoire, de l'intéressé ; que par conséquent, il y a lieu de prononcer une décision de remise aux autorités polonaises de M. D... A... en application de l'article L. 531-1 I du code précité et des accords liés à la convention Schengen ". En raison du caractère général de ces mentions qui ne font pas référence à la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 ni aux dispositions de l'article 2 de l'accord relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, signé à Bruxelles le 29 mars 1991, qui concernait pourtant la situation du requérant et qui ne précisent pas ce qu'il faut entendre par " accords liés à la convention Schengen ", la décision contestée ne comporte pas, de manière suffisante, l'énoncé des considérations de droit tel qu'exigé par les dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration susvisées. Il s'ensuit que la décision de réadmission, insuffisamment motivée en droit, doit être annulée.

4. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français pendant une durée d'un an prise à l'encontre du requérant édictée par la préfète du Bas-Rhin le 22 avril 2021.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 22 avril 2021.

Sur les conclusions de la requête n° 21NC01702 tendant au sursis à exécution du jugement du 12 mai 2021 du tribunal administratif de Strasbourg :

6. Le présent arrêt se prononce sur le fond de la requête à fin d'annulation du jugement attaqué. Dès lors, les conclusions à fin de sursis à exécution de ce jugement ont perdu leur objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.

Sur les frais de l'instance :

7. M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Airiau, avocat de M. D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Airiau de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par M. D... dans la requête enregistrée sous le n° 21NC01702.

Article 2 : L'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 22 avril 2022 et le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 12 mai 2021 sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera à Me Airiau une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Airiau renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

Mme Stenger, première conseillère,

Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mai 2022.

La rapporteure,

Signé : L. C...

Le président,

Signé : M. B... La greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

N° 21NC01701, 21NC01702 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01701
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : AIRIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-05-19;21nc01701 ?
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