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19/05/2022 | FRANCE | N°20NC03741

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 19 mai 2022, 20NC03741


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 5 juin 2019 B... laquelle le chef de service des ressources humaines de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a refusé l'aménagement de ses heures de travail pour allaitement, ainsi que la décision du 9 juillet 2019 rejetant son recours gracieux.

B... un jugement n° 1906259 du 8 octobre 2020 le tribunal administratif de Strasbourg a reje

té sa demande.

Procédure devant la cour :

B... une requête enregistrée l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 5 juin 2019 B... laquelle le chef de service des ressources humaines de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a refusé l'aménagement de ses heures de travail pour allaitement, ainsi que la décision du 9 juillet 2019 rejetant son recours gracieux.

B... un jugement n° 1906259 du 8 octobre 2020 le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

B... une requête enregistrée le 22 décembre 2020, Mme D... E..., représentée B... Me Deschildre, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 8 octobre 2020 ;

2°) d'annuler les deux décisions du 5 juin et du 9 juillet 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. F..., en sa qualité de chef des services des ressources humaines, n'avait pas compétence pour prendre la décision en litige du 5 juin 2019, laquelle ne fait aucunement mention de la délégation de pouvoir qui lui aurait été accordée ; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il a signé la décision du 9 juillet 2019 pour le compte de la directrice de la DIRECCTE ;

- les décisions contestées méconnaissent l'article 10 de la convention n°183 de l'organisation internationale du travail (OIT), l'article L. 1225-30 du code du travail et la circulaire interministérielle FP/4 n°1864 du 9 août 1995 qui prévoit un droit à l'allaitement, laquelle présente un caractère impératif ;

- ces décisions contreviennent au droit des femmes à allaiter et le droit des enfants à être allaités ;

- elle est victime d'une illégalité de traitement dès lors qu'une inspectrice du travail de l'unité départementale du Haut-Rhin a pu bénéficier d'une heure d'autorisation d'absence B... jour aux fins d'allaiter ses deux enfants en 2012 et 2017 ;

- c'est à tort que le chef de service des ressources humaines indique dans les décisions contestées qu'elle ne dispose pas d'un " domicile voisin " ; elle conteste le temps d'accès à son véhicule ainsi que le temps d'allaitement retenus B... son employeur de sorte qu'elle avait le temps nécessaire pour allaiter son enfant en une demi-heure ;

- les décisions critiquées méconnaissent le préambule de l'accord sur l'égalité de traitement et la lutte contre les discriminations dans les services du ministère chargé du travail et de l'emploi du 9 mai 2017, lequel présente un caractère règlementaire ;

- elles violent l'article 46 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique ;

- ces décisions, qui présentent un caractère discriminatoire et portent atteinte à la liberté fondamentale du droit à l'allaitement, ne peuvent pas être regardées comme des mesures d'ordre intérieur insusceptible de faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir ;

- le droit à l'allaitement constitue un principe général du droit.

La requête a été communiquée au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 11 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique ;

- la circulaire interministérielle FP/4 n°1864 du 9 août 1995 relative au congé de maternité ou d'adoption et aux autorisations d'absence liées à la naissance pour les fonctionnaires et agents de l'Etat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stenger, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... est secrétaire administrative au service " section centrale travail " de l'unité départementale du Haut-Rhin de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). Le 29 juin 2018, elle a donné naissance à son premier enfant. Le 15 novembre 2018, dans la perspective de sa reprise du travail le 3 décembre 2018, elle a sollicité de son employeur l'autorisation de bénéficier de deux " pauses allaitement " quotidiennes d'une demi-heure chacune. Le responsable de l'unité départementale du Haut-Rhin lui a accordé le bénéfice de ces pauses afin qu'elle puisse recueillir son lait dans son bureau. Cette autorisation a ensuite été renouvelée B... sa cheffe de service, qui l'a autorisée à poursuivre l'allaitement de son enfant B... le biais d'aménagements horaires, entre le 11 mars et le 1er juillet 2019, à raison d'une " pause allaitement " effectuée le matin sur son lieu de travail permettant le recueil du lait maternel et la possibilité pour l'intéressée de quitter son travail plus tôt dans l'après-midi pour se rendre à son domicile, en échange d'une compensation horaire régularisée postérieurement. Le 5 juin 2019, Mme E... a sollicité le renouvellement de cet aménagement horaire jusqu'au sevrage de son enfant. B... une décision du même jour, le chef de service des ressources humaines de la DIRECCTE a rejeté sa demande en tant qu'elle sollicitait un aménagement horaire lui permettant de se rendre à domicile dans l'après-midi au motif qu'il nécessitait un déplacement non prévu B... la circulaire FP/4 n°1864 du 9 août 1995 portant sur les autorisations d'absence la naissance pour les fonctionnaires. Il a toutefois accordé à l'intéressée la possibilité de recueillir son lait durant le temps de travail dans la limite d'une heure B... jour. Le recours gracieux de l'intéressée, exercé le 1er juillet 2019, a été rejeté B... une décision du 9 juillet 2019. Mme E... relève appel du jugement du 8 octobre 2020 B... lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur la recevabilité de la demande :

2. D'une part, Mme E... ne saurait utilement soutenir que les décisions contestées méconnaissent l'article 10 de la convention n°183 de l'organisation internationale du travail qui n'a pas été ratifiée B... la France et n'est donc pas opposable ni l'article L. 1225-30 du code du travail qui ne s'applique pas aux fonctionnaires de l'Etat. Elle ne saurait également invoquer la méconnaissance, B... les décisions en litige, de l'article 46 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique qui est entré en vigueur postérieurement aux décisions contestées ni d'ailleurs les dispositions du préambule de l'accord sur l'égalité de traitement et la lutte contre les discriminations dans les services du ministère chargé du travail et de l'emploi du 9 mai 2017 qui, contrairement à ce qu'elle affirme, ne présente pas de caractère règlementaire. Enfin, pour estimer illégales les deux décisions litigieuses, Mme E... soutient qu'elles méconnaissent le principe général du droit à l'allaitement pendant les heures du travail dont s'inspirent les textes précités. Toutefois, il ne ressort pas de ces textes qu'il existerait un principe général du droit à l'allaitement pendant les heures de travail dont ils s'inspireraient. B... suite, l'ensemble de ces moyens doit être écarté comme inopérant.

3. D'autre part, aux termes de la circulaire interministérielle FP/4 n°1864 du 9 août 1995 relative au congé de maternité ou d'adoption et aux autorisations d'absence liées à la naissance pour les fonctionnaires et agents de l'Etat : " B) Allaitement./ Restent applicables en ce domaine les dispositions de l' instruction 7 du 23 mars 1950 (6) dont les termes sont rappelés ci-après : " Il n'est pas possible, en l'absence de dispositions particulières d'accorder d'autorisations spéciales aux mères allaitant leurs enfants, tant en raison de la durée de la période d'allaitement que de la fréquence des absences nécessaires. Toutefois, les administrations possédant une organisation matérielle appropriée à la garde des enfants devront accorder aux mères la possibilité d'allaiter leur enfant. À l'instar de la pratique suivie dans certaines entreprises, les intéressées bénéficieront d'autorisations d'absence, dans la limite d'une heure B... jour à prendre en deux fois. / Des facilités de service peuvent être accordées aux mères en raison de la proximité du lieu où se trouve l'enfant (crèche ou domicile voisin, etc.) ". Il résulte de ces dispositions que la possibilité donnée aux mères, fonctionnaires de l'Etat, de pouvoir allaiter leur enfant n'est accordée que si l'administration possède une organisation matérielle appropriée à la garde des enfants. Des facilités de service peuvent en outre être accordées uniquement si l'enfant est gardé à proximité du lieu de travail. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que les services de l'unité départementale du Haut-Rhin de la DIRECCTE comportaient " une organisation matérielle appropriée à la garde des enfants ". B... ailleurs, contrairement à ce qu'elle affirme, Mme E... ne saurait soutenir qu'elle devait bénéficier de facilités de services au motif que son domicile est voisin de son lieu de travail, alors qu'il est constant qu'il est situé à plus d'un kilomètre de son bureau et que pour s'y rendre elle doit prendre sa voiture. B... suite, la requérante ne peut, pour soutenir qu'elle avait droit à un aménagement horaire pour allaiter, valablement invoquer les dispositions précitées de la circulaire précitée du 9 août 1995. Enfin, Mme E... ne saurait soutenir que les décisions en litige porteraient atteinte au principe d'égalité de traitement et au principe de non-discrimination qui exigent que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente dès lors qu'elle n'établit pas être dans une situation identique à celle de Mme A..., inspectrice du travail de l'unité départemental de la DIRECCTE du Haut-Rhin qui a bénéficié d'une heure d'autorisation d'absence B... jour aux fins d'allaiter ses deux enfants en 2012 et 2017. Dans ces conditions, les décisions en litige, refusant d'accorder à Mme E... un aménagement horaire lui permettant de se rendre à domicile dans l'après-midi pour allaiter son enfant, qui ne portent aucune atteinte à ses droits statutaires et à ses droits et libertés fondamentaux, revêtent le caractère de mesures d'ordre intérieur qui ne sont pas susceptibles de recours devant le juge de l'excès de pouvoir. B... suite, la demande de Mme E... présentée devant le tribunal administratif était irrecevable et ne pouvait qu'être rejetée.

4. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, B... le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande comme irrecevable.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Les dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, des sommes au titre des frais d'instance et des dépens. B... suite, les conclusions présentées sur ce point B... Mme E... doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... et au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Copie sera adressée au préfet de la région Grand Est.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

Mme Stenger, première conseillère,

Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public B... mise à disposition au greffe, le 19 mai 2022.

La rapporteure,

Signé : L. STENGER Le président,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

2

N° 20NC03741


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03741
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : DESCHILDRE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-05-19;20nc03741 ?
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