Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'une part, d'annuler l'arrêté du 30 mai 2018 par lequel le préfet de la zone de défense et de sécurité Est a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 21 janvier 2018 et d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une somme en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi.
Par un jugement n° 1803797 du 13 octobre 2020 le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 décembre 2020, M. D... C..., représenté par Me Ferry Bouillon, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 octobre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 mai 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet de la zone de défense et de sécurité Est a commis une erreur sur la qualification juridique des faits en considérant que la pathologie dont il souffre est sans lien avec le service ; le rapport de l'enquête administrative diligentée par l'inspection générale de la police nationale (IGPN) a mis en évidence que le comportement suicidaire de M. A... est dû à un contexte professionnel délétère et à la décision inopportune de le changer de poste en l'affectant à la brigade de Freyming-Merlebach ;
- le suicide de M. A... étant un accident de service, sa dépression réactionnelle est par conséquent un accident de service ;
- il n'a commis aucune faute professionnelle qui l'empêcherait de bénéficier de l'imputabilité au service de sa pathologie ;
- il subit un préjudice psychologique ainsi qu'un préjudice de carrière ;
- il a produit un certificat médical de son psychiatre qui atteste du lien entre sa dépression et le suicide de son collègue ; la seule circonstance que ce certificat ne soit pas signé est sans incidence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stenger, première conseillère,
- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Evrard, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... C... a intégré la police nationale en 1999. Il est titularisé dans le corps d'encadrement et d'application de la police nationale, au grade de brigadier-chef. Le 21 janvier 2018, alors qu'il était à son domicile en repos légal, il a appris téléphoniquement le suicide de l'un de ses collègues. Le 7 février 2018, il a sollicité des services du préfet de la zone de défense et de sécurité Est la reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident consistant en un syndrome anxio-dépressif réactionnel à ce suicide qu'il aurait développé le jour même de son annonce. Par un arrêté du 30 mai 2018, le préfet de la zone de défense et de sécurité Est a refusé de faire droit à sa demande. M. C... relève appel du jugement du 13 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de cet arrêté et à l'indemnisation de son préjudice moral.
Sur la légalité de la décision attaquée :
2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. (...) / Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue maladie. ". Et aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé (...). / L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° du I de l'article L. 24 du présent code. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... présente un état dépressif réactionnel, constaté par plusieurs certificats d'arrêt de travail, notamment le certificat d'arrêt de travail initial du 22 janvier 2018, qui se serait manifesté à la suite de l'annonce, le 21 janvier 2018 du suicide de l'un de ses collègues, M. E... ces conditions, la situation du requérant doit être regardée comme entièrement régie par les dispositions précitées de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984.
4. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il appartient au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.
5. M. C... soutient que son état trouverait son origine dans l'annonce du suicide de son collègue, le 21 janvier 2018, alors qu'il se trouvait à son domicile. Il fait valoir que suite à cette annonce il a subi un lourd choc émotionnel et que depuis il souffre d'une dépression réactionnelle, d'insomnie, d'un état de stress post-traumatique, d'asthénie, et d'une gastrite. Il affirme que le suicide de son collègue est intervenu après qu'il a rédigé à son encontre un rapport qu'il avait transmis à sa hiérarchie, et que son annonce a déclenché une très forte culpabilité qui l'a " psychologiquement anéanti ". Il ressort en effet des pièces du dossier, particulièrement d'un rapport de l'Inspection générale de la police nationale du 4 octobre 2018 et de l'arrêté du 9 juillet 2020 prononçant à l'encontre de M. C... la sanction disciplinaire de mise à la retraite d'office, que quelques semaines avant le suicide de son collègue, le requérant avait, spontanément et à son initiative personnelle, enregistré M. A... à son insu avant de rédiger à son encontre un rapport qu'il avait adressé à des policiers avec lesquels son collègue entretenait des relations professionnelles tendues. Toutefois, et comme il vient d'être dit, il ne ressort pas des pièces du dossier d'une part, que le rapport précité ait été rédigé par le requérant à la demande de sa hiérarchie ni d'autre part, que le suicide de M. A... soit en lien direct avec la transmission de ce document. En outre, et comme le fait valoir le ministre de l'intérieur dans sa défense de première instance, le choc émotionnel subi par l'intéressé le jour de l'annonce " est lié en réalité à la conscience de ses fautes et de leurs conséquences disciplinaires prévisibles ", sans que ce dernier ne puisse utilement soutenir que, puisque le suicide de son collègue était un accident de service, sa dépression le serait également par voie de conséquence. Dès lors, les circonstances particulières précitées, qui incombent exclusivement aux agissements de M. C..., doivent être regardées comme permettant de détacher du service l'accident dont il a été victime le 21 janvier 2018. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la zone de défense et de sécurité Est aurait commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident ne peut qu'être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
8. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de la zone de défense et de sécurité Est.
Délibéré après l'audience du 28 avril 2022, à laquelle siégeaient :
M. Agnel, président,
Mme Stenger, première conseillère,
Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mai 2022.
La rapporteure,
Signé : L. STENGER Le président,
Signé : M. B...
La greffière,
Signé : C. SCHRAMM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. SCHRAMM
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N° 20NC03597