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19/05/2022 | FRANCE | N°20NC03349

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 19 mai 2022, 20NC03349


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Meunier Automobiles a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui ont été réclamés pour la période du 1er juillet 2013 au 30 avril 2015 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1900594 du 17 septembre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a partiellement fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 nove

mbre 2020, la SARL Meunier Automobile, représentée par Me Roffi, demande à la cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Meunier Automobiles a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui ont été réclamés pour la période du 1er juillet 2013 au 30 avril 2015 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1900594 du 17 septembre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a partiellement fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2020, la SARL Meunier Automobile, représentée par Me Roffi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de TVA et des pénalités correspondantes, restés à a charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sauf à renverser la charge de la preuve, l'administration n'établit pas qu'elle ne pouvait pas ignorer la mention abusive du régime de TVA sur la marge mentionnée sur les trois factures émises par la société " Les Voitures de l'Année " ;

- contrairement à l'administration fiscale, elle ne pouvait pas savoir que M. B..., qui représentait la société " Les Voitures de l'Année ", avait cessé son activité le 9 mai 2011 mais continuait de l'exercer irrégulièrement dès lors qu'il s'agit d'un professionnel de l'automobile qui délivrait précédemment des factures avec TVA ;

- elle n'a pas été alertée par l'absence de numéro de TVA sur les trois factures en litige ;

- l'administration fiscale n'établit pas la fraude du fournisseur, de sorte qu'il est impossible de déterminer si la société " Les Voitures de l'Année " était ou non assujettie à la TVA sur la marge ;

- elle n'a jamais eu communication de l'historique des véhicules en litige, ni copie de la totalité des cartes grises successives ;

- elle n'a pas les moyens dont dispose l'administration fiscale pour vérifier que son fournisseur s'est acquitté de ses obligations fiscales préalablement au paiement des biens dont elle a sollicité la livraison ; elle effectue le paiement des biens sur présentation du devis et après régularisation d'un bon de commande ;

- la circonstance qu'elle connaisse la règlementation concernant les ventes de véhicules d'occasion et leur situation au regard de la TVA ainsi que la provenance des véhicules ne permet pas d'en déduire qu'elle ne pouvait pas ignorer la situation de M. B... ;

- contrairement à ce qu'a estimé le vérificateur, les cartes grises des véhicules en litige ne permettent pas de déterminer le processus d'acquisition en amont de la transaction intervenue entre la société requérante et M. B... ; le fait que les documents d'immatriculation des véhicules mentionnent qu'ils ont appartenu à des professionnels de l'automobile (mention SARL) ne suffit pas à caractériser l'erreur commise par les fournisseurs dès lors que ces documents ne permettent pas de déterminer avec certitude si l'opération en cause avait ou non ouvert droit à déduction ; c'est uniquement au regard de la facture d'achat qu'un opérateur saura s'il est en droit de pratiquer pour la revente une TVA sur la marge ;

- l'administration fiscale ne précise pas ce qui pouvait être exigé de la société Meunier Automobiles pour justifier le redressement pratiqué.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2021, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Meunier Automobiles ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Meunier Automobiles, dont le siège social est situé à Loisy-sur-Marne (51300), exerce depuis octobre 1998 une activité de vente de véhicules automobiles légers, neufs et d'occasion. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2012 au 30 novembre 2015 en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Par une proposition de rectification du 24 mars 2016, établie selon la procédure de rectification contradictoire, le service a remis en cause le régime de la marge appliqué par la société Meunier Automobiles concernant l'achat de trois véhicules acquis d'occasion auprès de la société " Les Voitures de l'Année ", représenté par M. B... et dont le siège est à Kehl en Allemagne et un véhicule acquis auprès de la société belge Imexso. Par un jugement du 17 septembre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la décharge des rappels de TVA pour ce qui concerne le seul véhicule acquis auprès de la société belge Imexso et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. La société Meunier Automobiles relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Aux termes du 2° bis du I de l'article 256 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion d'œuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en œuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006 / 112 / CE du Conseil du 28 novembre 2006 ". Aux termes du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, d'œuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. (...) ". Aux termes de son article 297 E : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E de ce code, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. Il en est de même lorsque le bien est acquis auprès d'un fournisseur situé en France et dont le fournisseur est situé quant à lui dans un autre Etat-membre. L'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française connaissait ou ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge. Lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, et sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs.

4. L'administration a remis en cause le régime de la marge appliqué par la société requérante lors de la revente des trois véhicules en litige acquis auprès de la société allemande " Les voitures de l'Année " au motif que les trois factures émises par cette société le 23 juillet 2013, le 8 mai 2014 et le 21 octobre 2014 ne comportaient aucun numéro de TVA intracommunautaire et qu'elles faisaient état d'un prix exprimé toutes taxes comprises. Par ailleurs, contrairement à ce qu'affirme la société requérante, ces trois factures ne comportent aucune mention relative au régime de TVA applicable, particulièrement le régime de la TVA sur la marge. En outre, lors du contrôle, la SARL Meunier Automobiles a présenté les cartes grises des véhicules qui indiquent, notamment, que les anciens propriétaires correspondaient à des sociétés allemandes, elles-mêmes professionnelles de l'achat-revente de véhicules d'occasion et assujetties de droit à la TVA. Ces informations sont par ailleurs corroborées par les factures initiales d'achats par la société " Les voitures de l'Année " auprès de ces sociétés allemandes qui mentionnent explicitement que ces acquisitions ont été effectuées selon le régime de droit commun de TVA aux taux de 19%. Dans ces conditions, l'administration rapporte la preuve que la SARL Meunier Automobiles, en sa qualité de professionnelle de la vente de véhicules, ne pouvait ignorer, eu égard à l'absence de mention sur les factures précitées du régime de taxation sur la marge, qu'elle ne pouvait pas elle-même appliquer ce même régime lors de la revente des trois véhicules acquis auprès de son fournisseur allemand, dont la qualité d'assujetti revendeur n'était pas établie par les mentions portées sur les factures en litige. Les circonstances, au demeurant non démontrées, que des modifications peuvent intervenir dans la chaine des transactions et modifier le régime de la TVA, que la société requérante n'ait pas les mêmes moyens d'investigation que l'administration pour identifier l'application erronée du régime de la marge et que les cartes grises lui ont été transmises postérieurement à l'acquisition des véhicules sont sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Meunier Automobiles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n'a pas entièrement fait droit à sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Meunier Automobiles est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à la SARL Meunier Automobiles et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

Mme Stenger, première conseillère.

Mme Roussaux, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mai 2022.

La rapporteure,

Signé : L. C... Le président,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

2

N° 20NC03349


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03349
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : M.H ROFFI JURIS CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-05-19;20nc03349 ?
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