La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/05/2022 | FRANCE | N°19NC02733

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 19 mai 2022, 19NC02733


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006, 2007, 2008, 2009, 2010 et 2013, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1702179 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er septembre 2019, les 7 j

uillet, 21 septembre, 14 octobre et 30 décembre 2020 et le 9 mars 2021, M. et Mme B..., représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006, 2007, 2008, 2009, 2010 et 2013, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1702179 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er septembre 2019, les 7 juillet, 21 septembre, 14 octobre et 30 décembre 2020 et le 9 mars 2021, M. et Mme B..., représentés par Me Rudeaux, demandent à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du 2 juillet 2019 et de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure judiciaire pendante devant la cour d'appel de Besançon ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, de réformer le jugement précité en tant qu'il a rejeté, d'une part les conclusions aux fins de décharge, en droits et intérêts de retard, pour les années 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010 et d'autre part, l'ensemble des conclusions tendant à la décharge de la majoration de 80 % pour activité occulte et, par voie de conséquence, de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu mis à leur charge à hauteur, en droits et pénalités, de 223 740 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que :

- à titre principal : les rectifications en litige sont privées de base légale dès lors qu'elles reposent sur des documents recueillis auprès de l'autorité judiciaire de manière irrégulière puisque le service a exercé son droit de communication uniquement au stade de l'enquête préliminaire et alors qu'aucune instance pénale n'était encore ouverte au sens des dispositions de l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales ; les éléments recueillis par le service dans le cadre de l'assistance internationale ne portent que sur l'enregistrement de la société en Slovaquie et ne permettent pas d'asseoir l'imposition réclamée ; le service n'apporte pas la preuve qui lui incombe que la société Deminter Spol dispose d'un établissement stable en France dans les locaux de la société Transports Gérard au sens de l'article 209 du code général des impôts ; les éléments sur lesquels le service se fonde ne concernent pas les exercices 2006, 2007, 2008 et 2013 pourtant inclus dans la période contrôlée ;

- à titre subsidiaire : la cour devra surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure judiciaire pendante devant la cour d'appel de Besançon ; l'administration ne saurait fonder une imposition sur les éléments qu'elle aurait obtenus dans le cadre de son droit de communication et qui seraient ensuite annulés par le juge judiciaire en application de la décision du conseil d'Etat du 15 avril 2015 " Société Car Diffusion " ;

- à titre infiniment subsidiaire : l'administration n'est pas fondée à mettre en œuvre le délai spécial de reprise prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ni la majoration de 80% pour activité occulte prévue par l'article 1728 du code général des impôts dès lors qu'ils sont fondés à demander le bénéfice du droit à l'erreur ; la société Deminter Spol s'est acquittée de l'ensemble de ses obligations fiscales en Slovaquie ; les modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales slovaques et françaises, telles que définies à l'article 28 de la convention franco-tchécoslovaque du 1er juin 1973 sont suffisantes et les niveaux d'imposition en France et en Slovaquie à raison des revenus en cause sont comparables ; l'administration ne tient pas compte de l'évolution de l'état du droit réalisé par la directive 2011/16/UE qui prévoit l'échange automatique et obligatoire de certaines informations fiscales entre les membres de l'Union.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 février et 14 septembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Rudeaux, représentant M. et Mme B....

Me Raphaël Goupille a adressé à la cour une note en délibéré, enregistrée le 10 mai 2022, non communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est le représentant légal et le président directeur général de deux sociétés spécialisées dans le transport routier international, la société Transport Gérard, immatriculée en France, dont le siège social est situé à Villers-le-Sec (70000) et la société Deminter Spol, immatriculée en Slovaquie, dont il est le gérant et l'associé unique et dont le siège social est situé à Presov. A l'issue d'un contrôle sur pièces portant sur les exercices 2006, 2007, 2008, 2009, 2010 et 2013, l'administration fiscale a estimé que la société Deminter Spol disposait d'un établissement stable au siège de la société Transports Gérard et a mis en œuvre une procédure de taxation d'office à l'issue de laquelle, par une proposition de rectification du 11 mars 2016, le service a adressé à M. B... des redressements en tant que titulaire des bénéfices industriels et commerciaux réalisés par cet établissement stable, considéré par l'administration comme une entreprise unipersonnelle soumise à l'impôt sur le revenu, en application de l'article 8 du code général des impôts. Par une seconde proposition de rectification du 15 mars 2016, M. et Mme B... ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, résultant des rehaussements des résultats de cet établissement stable, au titre des années 2006 à 2010 et 2013 qui ont été mises en recouvrement, le 31 mars 2017, pour un montant total, en droits et pénalités, de 238 727 euros. La réclamation présentée par les contribuables le 18 avril 2017 a été rejetée par l'administration fiscale le 9 octobre 2017. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 2 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées " et selon les termes de l'article L. 82 C de ce livre : " A l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances ". Eu égard aux exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ces dispositions ne permettent pas à l'administration de se prévaloir, pour établir l'imposition, de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge.

3. Par un arrêt du 25 février 2021 la cour d'appel de Besançon a considéré que l'audition de Monsieur B... du 13 avril 2011 avait été réalisée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 8271-11 du code du travail et violait le droit conventionnel à un procès équitable au motif que ce dernier n'avait pas eu accès à un avocat. La cour d'appel a également relevé que la SAS Transports Gérard et M. B... n'avaient pas été informés, préalablement à leur audition, des charges pesant sur eux en méconnaissance du droit conventionnel à être prévenu de la nature et de la cause de l'accusation prévu à l'article 6.3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 8113-7 du code du travail. La juridiction judiciaire d'appel a également considéré que l'ordonnance du 18 juin 2013 prise par le président du tribunal judiciaire de Vesoul, sur le fondement de laquelle avait été réalisée la perquisition du 23 juin 2013, était irrégulière dès lors qu'elle avait été prise au visa de l'article L. 8271-13 du code du travail, lequel avait été déclaré contraire à la constitution le 4 avril 2014 et comme méconnaissant l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par la cour de cassation dans un arrêt du 10 décembre 2019. Tirant les conséquences de ces nullités, la cour d'appel de Besançon a considéré d'une part, que : " les actes de l'enquête qui ont pour support un acte annulé ne peuvent être pris en compte et donc servir de support à la poursuite " et d'autre part que : " seuls les actes antérieurs au procès-verbal de la DREAL dont la nullité est encourue du fait de l'audition de M. B..., de l'absence de notification à M. B... et à la société SAS Transports Gérard des charges retenues ainsi que ceux résultant de la perquisition et des saisies opérées sur la base de l'autorisation du juge des libertés et de la détention, peuvent servir de base à une analyse des charges et à une recherche de la preuve des délits poursuivis ", avant de prononcer la relaxe de M. B... et de la SAS Transports Gérard de l'ensemble des chefs d'accusation retenus.

4. Il résulte de l'instruction, particulièrement des propositions de rectification des 11 et 15 mars 2016 adressée respectivement à la société Deminter et aux requérants, que le service a principalement fondé les redressements en litige, reposant sur l'existence d'un établissement stable de la société Deminter Spol en France, d'une part, sur le procès-verbal n° 025-2011-00160 dressé par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), qui lui avait été communiqué dans le cadre de son droit de communication exercé le 20 juin 2012 auprès du parquet de Vesoul ainsi que sur les données saisies dans les locaux de l'entreprise lors de la perquisition du 23 juin 2013, consistant notamment en plusieurs courriels saisis sur les messageries de M. B... et de M. D..., chef d'exploitation de la société Transports Gérard. Le procès-verbal de la DREAL a été annulé par la cour d'appel de Besançon du fait de la nullité de l'audition de M. B..., de même que la perquisition du 23 juin 2013, intervenue sur le fondement de l'ordonnance précitée du 18 juin 2013, dont la nullité a également été prononcée par les juges judiciaires pour les raisons susmentionnées. L'administration, qui n'a d'ailleurs pas produit d'observation à la suite de la communication de l'arrêt de la cour d'appel de Besançon, ne saurait donc se prévaloir, pour établir les impositions en litige de ces documents qui ont été obtenus dans des conditions ultérieurement déclarées illégales par la cour d'appel de Besançon. Or, les renseignements obtenus par l'administration fiscale dans le cadre de sa demande d'assistance administrative internationale auprès des autorités slovaques ainsi que les éléments comptables recueillis lors de la vérification de comptabilité de la société Transports Gérard ne permettent pas, à eux seuls, d'établir que la société Deminter Spol exerçait de façon habituelle, au cours des années en litige, une activité commerciale en France dans le cadre d'un établissement stable situé à Villers-le-Sec, dont les bénéfices étaient imposables en France. Par suite, les requérants sont fondés à demander, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la décharge des impositions et des majorations contestées.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à obtenir la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années en litige.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme B... au titre des frais exposés par eux dans la présente instance .

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1702179 du 2 juillet 2019 du tribunal administratif de Besançon est annulé.

Article 2 : M. et Mme B... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006, 2007, 2008, 2009, 2010 et 2013 ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4: Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

Mme Stenger, première conseillère,

Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mai 2022.

La rapporteure,

Signé : L. E... Le président,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

4

N° 19NC02733


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02733
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL DE BESANCON

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-05-19;19nc02733 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award