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18/05/2022 | FRANCE | N°19NC00847

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 18 mai 2022, 19NC00847


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 4 octobre 2017 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Moselle a refusé de l'autoriser à exercer une activité accessoire en qualité d'expert judiciaire auprès de la Cour d'Appel de Metz.

Par un jugement n° 1705263 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
>Par une requête et des mémoires enregistrés les 21 mars 2019, 10 septembre 2019 et 19 avril...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 4 octobre 2017 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Moselle a refusé de l'autoriser à exercer une activité accessoire en qualité d'expert judiciaire auprès de la Cour d'Appel de Metz.

Par un jugement n° 1705263 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 21 mars 2019, 10 septembre 2019 et 19 avril 2022, M. D..., représenté par Me Dillenschneider puis par Me Ponseele, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1705263 du 22 janvier 2019 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler la décision du SDIS du 4 octobre 2017 lui refusant l'autorisation d'exercer une activité accessoire en qualité d'expert judiciaire inscrit à la cour d'appel de Metz ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du 4 octobre 2017 est entachée d'incompétence de l'auteur de l'acte ; en tout état de cause, le signataire de l'acte ne précise pas en quelle qualité il a signé ;

- à la suite de sa première demande d'autorisation de cumul d'activité du 20 janvier 2014, aucune réponse ne lui a été apportée par le SDIS ; en application de l'alinéa 3 de l'article 6 du décret n° 2007-658 du 2 mai 2007, une décision implicite d'autorisation était donc née et il n'avait donc aucune obligation de formuler une nouvelle demande de cumul en 2017 :

- une décision d'autorisation implicite étant déjà née, le SDIS ne pouvait donc pas fonder son refus d'autorisation sur les dispositions du décret du 27 janvier 2017 dès lors qu'il a prêté serment auprès de la cour d'appel de Metz le 4 février 2014 et que sa mission a été renouvelée le 1er janvier 2017 ;

- la décision du 4 octobre 2017 constitue donc une remise en cause d'une autorisation précédemment donnée ; il appartenait donc au SDIS de prendre une décision de retrait conformément à l'article 11 du décret n° 2017-105 du 27 janvier 2017, ce à quoi il n'a pas procédé ;

- en tout état de cause, au regard de l'article 11 du décret du 27 janvier 2017 qui précise les motifs pour lesquels l'administration peut revenir sur une autorisation de cumul d'activités, le SDIS ne pouvait revenir sur son acceptation tacite au motif de ce que celui-ci avait également présenté une candidature d'expert auprès de la cour d'appel de Metz ;

- le SDIS n'a pas démontré que son unité spéciale de recherches des causes et circonstances des incendies serait devenue experte auprès de la cour d'appel de Metz, ce qui permet de douter de la crédibilité du refus qui lui a été opposé ;

- le SDIS a commis un détournement de pouvoir : la décision de refus est en réalité une sanction déguisée à la suite du dépôt de plainte qu'il a déposé contre le SDIS le 9 mars 2018.

Par des mémoires en défense enregistrés les 6 septembre 2019 et 4 octobre 2019, le SDIS de la Moselle, représenté par Me Keller, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. D... à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'y a plus lieu de statuer sur la requête car M. D... a démissionné du SDIS ;

- à titre principal, la requête d'appel est irrecevable car le requérant ne fait valoir aucun moyen de légalité externe et interne du jugement attaqué ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. D... a été admis à l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 25 % par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 14 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 ;

- le décret n° 2017-105 du 27 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère ;

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public ;

- et les observations de Me Ponseele, représentant M. D... et celles de Me Hassan, substituant Me Keller, représentant le SDIS de la Moselle.

Une note en délibéré de M. D... a été enregistrée au greffe le 27 avril 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 4 février 2017, M. D..., sapeur-pompier professionnel au sein du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Moselle, a informé son employeur de ce qu'il était renouvelé dans ses fonctions d'expert près de la Cour d'Appel de Metz qu'il exerce depuis 2014. Par un premier courrier du 1er juin 2017, le SDIS de la Moselle a indiqué à M. D... qu'il n'était pas autorisé à exercer une telle activité accessoire. M. D... a alors contesté cette décision en formant un recours administratif. Par un second courrier du 4 octobre 2017, le SDIS de la Moselle a réitéré son refus d'autoriser M. D... à cumuler ses fonctions de sapeur-pompier avec celle d'expert judiciaire. M. D... relève appel du jugement du 22 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de la décision du SDIS du 4 octobre 2017.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. "

3. Contrairement à ce que fait valoir le SDIS de la Moselle, le requérant expose des moyens d'appel et critique le jugement en ce que ses moyens soulevés à l'appui de la contestation de la décision contestée n'ont pas été retenus en première instance. La requête est donc suffisamment motivée au regard des exigences de l'article précité. Par suite, le SDIS n'est pas fondé à soutenir que la requête d'appel serait irrecevable.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. M.D... a présenté sa démission au SDIS de la Moselle par courrier du 19 septembre 2018 et, par arrêté du 28 septembre 2018, a été radié des cadres à compter du 1er octobre 2018, soit avant la notification du jugement en litige. Cette circonstance n'a toutefois pas privé d'objet, les conclusions d'annulation de la décision contestée du 4 octobre 2017 qui n'a pas été retirée et a reçu un commencement d'exécution. C'est par suite sans entacher son jugement d'irrégularité que le tribunal a statué sur la demande de M. D....

Sur la légalité de la décision du 4 octobre 2017 :

5. En premier lieu, la décision contestée a été signée par le colonel B... A..., directeur départemental du SDIS de la Moselle, qui bénéficiait par arrêté du président du conseil d'administration du SDIS du 10 mai 2017, d'une délégation à l'effet de signer tous actes intéressant l'administration et l'exercice des compétences du SDIS, à l'exception d'actes qui ne concernent pas la décision en litige. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

6. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, la décision contestée comporte la mention de la qualité du signataire. Ce moyen manque en fait et doit ainsi être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I.- Le fonctionnaire consacre l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. (...) ; / (....) IV.- Le fonctionnaire peut être autorisé par l'autorité hiérarchique dont il relève à exercer à titre accessoire une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui lui sont confiées et n'affecte pas leur exercice. (...)".

8. Aux termes de l'article 1er du décret du 2 mai 2007 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l'Etat dans sa version en vigueur du 23 janvier 2011 au 1er février 2017: " (...) les fonctionnaires, les agents non titulaires de droit public (...) peuvent être autorisés à cumuler une activité accessoire à leur activité principale, sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service. Cette activité peut être exercée auprès d'une personne publique ou privée. Un même agent peut être autorisé à exercer plusieurs activités accessoires ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Les activités accessoires susceptibles d'être autorisées sont les suivantes : / I.- Dans les conditions prévues à l'article 1er du présent décret : / 1° Expertise et consultation, sans préjudice des dispositions du 2° du I de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et, le cas échéant, sans préjudice des dispositions des articles L. 413-8 et suivants du code de la recherche ; (...) ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " Le cumul d'une activité exercée à titre accessoire (...) avec une activité exercée à titre principal est subordonné à la délivrance d'une autorisation par l'autorité dont relève l'agent intéressé. / (...) ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Préalablement à l'exercice de toute activité soumise à autorisation et sous réserve des dispositions du troisième alinéa de l'article 4, l'intéressé adresse à l'autorité dont il relève qui lui en accuse réception, une demande écrite qui comprend les informations suivantes : / 1° Identité de l'employeur ou nature de l'organisme pour le compte duquel s'exercera l'activité envisagée ; / 2° Nature, durée, périodicité et conditions de rémunération de cette activité. / Toute autre information de nature à éclairer l'autorité mentionnée au premier alinéa sur l'activité accessoire envisagée peut figurer dans cette demande à l'initiative de l'agent. L'autorité peut lui demander des informations complémentaires ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même décret : " L'autorité compétente notifie sa décision dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande. / Lorsque l'autorité compétente estime ne pas disposer de toutes les informations lui permettant de statuer sur la demande, elle invite l'intéressé à la compléter dans un délai maximum de quinze jours à compter de la réception de sa demande. Le délai prévu au premier alinéa est alors porté à deux mois. / En l'absence de décision expresse écrite contraire dans le délai de réponse mentionné aux premier et deuxième alinéas, l'intéressé est réputé autorisé à exercer l'activité accessoire. (...) ".

9. Si une autorisation implicite de cumul d'activités peut naître du silence gardé par cette autorité, c'est à la condition qu'une demande écrite, comprenant au moins l'identité de l'employeur ou la nature de l'organisme pour le compte duquel s'exercera l'activité envisagée, ainsi que la nature, la durée, la périodicité et les conditions de rémunération de cette activité et toute autre information de nature à éclairer l'autorité, lui ait été transmise.

10. Il ressort des pièces du dossier que si M. D... a informé sa hiérarchie de sa nomination en qualité d'expert par courriers des 20 janvier 2014 et 4 février 2017, il n'a jamais expressément sollicité une autorisation de cumul d'activité auprès de son autorité hiérarchique. Contrairement à ce qui est soutenu, ces lettres informatives ne sauraient être regardées comme des demandes d'autorisation de cumul dès lors qu'elles ne contenaient pas les informations décrites au point précédent. Enfin, la seule circonstance que le SDIS lui a communiqué les pièces utiles à sa mission d'expertise ne peut être regardée comme valant autorisation tacite de cumul d'activités. Le requérant ne peut donc pas se prévaloir d'une telle autorisation tacite ni, par suite, utilement soutenir que l'administration ne pouvait valablement refuser une nouvelle autorisation de cumul sur le fondement des dispositions du décret du 27 janvier 2017 .

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 11 du décret du 27 janvier 2017 relatif à l'exercice d'activités privées par des agents publics et certains agents contractuels de droit privé ayant cessé leurs fonctions, aux cumuls d'activités et à la commission de déontologie de la fonction publique : " L'autorité dont relève l'agent peut s'opposer à tout moment à la poursuite d'une activité accessoire dont l'exercice a été autorisé, dès lors que l'intérêt du service le justifie, que les informations sur le fondement desquelles l'autorisation a été donnée sont erronées ou que l'activité en cause ne revêt plus un caractère accessoire ".

12. Comme il a été dit précédemment aucune décision tacite d'autorisation de cumul n'est née. Par suite cet article qui précise sous quelles conditions l'autorité administrative peut abroger une autorisation existante n'est pas applicable au requérant. Le moyen tiré de sa méconnaissance est donc inopérant.

13. En cinquième lieu, la circonstance que le SDIS n'ait pas démontré que son unité spéciale serait effectivement devenue expert auprès de la cour d'appel de Metz, est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse.

14. Enfin, si M. D... soutient que la décision attaquée serait constitutive de faits de harcèlement moral et serait discriminatoire, il n'apporte toutefois, en l'état du dossier, aucun élément de nature à l'établir. Les moyens tirés du détournement de pouvoir ou de ce que la décision litigieuse serait une sanction déguisée doivent être écartés.

15. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du SDIS, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme sollicitée par le SDIS sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au service départemental d'incendie et de secours de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 26 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- Mme Picque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2022.

La rapporteure,

Signé : S. Roussaux La présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 19NC00847


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00847
Date de la décision : 18/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : DILLENSCHNEIDER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-05-18;19nc00847 ?
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