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28/04/2022 | FRANCE | N°21NC02917

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 28 avril 2022, 21NC02917


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a décidé de sa remise aux autorités italiennes désignées comme responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement numéro 2106711 du 20 octobre 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 novembre 2021, la préf

te du Bas-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a décidé de sa remise aux autorités italiennes désignées comme responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement numéro 2106711 du 20 octobre 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 novembre 2021, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'arrêté attaqué avait été pris en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;

- les autres moyens de la demande de première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Rommelaere, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que les moyens soulevés par la préfète du Bas-Rhin ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 3 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- Le rapport de M. Agnel ;

- Et les observations de Me Stocco assistant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant russe d'origine tchétchène né en 1999, est entré une première fois en France le 12 septembre 2019. Il a fait l'objet d'un arrêté de transfert vers l'Italie, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Strasbourg. Remis aux autorités italiennes le 8 janvier 2021, il a présenté une nouvelle demande d'asile en France le 1er septembre suivant. Les autorités italiennes avaient donné le 18 septembre 2021 un accord implicite à sa demande de reprise en charge de l'intéressé, la préfète du Bas-Rhin, par un arrêté du 29 septembre 2021, a décidé le transfert de M. B... en Italie. La préfète du Bas-Rhin relève appel du jugement du 20 octobre 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.

Sur le moyen d'annulation retenu par le jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par les dispositions précitées, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés par ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile rappelle, à cet égard, le droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. Toutefois, ces règles n'ont pour objet que l'examen de la demande d'asile ou de protection internationale et ne sauraient conférer un droit au séjour ou à la régularisation du séjour pour un autre motif. L'autorité administrative dispose du pouvoir d'appréciation le plus large dans la mise en œuvre de cette faculté sous réserve que cette appréciation ne soit pas manifestement erronée.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a entrepris avec une autre artiste française la création d'une œuvre artistique, ayant bénéficié de l'aide financière de l'Etat, donnant lieu à des représentations impliquant sa présence. Il justifie également de sa participation à des associations culturelles et artistiques. Toutefois, en dépit de ces éléments, compte tenu de la faible durée de sa présence en France n'ayant d'autre objet que sa demande d'asile, la préfète du Bas-Rhin ne s'est pas livrée à une appréciation manifestement erronée de sa situation. Par ailleurs, si M. B... fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie, ses seules affirmations ne permettent pas de tenir pour établi qu'il serait lui-même exposé à un risque sérieux de ne pas être traité par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En particulier, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les autorités italiennes n'évalueront pas de leur propre initiative les risques réels de mauvais traitements qui pourraient survenir pour le requérant, à la suite d'un éventuel éloignement vers la Russie, ou que ce dernier ne serait pas en mesure de faire valoir devant ces mêmes autorités tous éléments relatifs à l'évolution de sa situation personnelle et à la situation qui prévaut en Russie. Par suite, la préfète du Bas-Rhin est fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a retenu le moyen d'annulation tiré d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. B... au regard des dispositions de l'article 17 du règlement ci-dessus visé du 16 juin 2013.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... à l'appui de sa demande.

Sur les autres moyens :

5. Par un arrêté du 31 août 2021 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 31 août 2021, la préfète du Bas-Rhin a donné délégation à M. A..., à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions dévolues à cette direction à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquelles ne figure pas la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée, signée par M. A..., aurait été prise par une autorité incompétente doit être écarté.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a pu s'expliquer au cours de la procédure administrative sur sa situation et exprimer son souhait de ne pas être éloigné vers l'Italie. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne sera écarté.

7. Il ressort de l'arrêté attaqué que la préfète du Bas-Rhin ne s'est pas refusée à examiner la situation de l'intéressé au regard des conséquences d'une mesure d'éloignement sur sa situation. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit sera écarté.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu remettre en langue russe les éléments d'information requis par l'article 4 du règlement n° 604/2016/UE du 26 juin 2013 préalablement à l'arrêté de remise aux autorités italiennes. Par suite, le moyen invoqué de ce chef sera écarté.

9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a eu un entretien individuel avec un agent de la préfecture du Bas-Rhin le 1er septembre 2021 avec l'assistance d'un interprétariat téléphonique en langue russe. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2016/UE du 26 juin 2013 sera écarté.

10. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que les moyens tirés de la violation des articles 4 et 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doivent, en tout état de cause, être écartés.

11. L'arrêté attaqué n'a pas pour objet de renvoyer M. B... en Russie où il soutient, sans au demeurant en justifier, être exposés à des traitements inhumains et dégradants. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales sera écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Bas-Rhin est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 29 septembre 2021. Il y a lieu par suite d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante verse à l'avocat de M. B... une somme au titre des frais qu'il aurait exposés dans la présente instance s'il n'avait été admis à l'aide juridictionnelle. Par suite, les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991 seront rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2106711 du 20 octobre 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. B... tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Lambing, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 avril 2022.

Le président assesseur,

Signé : M. AGNELLe président,

Signé : J. MARTINEZLa greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

2

N°21NC02917


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02917
Date de la décision : 28/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : ROMMELAERE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-04-28;21nc02917 ?
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