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28/04/2022 | FRANCE | N°21NC02574

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 28 avril 2022, 21NC02574


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100272 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2021, M. A..., représenté pa

r Me Coche-Mainente, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 mars 2021 ;

2°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100272 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2021, M. A..., représenté par Me Coche-Mainente, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 mars 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 4 janvier 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'un vice de procédure dans la mesure où la commission du titre de séjour n'a pas été saisie en méconnaissance des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des 4° et 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 211-2-1 du même code dans la mesure où entré régulièrement en France en mai 2016, il entretient une relation avec une ressortissante française depuis 2016 et est mariée avec cette dernière depuis le 4 décembre 2018 ; elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ; elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la durée de sa présence en France et de son intégration sociale ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; elle est entachée d'un défaut de motivation en fait.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2012, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 août 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mosser,

- et les observations de Me Coche-Mainente, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 13 octobre 1988, de nationalité ivoirienne, est entré en France le 25 mars 2016 sous couvert d'un visa court séjour et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français depuis lors. Le 20 juin 2017, il a conclu un pacte civil de solidarité (PACS) avec une ressortissante française. Le 10 juillet 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 (7°) et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui lui a été refusé par un arrêté du 26 février 2018. Le 12 décembre 2018, il a sollicité un titre de séjour en se prévalant de son mariage avec une ressortissante française célébré le 4 décembre 2018. Par un arrêté du 13 mai 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande de titre sur le fondement de l'article L. 313-11 (4° et 7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code. Les recours introduits contre ces arrêtés ont été rejetés en dernier lieu par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 8 avril 2021. Le 11 septembre 2020, M. A... a sollicité une nouvelle fois la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 4 janvier 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 30 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa requête.

Sur la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ". Aux termes également de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article. / (...) / Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour. ".

3. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que ces dernières subordonnent la délivrance de la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " au conjoint d'un Français à certaines conditions, dont celle d'être en possession d'un visa de long séjour. Si elles n'impliquent pas que ce visa de long séjour fasse l'objet d'une demande expresse distincte de celle du titre de séjour sollicité auprès de l'autorité préfectorale, compétente pour procéder à cette double instruction, la compétence du préfet pour examiner la demande de visa de long séjour est elle-même subordonnée à certaines conditions, dont l'entrée régulière en France et l'existence d'une communauté de vie de plus de six mois avec le conjoint français.

4. Pour rejeter sa demande de visa long séjour, le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est fondé sur les motifs tirés de ce que M. A... n'établit ni qu'il se serait maintenu en France de manière ininterrompue depuis son entrée régulière, ni que la communauté de vie aurait été maintenue avec son épouse depuis son mariage intervenu le 4 décembre 2018. D'une part, M. A..., par la production intégrale de son passeport pour la première fois en appel, justifie de son maintien sur le territoire français depuis son entrée régulière sur le territoire français sous couvert d'un visa court séjour le 25 mai 2016. D'autre part, pour établir la communauté de vie, M. A... produit à hauteur d'appel notamment une attestation de titulaire de contrat d'électricité du 14 juin 2020 au nom de son épouse faisant état de leur adresse commune, des avis d'imposition communs établis sur les revenus des années 2018 et 2019, une attestation de paiement de la caisse d'allocations familiales précisant les prestations perçues au titre du mois de décembre 2020 et une attestation d'abonnement au gaz du 14 septembre 2021 mentionnant son nom et celui de son épouse. Si cette attestation d'abonnement a été établie postérieurement à la décision en litige, elle corrobore la continuité de la communauté de M. A... et de son épouse. Le requérant verse également au dossier le témoignage d'une voisine du couple ainsi qu'une attestation du maire de la commune où le couple établit résider. Si cette dernière attestation a également été établie postérieurement à la décision en litige, elle fait état d'une situation existant à la date de la décision en litige et atteste la présence régulière de M. A... sur le territoire de la commune. Ces différents justificatifs permettent d'établir que M. A... résidait effectivement avec son épouse à l'adresse mentionnée sur ces documents durant les six derniers mois précédant la date de l'arrêté en litige du 4 janvier 2021 et, dans ces conditions, la communauté de vie doit être regardée comme n'ayant pas cessé depuis le mariage. Par suite, le préfet de Meurthe-et-Moselle a entaché sa décision portant refus de séjour d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 211-2-1 et du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 janvier 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. A... dans un délai de deux mois. Il n'y a en revanche pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Dans cette attente, en raison de l'annulation par voie de conséquence de l'obligation de quitter le territoire français, le préfet délivrera immédiatement à M. A... une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Coche-Mainente, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Coche-Mainente de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 30 mars 2021 et la décision du 4 janvier 2021 du préfet de Meurthe-et-Moselle sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. A... dans un délai de deux mois, et dans cette attente, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Article 3 : L'Etat versera à Me Coche-Mainente une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Coche-Mainente renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 avril 2022.

La rapporteure,

Signé : C. MOSSERLe président,

Signé : J. MARTINEZ

La greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

2

N° 21NC02574


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02574
Date de la décision : 28/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : COCHE-MAINENTE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-04-28;21nc02574 ?
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