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28/04/2022 | FRANCE | N°21NC01540

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 5ème chambre, 28 avril 2022, 21NC01540


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de B... d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2100502 du 6 mai 2021, le tribunal administratif de B... a, d'une part, annulé l'arrêté du préfet de Meur

the-et-Moselle du 21 janvier 2021, d'autre part enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de B... d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2100502 du 6 mai 2021, le tribunal administratif de B... a, d'une part, annulé l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 21 janvier 2021, d'autre part enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, enfin mis à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros à verser Me Martin, avocate de M. A..., au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 mai 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de B....

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, les premiers juges n'ayant pas répondu à la demande de substitution de motifs qu'il avait présentée dans son mémoire en défense ;

- M. A... ne justifiant pas à la date de l'arrêté en litige suivre une formation professionnelle depuis au moins six mois et ne démontrant pas le caractère réel et sérieux de ses études, il ne remplissait pas les conditions pour prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- contrairement aux affirmations de M. A..., Mme C... était bien compétente pour signer l'arrêté du 21 janvier 2021 ;

- les actes d'état civil produits par M. A... à l'appui de sa demande de titre de séjour ne permettent pas d'établir sa minorité ;

- la minorité de M. A... n'étant pas démontrée au moment de sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance, il ne remplissait pas les conditions pour prétendre à la délivrance du titre de séjour prévu par les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- M. A... ne peut se prévaloir des dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'a pas sollicité la régularisation de sa situation sur ces fondements ;

- l'arrêté du 21 janvier 2021 n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 septembre 2021, M. A..., représenté par Me Martin, conclut :

- au rejet de la requête ;

- subsidiairement, à l'annulation de l'arrêté du 21 janvier 2021, à ce qu'il soit enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour vie privée et familiale avec autorisation de travailler ou un titre de séjour salarié ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour, l'ensemble dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, enfin à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1000 euros à verser à Me Martin au titre des frais irrépétibles de première instance ;

- à la mise à charge de l'Etat de la somme de 1500 euros à verser à Me Martin au titre des frais irrépétibles d'appel.

M. A... soutient que :

- le tribunal a implicitement mais nécessairement statué sur la demande du préfet de substitution de motifs ;

- en tout état de cause, il justifie avoir suivi une formation professionnelle depuis au moins six mois à la date de l'arrêté en litige ;

- le signataire de cet arrêté était incompétent ;

- les documents d'état civil joints à sa demande de titre de séjour étant authentiques, il a justifié de sa minorité et remplissait donc toutes les conditions pour prétendre à la délivrance du titre de séjour prévu par les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour du 21 janvier 2021 est entachée d'une erreur de droit et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît par suite les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

-le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de séjour sur sa situation personnelle ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par ordonnance du 4 août 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 6 septembre 2021.

Un mémoire présenté pour M. A... a été enregistré le 29 mars 2022.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 6 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Laubriat a été entendu au cours de l'audience publique.

1. M. A..., ressortissant guinéen, qui dit être né en 2002, a déclaré être entré sur le territoire français en septembre 2018. Par un jugement du 24 décembre 2018, le tribunal pour enfants E... B... l'a confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de Meurthe-et-Moselle jusqu'à sa majorité. Le 21 octobre 2020, M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour, en se prévalant de son inscription au centre de formation pour adultes du Grand Est pour l'obtention d'un CAP de maçon et de la conclusion d'un contrat d'apprentissage avec la SARL Kayalar. Par un arrêté du 21 janvier 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. Par un jugement du 6 mai 2021, le tribunal administratif de B... a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1000 euros à verser à Me Martin, l'avocate de M. A..., sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Le préfet fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Il est constant que, dans son mémoire en défense enregistré par le tribunal administratif le 25 mars 2021 antérieurement à la clôture de l'instruction, le préfet de Meurthe-et-Moselle a demandé à titre subsidiaire une substitution de motifs tirée de ce qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. A... ne justifiant pas avoir suivi depuis au moins six mois une formation en vue d'obtenir une qualification professionnelle et ne démontrant pas le caractère réel et sérieux de ses études, il ne remplissait pas les conditions pour prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions alors en vigueur de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si le tribunal a visé cette demande de substitution de motif, il n'y a pas répondu. En omettant de répondre à ce moyen de défense qui n'était pas inopérant, les premiers juges ont entaché leur décision d'irrégularité. Dès lors, le préfet de Meurthe-et-Moselle est fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier et qu'il doit, en conséquence, être annulé.

3. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de B....

Sur la légalité de l'arrêté du 21 janvier 2021 :

4. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".

En ce qui concerne les motifs avancés par le préfet pour rejeter la demande de M. A... de délivrance d'un titre de séjour :

S'agissant du motif tiré de l'absence d'authenticité des documents d'état civil :

5. Aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

6. Il résulte des dispositions de l'article 47 du code civil qu'en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles. Si l'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays, il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve, par tout moyen, du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l'autorité administrative n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont elle dispose sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.

7. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, M. A... a produit l'original d'un jugement supplétif du tribunal de première instance de Dixinn portant le n° 28264-2018 du 3 décembre 2018, l'original d'un extrait du registre des actes de l'état civil, acte de naissance transcrit sous le n° 10395 en date du 14 décembre 2018 de la commune de Ratoma, l'original d'un certificat de nationalité n° 685 délivré le 26 février 2020 par le tribunal de première instance de Dixinn et enfin, une carte d'identité consulaire n° AZBERHVD.

8. Pour établir le caractère irrégulier des documents d'état civil présentés par le requérant, le préfet s'est fondé sur un rapport d'expertise documentaire du 30 novembre 2020 de la police aux frontières qui a conclu à l'irrecevabilité de ces documents. Le préfet a notamment relevé que les mentions du jugement supplétif relatives aux parents étaient incomplètes au regard de l'article 184 du code civil guinéen, que les informations de l'article 204 du même code concernant l'enfant et les parents étaient manquantes, que la référence à l'article 193 du même code était hors de propos, que la date de transcription inscrite au verso était raturée et que son numéro 20395 ne correspondait pas avec celui de l'extrait du registre des actes de l'état civil produit. S'agissant de l'extrait du registre des actes de l'état civil, le préfet a indiqué qu'il ne comportait pas les informations prévues par les articles 181, 184 et 204 du code guinéen. Enfin, s'agissant du certificat de nationalité, le préfet a soutenu qu'il n'était pas recevable, compte-tenu des informations contradictoires relevées dans le jugement supplétif et en l'absence dans les documents produits, des informations relatives à la nationalité des parents, telles que mentionnées dans l'article 56 du code civil guinéen.

9. Toutefois, contrairement à ce qui est soutenu, d'une part, le jugement supplétif porte au recto le n° 10395 qui est identique au n° de transcription 10395 figurant sur l'extrait du registre de l'état civil, que la date de transcription de ce jugement supplétif, soit 14.12.2018 n'est pas raturée, seul le chiffre 4 apparaissant avec une très légère surépaisseur, ce qui ne rend nullement illisible la mention de cette date, que la référence à l'article 193 du code civil guinéen sur le jugement supplétif n'est pas " hors de propos " puisque cet article, dans sa rédaction en vigueur à la date du jugement supplétif du 3 décembre 2018, soit antérieurement à la nouvelle codification du code civil guinéen intervenue le 5 octobre 2019, date de sa publication au journal officiel de la République de Guinée, disposait alors que " Lorsque la naissance n'aura pas été déclarée dans le délai légal, l'officier de l'état civil ne pourra la relater sur ses registres qu'en vertu d'un jugement rendu par la juridiction compétente de la région dans laquelle est né l'enfant, et mention sommaire sera faite en marge à la naissance (...)". Il ne saurait par ailleurs être fait grief au jugement supplétif de ne pas répondre aux exigences de l'article 184 du code civil guinéen issu du nouveau code publié postérieurement au 3 décembre 2018, date du jugement supplétif soumis à l'expertise de la police de l'air et des frontières. En outre, si l'article 175 du code civil guinéen dans sa rédaction alors en vigueur disposait que : " Les actes énonceront l'année, le jour et l'heure où ils seront reçus ; les prénoms et nom de l'officier de l'état civil, les prénoms, noms, professions et domiciles de tous ceux qui y seront dénommés. Les dates et lieux de naissance : 1. des père et mère dans les actes de naissance et de reconnaissance ; 2. de l'enfant dans les actes de reconnaissance ; 3. des époux dans les actes de mariage ; 4. du décédé dans les actes de décès, seront indiqués lorsqu'ils seront connus. Dans le cas contraire, l'âge desdites personnes sera désigné par leur nombre d'années, comme le sera, dans tous cas, l'âge des déclarants. En ce qui concerne les témoins, leur qualité de majeur sera seule indiquée ", il ne ressort pas de ces dispositions qui visent seulement les actes d'état civil, qu'elles s'appliqueraient au jugement supplétif. De même il ne saurait être fait grief au jugement supplétif de ne pas inclure l'ensemble des informations prévues par les dispositions de l'article 204 du code civil guinéen issu également du nouveau code publié postérieurement. Et si l'article 196 du code civil guinéen dans sa rédaction alors en vigueur prévoyait que : " L'acte de naissance énoncera le jour, l'heure et le lieu de naissance, le sexe de l'enfant, et les prénoms qui lui seront donnés, les prénoms, âges, professions et domiciles des père et mère. Si les père et mère de l'enfant naturel ou l'un d'eux, ne sont pas désignés à l'officier de l'état civil, il ne sera fait sur les registres aucune mention à ce sujet ", il ne ressort pas de ces dispositions qui visent seulement les actes d'état civil, qu'elles s'appliqueraient au jugement supplétif.

10. D'autre part, ni le rapport d'expertise de la PAF, ni le préfet en défense ne précisent en quoi les informations figurant dans ce jugement supplétif seraient " contradictoires ". S'agissant du registre des actes de l'état civil du 14 décembre 2018, le grief fondé sur l'absence des informations exigées par les articles 181, 184 et 204 du code civil guinéen ne peut être retenu dans la mesure où ces différentes dispositions sont entrées en vigueur postérieurement au jugement supplétif et aucune précision n'est donné sur la nature des informations manquantes à la date des textes guinéens alors en vigueur. Enfin, s'agissant du certificat de nationalité établi le 26 février 2020, l'article 56 du code civil guinéen y est visé. Ce dernier dispose : " Est guinéen l'enfant dont l'un des parents au moins est guinéen ", tandis que l'article 179 du même code précise que : " Le certificat de nationalité indique la disposition légale en vertu de laquelle l'intéressé à la nationalité guinéenne, ainsi que les documents qui ont permis de l'établir (...) ". Ainsi, alors que la nationalité guinéenne de M. A... n'est pas sérieusement remise en cause, il ne saurait être soutenu par le préfet que le certificat de nationalité, qui précise qu'il a été délivré au visa de l'article 56 précité et au vu du jugement supplétif d'acte de naissance du 3 décembre 2018, contient des informations contradictoires. Dans ces conditions, le préfet ne renverse pas la présomption de validité qui s'attache, en vertu notamment de l'article 47 du code civil, aux mentions contenues dans les différents actes d'état civil produits par le requérant et ne pouvait en conséquence rejeter sa demande de titre de séjour en considérant que ces documents n'étaient pas probants.

S'agissant du motif tiré de l'absence de formation professionnelle :

11. Pour établir que son arrêté était pour autant légal, le préfet de Meurthe-et-Moselle a, dans son mémoire en défense enregistré au greffe du tribunal le 25 mars 2021, invoqué un autre motif, tiré de ce que M. A... ne justifiait pas avoir suivi depuis au moins six mois une formation en vue d'obtenir une qualification professionnelle et ne démontrait pas le caractère réel et sérieux de ses études.

12. Il ressort des pièces du dossier, notamment des attestations et du contrat d'apprentissage produits en première instance, que M. A... a été embauché par l'entreprise Kayalar à compter du 6 janvier 2020 en qualité d'apprenti et qu'il était parallèlement inscrit au centre de formation des apprentis de Pont-à-Mousson pour le métier de maçon. Il ressort également des pièces du dossier, notamment des bulletins de salaire de M. A..., qu'il a effectivement travaillé pour le compte de l'entreprise Kayalar de janvier à septembre 2020. Il ressort enfin des propres écritures de M. A... en appel que son contrat d'apprentissage a été rompu en septembre 2020. Par suite, au 21 janvier 2021, date de l'arrêté attaqué, M. A... ne suivait plus une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. M. A... ne suivant pas depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, il ne remplissait pas les conditions pour prétendre à la délivrance d'un titre de séjour salarié ou travailleur temporaire sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne les autres moyens d'annulation soulevés par M. A... en première instance et en appel :

S'agissant du moyen commun :

13. Par un arrêté du 24 août 2020, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs du département, le préfet de Meurthe-et-Moselle a donné à Mme Marie-Blanche Bernard, secrétaire générale de la préfecture, délégation pour signer tous les arrêtés, décisions, circulaires, rapports, documents et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception des arrêtés de conflit. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une personne incompétente manque en fait.

S'agissant des moyens soulevés contre la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :

14. En premier lieu, comme il a été dit au point au point 12, M. A..., à la date de l'arrêté attaqué, ne suivait plus une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Il ne remplissait donc pas les conditions pour prétendre à la délivrance d'une carte de séjour temporaire " salarié " ou " travailleur temporaire " sur le fondement des dispositions alors applicables de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés ce que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour serait entachée d'une erreur de droit et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ne peuvent qu'être écartés. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs.

15. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Il ressort des pièces du dossier, notamment du courrier par lequel M. A... a sollicité sa régularisation, qu'il a demandé un titre de séjour sans se prévaloir de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels d'admission. Par suite, M. A... ne peut utilement soutenir que le préfet aurait dû examiner son droit à régularisation au regard des dispositions alors applicables de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. A... n'ayant par ailleurs pas fait état de considérations liées à sa vie privée et familiale, il n'est pas davantage fondé à se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions alors en vigueur du 7° de l'article L. 313-11.

16. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

17. M. A... se prévaut de sa durée de séjour en France, de son insertion professionnelle, de sa pratique de la boxe dans un club local et de ce qu'il serait isolé en cas de retour dans son pays d'origine, ses parents étant décédés. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. A... ne séjournait sur le territoire français que depuis un peu plus de deux ans. Il est célibataire et sans enfant. Son contrat d'apprentissage a été rompu en septembre 2020. Enfin il n'établit pas être isolé en cas de retour en Guinée, pays dans lequel sa sœur réside toujours selon ses propres déclarations. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision attaquée n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A... doit également être écarté pour les mêmes motifs.

S'agissant des moyens soulevés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

18. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 17.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Meurthe-et-Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de B... a annulé son arrêté du 21 janvier 2021. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées en appel par M. A..., de même que celles qu'il a présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2100502 du 6 mai 2021 du tribunal administratif de B... est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de B..., ses conclusions d'appel en injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... A....

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Laubriat, président,

- M. Meisse, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 avril 2022.

Le président,

signé

A. LAUBRIATL'assesseur le plus ancien,

signé

E. MEISSE

La greffière,

signé

C. JADELOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

signé

C. JADELOT

2

N° 21NC01540


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01540
Date de la décision : 28/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-04-28;21nc01540 ?
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