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28/04/2022 | FRANCE | N°21NC00440

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 28 avril 2022, 21NC00440


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 25 septembre 2018 par laquelle la société anonyme La Poste (SA La Poste) l'a affecté sur un poste de saisie de vidéocodage à compter du 2 octobre 2018 et d'enjoindre à la SA La Poste de l'affecter sur un poste conforme aux prescriptions médicales ou subsidiairement de procéder au réexamen de sa situation.

Par un jugement n° 1807240 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision

du 25 septembre 2018 l'affectant sur un poste de vidéocodage à compter du 2 octobr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 25 septembre 2018 par laquelle la société anonyme La Poste (SA La Poste) l'a affecté sur un poste de saisie de vidéocodage à compter du 2 octobre 2018 et d'enjoindre à la SA La Poste de l'affecter sur un poste conforme aux prescriptions médicales ou subsidiairement de procéder au réexamen de sa situation.

Par un jugement n° 1807240 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 25 septembre 2018 l'affectant sur un poste de vidéocodage à compter du 2 octobre 2018 et a enjoint à la SA La Poste de réexaminer sa situation.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 16 février et le 16 décembre 2021, la SA La Poste, représentée par Me Bellanger, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 décembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dans la mesure où il n'est pas démontré que la minute du jugement est régulièrement signée ;

- la décision en litige n'a pas de caractère décisoire ;

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une contradiction de motifs puisque M. A... était déjà affecté sur ce poste et n'a subi aucun changement de lieu d'affectation, de fonction ou de service ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant que la décision faisait grief à M. A... afin qu'il puisse s'assurer de sa conformité à son état de santé ;

- elle constitue une mesure d'ordre intérieur puisqu'il n'y a eu aucun reclassement ou changement de corps mais une adaptation du poste de travail et qu'elle n'a porté atteinte ni aux droits que M. A... tient de son statut, ni à ses prérogatives.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Bizzarri conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SA La Poste la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la SA La Poste dans la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mosser,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Cortes, représentant La SA La Poste.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., fonctionnaire au sein de la SA La Poste, a été affecté à compter du 2 octobre 2018 à la Plateforme industrielle Courrier Lorraine au poste qu'il occupait précédemment sans cadence imposée, avec aménagement du clavier, à temps partiel thérapeutique pour une durée de trois mois. La SA La Poste relève appel du jugement du 15 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 25 septembre 2018 affectant M. A... sur ce poste de vidéocodage à compter du 2 octobre 2018 et lui a enjoint de réexaminer sa situation.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme manquant en fait.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. ".

4. D'une part, les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable.

5. D'autre part, il résulte de ces dispositions que, lorsqu'un fonctionnaire est reconnu, par suite de l'altération de son état physique, inapte à l'exercice de ses fonctions, il incombe à l'administration de rechercher si le poste occupé par ce fonctionnaire ne peut être adapté à son état physique ou, à défaut, de lui proposer une affectation dans un autre emploi de son grade compatible avec son état de santé. Si le poste ne peut être adapté ou si l'agent ne peut être affecté dans un autre emploi de son grade, il incombe à l'administration de l'inviter à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps.

6. Il ressort des pièces du dossier que dans son avis médical du 20 novembre 2017, la médecin du travail a estimé que l'état de santé de M. A... était compatible avec la reprise du travail sur un poste en vidéocodage, en poste du matin, à mi-temps thérapeutique, sans cadence imposée, à alterner si possible avec d'autres activités administratives. Par une décision du 7 décembre 2017, la SA La Poste a affecté M. A..., sur des fonctions de vidéocodage en vacation du matin à compter du 11 décembre 2017. Cependant, M. A... n'a pas repris le travail et a été placé en congé maladie ordinaire. Par une décision du 6 juillet 2018 prise après avis du même jour du comité médical, la SA La Poste a décidé d'une reprise de travail à compter du 13 aout 2018 à mi-temps partiel thérapeutique à 50 % sur un poste aménagé après l'avis du médecin du travail. Après avoir été mis en demeure de rejoindre son poste, M. A... s'est soumis, le 21 septembre 2018, à une visite de pré-reprise à l'issue de laquelle la médecin l'a déclaré apte à reprendre le travail mais a préconisé les mêmes modalités de reprise du travail que dans son avis du 20 novembre 2017 en précisant en outre qu'un mi-temps thérapeutique et un aménagement du clavier était nécessaire.

7. Par un acte notifié par un courrier du 25 septembre 2018, la SA La Poste l'a affecté à compter du 2 octobre 2018 sur un poste de vidéocodage, poste qu'il occupait précédemment, " sans cadence imposée, avec aménagement du clavier (encodage à une main) ", le matin, à temps partiel thérapeutique 50% pour une durée de trois mois. Cette mesure se borne à se conformer aux préconisations formulées par la médecin du travail dans ses avis médicaux des 20 novembre 2017 et 21 septembre 2018 et dont l'agent ne conteste pas la compatibilité avec son état de santé. Par conséquent, cette mesure, qui a effectivement pris en compte cet état de santé, ne peut être regardée comme étant susceptible de porter atteinte aux droits et prérogatives que M. A... tient de son statut ou à l'exercice de ses droits et libertés fondamentaux. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette affectation ait entraîné pour M. A... un changement de fonction ou de lieu d'affectation, l'agent étant précédemment affecté sur un poste de vidéocodage avant la décision du 7 décembre 2017. Si le requérant soutient que cette affectation à mi-temps thérapeutique a pour lui des incidences financières, il ressort de l'article 34 bis de loi du 11 janvier 1984 que le fonctionnaire autorisé à travailler à mi-temps pour raison thérapeutique a droit à l'intégralité de ce traitement. Au demeurant, cette reprise du travail à temps partiel thérapeutique 50 % a été prononcée, non par l'acte du 25 septembre 2018 mais par la décision du 6 juillet 2018 que le requérant n'a pas contestée. En outre, l'intéressé n'établit pas ni même n'allègue qu'il a subi une diminution de ses responsabilités, que cette affectation a constitué une sanction disciplinaire déguisée ou traduit l'existence d'un harcèlement moral ou d'une discrimination. Dans ces conditions, cette affectation doit être regardée, en l'espèce, comme une mesure d'ordre intérieur et l'intéressé n'est, par suite, pas recevable à la contester par la voie du recours pour excès de pouvoir, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif de Strasbourg.

8. Il résulte de tout ce qui précède la SA La Poste est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 25 septembre 2018.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SA La Poste, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... la somme demandée par la SA La Poste sur le fondement de l'article L. 761- du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1807240 du tribunal administratif de Strasbourg du 15 décembre 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA La Poste est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de M. A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme La Poste, à M. B... A... et au ministre de la transformation et de la fonction publique.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 avril 2022.

La rapporteure,

Signé : C. MOSSERLe président,

Signé : J. MARTINEZ

La greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au ministre de la transformation et de la fonction publique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

2

N° 21NC00440


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00440
Date de la décision : 28/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-01-02-03 Procédure. - Introduction de l'instance. - Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours. - Actes ne constituant pas des décisions susceptibles de recours. - Mesures d'ordre intérieur.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : HMS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-04-28;21nc00440 ?
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