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28/04/2022 | FRANCE | N°20NC03189

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 5ème chambre, 28 avril 2022, 20NC03189


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2020 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2001644 du 17 juillet 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa d

emande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 novembre 2020,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2020 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2001644 du 17 juillet 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 novembre 2020, Mme A..., représentée par Me Caglar, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy du 17 juillet 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2020 pris à son encontre par le préfet de la Moselle ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

- la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle a précisé devant les autorités de police, souhaiter demander l'asile et que sa demande n'a pas été prise en compte ; par suite, les autorités ne lui ont pas fourni les informations utiles en vue de l'enregistrement de sa demande et ont donc méconnu les dispositions des articles L.741-1, R.741-2 et R.741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle indique qu'elle ne dispose pas d'attaches anciennes, stables et intenses en France ;

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision est illégale par voie d'exception ;

- elle porte une atteinte disproportionnée au principe de la liberté de circulation ;

- elle viole son droit constitutionnel d'asile ;

- elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 décembre 2021, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés, lesquels ont identiques à ceux développés en première instance.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 29 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née en 2001, de nationalité albanaise, a déclaré être entrée pour la première fois en France avec ses parents en septembre 2013 à l'âge de 11 ans et, pour la seconde fois au cours de l'année 2017, après avoir vécu avec sa famille deux ans et demi en Allemagne et cinq mois aux Pays-Bas. Le 9 juillet 2020, l'intéressée a fait l'objet d'un contrôle d'identité et a été placée en retenue administrative aux fins de vérification de son droit au séjour en France. Par arrêté du 10 juillet 2020, le préfet de la Moselle a fait obligation à Mme A... de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle sera reconduite et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an. Mme A... a été placée au centre de rétention administrative de Metz le 10 juillet 2020. Mme A... fait appel du jugement du 17 juillet 2020 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L.741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande (...) ". Aux termes de l'article R.741-2 du même code : " Lorsque l'étranger ne se présente pas en personne auprès de l'office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, en vue de demander l'asile, la personne est orientée vers l'autorité compétente. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R.741-3 : " L'étranger qui, n'étant pas déjà titulaire d'un titre de séjour, demande l'asile en application de l'article L. 741-1 présente à l'appui de sa demande en vue de son enregistrement :1° Les indications relatives à son état civil (...) ".

3. Mme A... reprend en appel le moyen tiré de ce que les autorités administratives ont méconnu les articles L.741-1, R. 741-2 et R. 741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version applicable au litige, ces autorités n'ayant, selon elle, pas pris en compte son souhait de déposer une demande d'asile formulé lors de son audition le 9 juillet 2020 par les services de police de Thionville. Il y lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à juste titre, au point 3 du jugement attaqué.

4. En deuxième lieu, la décision attaquée mentionne que les parents de l'intéressée se maintiennent irrégulièrement sur le territoire français et qu'elle n'est pas en mesure de pouvoir attester vivre avec sa mère à l'hôtel. Mme A..., qui ne justifie pas que ses parents seraient en situation régulière en France, n'est dès lors pas fondée à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de fait en relevant qu'elle ne dispose pas d'attaches anciennes, intenses et stables en France.

5. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... ne justifie pas d'éléments particuliers d'intégration en France, pays dans lequel elle n'a vécu que quelques années et dans lequel elle s'est rendue avec ses parents, eux-mêmes en situation irrégulière en France. Si elle a suivi une scolarité lorsqu'elle est arrivée en France en 2017, elle n'apporte aucun élément sur la poursuite de celle-ci et sur son intégration en France. Elle ne justifie pas par ailleurs ne plus disposer d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dans ces conditions, c'est sans erreur manifeste d'appréciation que le préfet de la Moselle a pu faire obligation à l'intéressée de quitter le territoire français.

En ce qui concerne la décision pourtant interdiction de retour sur le territoire français :

7. En premier lieu, Mme A... n'établit pas l'illégalité de la décision par laquelle le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

8. En deuxième lieu, en se bornant à soutenir qu'en sa qualité d'albanaise, elle peut en principe circuler dans l'espace Schengen sans justifier d'un visa, Mme A... n'établit pas qu'en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'un an, ce qui entraîne son signalement aux fins de non admission dans le système Schengen, et dont elle pourra toujours demander l'abrogation lorsqu'elle aura quitté le territoire français, le préfet de la Moselle aurait porté une atteinte disproportionnée au principe de la liberté de circulation.

9. En troisième lieu, M. A... soutient que la mesure portant interdiction de retour sur le territoire français porte une atteinte grave et disproportionnée au droit constitutionnel d'asile dès lors qu'elle fait obstacle à son retour en France afin d'y solliciter l'asile. Il résulte toutefois des dispositions du III de l'article L. 511-1 que l'intéressé peut solliciter à tout moment l'abrogation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Si cette demande n'est recevable que si l'intéressé réside hors de France, une telle condition n'est pas de nature à porter atteinte au droit d'asile dès lors que le refus d'entrée sur le territoire ne fait pas obstacle, ainsi que le prévoit le deuxième alinéa de l'article L. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile désormais repris à l'article L. 352-3, au dépôt d'une demande d'asile à la frontière, comme l'a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, aux termes de laquelle il a, dans ses motifs et son dispositif, déclaré conformes à la Constitution les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la violation du droit constitutionnel d'asile doit être écarté.

10. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 du présent jugement, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Laubriat, président,

- M. Meisse, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 avril 2022.

La rapporteure,

signé

S. ROUSSAUXLe président,

signé

A. LAUBRIAT

La greffière,

signé

C. JADELOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

signé

C. JADELOT

2

N° 20NC03189


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03189
Date de la décision : 28/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : CAGLAR

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-04-28;20nc03189 ?
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