Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2020 par lequel le préfet de la Marne a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.
Par un jugement n° 2100140 du 17 mai 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces enregistrées le 16 juillet 2021 et le 24 août 2021, M. A...-abdoulaye, représenté par Me Mainnevret demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 mai 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2020 par lequel le préfet de la Marne a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire étudiant ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- La décision méconnait les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- Elle méconnait l'article 9 de la convention bilatérale entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république centrafricaine relative à la circulation des personnes du 26 septembre 1994 ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- Elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;
- Elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de la Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la convention bilatérale entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république centrafricaine relative à la circulation des personnes du 26 septembre 1994 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Barrois,
- et les observations de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant centrafricain, est entré, à l'âge de dix-neuf ans, le 3 octobre 2019 sous couvert d'un visa long séjour étudiant, sur le territoire français. Son titre de séjour étudiant a été régulièrement renouvelé jusqu'à cette date. Par un arrêté du 14 décembre 2020, le préfet de la Marne a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. Par la présente requête, M. B... fait appel du jugement du 17 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 9 de la convention franco-centrafricaine visée ci-dessus : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre État doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. / Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou de stage et de la possession de moyens d'existence suffisants. (...)". Pour l'application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de renouvellement d'un titre de séjour présentée par un ressortissant centrafricain en qualité d'étudiant, de rechercher si l'intéressé peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement des études et d'apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études poursuivies en tenant compte de l'assiduité, de la progression et de la cohérence du cursus suivi. Ces dispositions font obstacle à l'application aux ressortissants centrafricains des dispositions de droit commun figurant à l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étudiant régulièrement renouvelé depuis son entrée régulière sur le territoire français en octobre 2013 jusqu'au 3 septembre 2020. A la suite de l'obtention d'un BTS management des unités commerciales le 1er juillet 2015, il a suivi une formation de responsable en ressources humaines au centre national des arts et métiers dont les cours se sont tenus de 2015 à 2018 avant d'effectuer les stages en entreprise nécessaires à l'obtention du titre et de présenter son rapport au jury le 19 juin 2020 pour se voir délivrer le 23 juin 2020 le titre à finalité professionnelle de niveau 6 responsable en ressources humaines. Même s'il n'a pas pu suivre avec " assiduité " les cours en licence de droit en raison des stages professionnels qu'il avait l'obligation d'effectuer dans le cadre de sa formation du CNAM et a ainsi été dans l'obligation de reporter la validation des deux premiers semestres de la première année de licence et de la deuxième année de licence à la fin de la troisième année de licence, il ressort des pièces du dossier qu'il a obtenu son diplôme le 8 juillet 2021 pour une licence commencée en septembre 2018, réussissant à valider dans les trois années requises l'ensemble des semestres. Ainsi et alors même qu'il a obtenu son diplôme postérieurement à la décision attaquée, il ressort de cette chronologie que l'intéressé a fait preuve de sérieux et de progression dans le suivi de ses études, validant quatre diplômes depuis son arrivée en France. Par suite, le préfet de la Marne ne pouvait sans méconnaître les stipulations de l'article 9 de la convention bilatérale entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république centrafricaine relative à la circulation des personnes du 26 septembre 1994 précitée refuser pour ce motif de lui délivrer un titre de séjour. Il y a lieu dès lors d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2020 dans toutes ses dispositions.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt, par lequel la cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... n'implique cependant pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de la Marne de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé en tenant compte du motif d'annulation, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans cet intervalle une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Mainnevret, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Mainnevret de la somme de 1200 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2100140 du 17 mai 2021 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et l'arrêté en date du 23 décembre 2020 par lequel le préfet de la Marne a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. B... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Marne de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente de sa décision une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler.
Article 3 : L'Etat versera à Me Mainnevret avocat de M. B... une somme de 1200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Mainnevret renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me Mainnevret et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne
Délibéré après l'audience du 5 avril 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Grossrieder, présidente de chambre,
- Mme Stenger, première conseillère,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2022.
La rapporteure,
Signé : M. BarroisLa présidente,
Signé : S. Grossrieder
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 21NC02064