Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de Nancy d'annuler l'arrêté du 12 août 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et a prononcé une interdiction de retour d'une durée de dix-huit mois à son encontre et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Par un jugement n° 2102392 du 22 octobre 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 21NC02999 le 19 novembre 2021, M. B..., représenté par Me Cissé demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 22 octobre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 août 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et a prononcé une interdiction de retour d'une durée de dix-huit mois à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, laquelle est insuffisamment motivée, a été prise sans examen attentif de sa situation et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est insuffisamment motivée et a été prise sans examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette mesure, qui l'empêche de comparaître personnellement à l'audience du tribunal correctionnel à laquelle il a été convoqué, est en cela contraire à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'à l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
s'agissant de la décision refusant le bénéfice d'un délai de départ volontaire :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle repose sur le risque de fuite ;
s'agissant de la décision portant interdiction de retour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
-elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette mesure, qui l'empêche de comparaître personnellement à l'audience du tribunal correctionnel à laquelle il a été convoqué, est en cela contraire à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'à l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Goujon-Fischer premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant kosovar, est entré en France, selon ses déclarations, en juillet 2013. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 janvier 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 septembre 2014. Par un arrêté du 24 octobre 2014, le préfet de Meurthe-et-Moselle, constatant le rejet de sa demande d'asile, a obligé l'intéressé à quitter le territoire français. Le 31 octobre 2014, M. B... a sollicité son admission au séjour pour raisons de santé. Après avis du médecin de l'Agence régionale de santé, le préfet a confirmé son obligation de quitter le territoire français par une décision du 4 août 2015, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Nancy. De nouvelles demandes d'admission au séjour pour raisons de santé ont été rejetées par décisions du préfet des 18 mai 2017 et 28 juin 2018, cette dernière étant assortie d'une obligation de quitter le territoire français et confirmée, comme cette mesure d'éloignement, par le tribunal administratif de Nancy. Enfin, à la suite d'un contrôle routier par les services de police le 11 août 2021, le préfet a pris à l'encontre de M. B..., le 12 août 2021, un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 18 mois. M. B... relève appel du jugement du 22 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté de l'arrêté du 12 août 2021 :
En ce qui concerne les moyens communs aux diverses décisions :
2. L'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 12 août 2021 énonce en termes suffisamment précis les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 18 mois et satisfait dès lors à l'obligation de motivation de ces décisions. Il ne ressort pas des pièces du dossier que celles-ci auraient été prises sans examen particulier de la situation de M. B....
En ce qui concerne les autres moyens :
S'agissant des moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, M. B... reprend en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, ni discuter la réponse du tribunal quant à leur caractère inopérant, les moyens tirés, par voie d'exception, de l'illégalité d'un prétendu refus de titre de séjour. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 3 de son jugement.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré irrégulièrement en France en 2013, alors âgé de 25 ans, a vu l'ensemble de ses demandes d'asile et d'admission au séjour rejetées et s'est maintenu sur le territoire français malgré les mesures d'éloignement prononcées à son encontre. S'il se prévaut de la présence en France de deux frères, dont il n'établit pas au demeurant la régularité du séjour, il est célibataire et sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine, le Kosovo, où résident sa mère et plusieurs frères et sœurs. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressé, et malgré les liens d'ordre personnel qu'il indique, sans autre précision, avoir développés ou le contrat à durée indéterminée conclu avec son propre frère, la décision l'obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a ainsi pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale du requérant.
5. En troisième lieu, si M. B... indique avoir reçu une convocation devant le tribunal correctionnel de Briey en vue d'une audience le 12 janvier 2022, à la suite du contrôle routier dont il a fait l'objet le 11 août 2021, il lui est loisible de se faire représenter à cette audience et de se prévaloir des dispositions de l'article 410 du code de procédure pénale, selon lesquelles " Le prévenu régulièrement cité à personne doit comparaître, à moins qu'il ne fournisse une excuse reconnue valable par la juridiction devant laquelle il est appelé (...) ", et ainsi d'assurer de manière effective sa défense. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que son éloignement a pour effet de méconnaître son droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
S'agissant des moyens dirigés contre le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
6. En premier lieu, M. B... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, il n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui refusant le bénéfice d'un délai de départ volontaire.
7. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. ' L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ".
8. Il est constant que M. B... s'est soustrait aux mesures d'éloignement dont il a fait l'objet les 24 octobre 2014, 4 août 2015 et 28 juin 2018. Ainsi, le préfet a pu légalement estimer qu'il existait un risque qu'il se soustraie à la nouvelle mesure d'éloignement prononcée à son encontre. Si M. B... fait état de ses attaches personnelles et familiales en France, de son projet de travailler en contrat à durée indéterminée pour son frère et des démarches accomplies pour régulariser son séjour, ces circonstances ne suffisent ni à écarter le risque de soustraction à la mesure d'éloignement, ni à considérer qu'en refusant d'octroyer à l'intéressé un délai de départ volontaire, le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant des moyens dirigés contre l'interdiction de retour sur le territoire français :
9. En premier lieu, M. B... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, il n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de 18 mois.
10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 4 et 5 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter les moyens tirés, à l'encontre de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français, de la méconnaissance, respectivement, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle du requérant, et des articles 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
12. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. B....
Sur les frais liés à l'instance :
13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Agnel, président,
M. Goujon-Fischer, premier conseiller,
M. Marchal, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2022.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. Goujon-FischerLe président,
Signé : M. Agnel
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 21NC02999