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06/04/2022 | FRANCE | N°21NC02501

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 06 avril 2022, 21NC02501


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 10 août 2021 par lequel la préfète du Bas Rhin a décidé sa remise aux autorités italiennes présentées comme responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2105585 du 16 août 2021 la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2021 et des mémoires enregistr

és le 16 novembre 2021 et le 7 janvier 2022, la préfète du Bas Rhin demande à la cour d'annuler ce juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 10 août 2021 par lequel la préfète du Bas Rhin a décidé sa remise aux autorités italiennes présentées comme responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2105585 du 16 août 2021 la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2021 et des mémoires enregistrés le 16 novembre 2021 et le 7 janvier 2022, la préfète du Bas Rhin demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le jugement a estimé qu'il était inéluctable que l'intéressé serait renvoyé au Nigéria par les autorités italiennes.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 novembre 2021, M. A..., représenté par Me Snoeckx conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par la préfète du Bas-Rhin ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 novembre 2021.

Vu :

- l'arrêt n° 21NC02503 du 25 novembre 2021 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant nigérian né en 1993, a déposé une demande d'asile auprès des services de la préfecture du Bas-Rhin le 19 juillet 2021. Les recherches effectuées ont démontré qu'il avait déposé une première demande d'asile le 19 juillet 2018, la consultation du fichier Eurodac ayant permis de constater que ses empreintes avaient été relevées par les autorités autrichiennes, suisses et italiennes. L'administration a saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge ayant donné lieu à un accord implicite le 9 juin 2021. Par arrêté du 10 août 2021, la préfète du Bas-Rhin a décidé de la remise de M. A... aux autorités italiennes désignées comme responsables de sa demande d'asile. La préfète du Bas-Rhin relève appel du jugement du 16 août 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.

Sur le moyen d'annulation retenu par le jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...). ". Aux termes de l'article L. 571-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ". La faculté laissée aux autorités françaises, par ces dispositions, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement précité, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

3. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

4. D'une part, si M. A... soutient qu'il sera persécuté en cas de retour au Nigeria à raison de son orientation sexuelle, il ne justifie pas de la réalité et de l'actualité des risques dont il fait ainsi état. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... serait éloigné vers le Nigeria dès son retour en Italie et qu'il ne pourrait pas y faire valoir tous éléments utiles afin de s'opposer à une telle mesure, une telle circonstance n'étant pas établie par le fait que les autorités italiennes n'ont donné qu'un accord implicite. Par suite, la préfète du Bas-Rhin est fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué, afin d'annuler la décision de remise aux autorités italiennes, a estimé qu'elle avait méconnu les dispositions ci-dessus rappelées de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les moyens soulevés par M. A... à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux.

Sur les autres moyens :

6. En premier lieu, l'arrêté litigieux a été signé par M. B... en vertu d'une délégation de signature du préfet du Bas-Rhin du 30 juillet 2021, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait.

7. En deuxième lieu, tous les éléments d'information requis par les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 UE du 26 juin 2013 ont été remis sans retard à M. A... préalablement à l'arrêté décidant sa remise aux autorités italiennes. Par suite, les moyens de la demande invoqués de ce chef ne sont pas fondés.

8. En troisième lieu, à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Il s'ensuit que la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre de la décision par laquelle l'Etat français remet un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande.

9. En quatrième lieu, l'arrêté attaqué comporte de manière suffisante et non stéréotypée les considérations de droit et de fait sur lesquelles la préfète du Bas-Rhin s'est fondée afin de prendre à l'encontre de M. A... la mesure litigieuse. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait.

10. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin a délivré à M. A... une attestation de demande d'asile contrairement à ce qu'il soutient. La circonstance que l'intéressé n'aurait pas reçu une telle attestation de demande d'asile ou n'aurait pas bénéficié des conditions matérielles d'accueil, demeurent en tout état de cause, sans influence sur la légalité de la décision de remise aux autorités de l'Etat désigné comme responsable de sa demande d'asile.

11. En sixième et dernier lieu, en prenant la mesure litigieuse de remise de M. A... aux autorités italiennes dans le cadre de l'instruction de sa demande d'asile, la préfète du Bas-Rhin n'a porté aucune atteinte manifeste au droit constitutionnel à l'asile, non plus qu'au droit à l'asile et à la protection internationale garanti par la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés. Par suite, les moyens de la demande invoqués de ce chef ne sont pas fondés.

12. Il résulte de ce tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué. Par suite, la préfète du Bas-Rhin est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, verse à l'avocat de M. A... une somme au titre des frais que ce dernier aurait exposés dans la présente instance s'il n'avait été admis à l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2105585 du 16 août 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. A... tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président de chambre,

M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2022.

Le président rapporteur,

Signé : M. AGNELL'assesseur le plus ancien,

Signé : J. F. GOUJON-FISCHERLa greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

N° 21NC02501 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02501
Date de la décision : 06/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : SNOECKX

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-04-06;21nc02501 ?
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