La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/04/2022 | FRANCE | N°21NC02143

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 06 avril 2022, 21NC02143


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... D... épouse C..., Mme F... C..., M. G... C... et M. E... C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 15 décembre 2020 par lesquels la préfète du Bas-Rhin leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°s 2101826, 2101846, 2101865, 2101866 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédur

e devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 23 juillet 2021 sous le n° 21NC0214...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... D... épouse C..., Mme F... C..., M. G... C... et M. E... C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 15 décembre 2020 par lesquels la préfète du Bas-Rhin leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°s 2101826, 2101846, 2101865, 2101866 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 23 juillet 2021 sous le n° 21NC02143, Mme H... D... épouse C..., représentée par Me Rommelaere, demande à la cour :

1°) d'annuler, en ce qui la concerne, le jugement du 8 juillet 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2021 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, au besoin sous astreinte, ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le même délai et au besoin sous astreinte, tout en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- la décision méconnait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les dispositions de l'article L. 313-14 du même article ;

- elle méconnaît les stipulations de l'articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le droit de mener une vie familiale normale

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle ne peut être exécutée.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 16 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 4 mars 2022.

Un mémoire présenté pour la préfète du Bas-Rhin a été enregistré le 7 mars 2022, postérieurement à la clôture d'instruction.

II. Par une requête enregistrée le 23 juillet 2021 sous le n° 21NC02144, Mme F... C..., représentée par Me Rommelaere, demande à la cour :

1°) d'annuler, en ce qui la concerne, le jugement du 8 juillet 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2021 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, au besoin sous astreinte, ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le même délai et au besoin sous astreinte, tout en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- la décision méconnait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les dispositions de l'article L. 313-14 du même article ;

- elle méconnaît les stipulations de l'articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le droit de mener une vie familiale normale

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle ne peut être exécutée.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 16 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 4 mars 2022.

Un mémoire présenté pour la préfète du Bas-Rhin a été enregistré le 8 mars 2022, postérieurement à la clôture d'instruction.

III. Par une requête enregistrée le 23 juillet 2021 sous le n° 21NC02145, M. G... C..., représenté par Me Rommelaere, demande à la cour :

1°) d'annuler, en ce qui le concerne, le jugement du 8 juillet 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2021 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, au besoin sous astreinte, ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le même délai, au besoin sous astreinte, et en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- la décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les dispositions de l'article L. 313-14 du même article ;

- elle méconnaît les stipulations de l'articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le droit de mener une vie familiale normale

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle ne peut être exécutée.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 16 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 4 mars 2022.

Un mémoire présenté pour la préfète du Bas-Rhin a été enregistré le 8 mars 2022, postérieurement à la clôture d'instruction.

IV. Par une requête enregistrée le 23 juillet 2021 sous le n° 21NC02146, M. E... C..., représenté par Me Rommelaere, demande à la cour :

1°) d'annuler, en ce qui le concerne, le jugement du 8 juillet 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2021 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, au besoin sous astreinte, ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le même délai, au besoin sous astreinte, et en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- la décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les dispositions de l'article L. 313-14 du même article ;

- elle méconnaît les stipulations de l'articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le droit de mener une vie familiale normale

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle ne peut être exécutée.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 16 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 4 mars 2022.

Un mémoire présenté pour la préfète du Bas-Rhin a été enregistré le 8 mars 2022, postérieurement à la clôture d'instruction.

Mme D... épouse C..., Mme C... et MM. C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 13 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marchal,

- et les observations de Me Stoco substituant Me Rommelaere pour les consorts C....

1. Mme D... épouse C... est entrée en France, selon ses déclarations, le 25 janvier 2015, accompagnée de sa fille F... et de son fils E... C..., M. G... C... est entré en France, avec M. I... C..., mari de Mme D... épouse C... et père A... F..., G... et Ardija, le 1er mars 2015 afin de rejoindre sa mère et ses frère et sœur. Les demandes d'asile des consorts C... ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui ont été confirmées par la Cour nationale du droit d'asile. Mme D... épouse C..., qui a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour en raison de son état de santé valable du 22 mars 2017 au 21 mars 2018, ainsi que Liridon, F... et Ardijan C..., qui ont fait l'objet, le 22 janvier 2019, de décisions portant refus de délivrance de titre de séjour et les obligeant à quitter le territoire français, ont sollicité, le 12 mai 2020, le délivrance de titres de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que sur le fondement des dispositions l'article L. 313-14 du même code. Par des arrêtés du 15 décembre 2020, la préfète du Bas-Rhin leur a refusé la délivrance de titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leurs pays de destination. Par quatre requêtes, qu'il y a lieu de joindre, Mme D... épouse C..., Mme C... et MM C... font appel du jugement du 8 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier, lieu aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L.313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que les consorts C... sont entrés en France au courant de l'année 2015, mais que, mise à part Mme D... épouse C..., qui a bénéficié d'un titre de séjour valable du 22 mars 2017 au 21 mars 2018, ils résident en France irrégulièrement et ont d'ailleurs fait l'objet de décisions portant obligation de quitter le territoire français adoptée le 22 janvier 2019. Si les requérants justifient s'être ponctuellement investis dans des missions associatives et établissent que Liridon, F... et Ardijan disposent de promesses d'embauches, ces seuls éléments ne sauraient justifier d'une intégration sociale ou professionnelle suffisante. En outre, il ressort également des pièces du dossier que le père A... la fratrie est également en situation irrégulière et fait également l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, alors qu'ils n'établissent pas être dépourvus d'attaches dans leurs pays d'origines, les seules circonstances que le cadet de la fratrie, M. B... C..., soit titulaire d'un titre de séjour en sa qualité de conjoint de français et que d'autres membres plus éloignées de leur famille séjournent régulièrement en France, ne s'opposent pas à ce qu'ils puissent reconstituer leur cellule familiale en dehors de la France. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la durée et aux conditions de leur séjour en France, les décisions contestées n'ont pas porté au droit des requérants au respect de leurs vies privées et familiales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, les décisions contestées ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des requérants.

4. Aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".

5. Compte tenu des circonstances de fait rappelées au point 3, le préfet n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que la situation des intéressés ne caractérisait pas des considérations humanitaires, ni des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français seraient illégales par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour.

7. En deuxième lieu, les requérants font valoir que la décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et leurs droits à mener une vie normale, dès lors qu'ils ont transposé l'ensemble de leurs attaches privées et familiales en France et que Mme D... épouse C... est kosovienne et que le reste de la fratrie est de nationalité macédonienne. Pour autant, d'une part, la circonstance que les intéressés sont de deux nationalités distinctes est sans incidence sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français, seules les décisions fixant le pays de destination pouvaient être contestées au motif qu'il existerait, du fait de la différence de nationalité, un risque de séparation de la fratrie dans deux pays distincts. D'autre part, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions contestées ont porté à leurs droits au respect de leurs vies privées et familiales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises. Par suite le moyen doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions sur la situation des requérants doit être écarté.

8. En troisième lieu, les requérants font valoir que l'exécution des décisions portant obligation de quitter le territoire français est impossible, dès lors qu'elle est conditionnée à ce qu'ils puissent tous être éloignés dans même pays, ce qui ne serait possible qu'en France, de sorte que les décisions sont entachées d'une erreur d'appréciation. Toutefois, un tel moyen est inopérant, dès lors qu'il a trait aux conditions d'exécution des décisions et non leurs légalités. En tout état de cause, les requérants en se bornant à souligner que Mme D... épouse C... ne disposent pas de la même nationalité que les autres membres de la fratrie, n'établissent pas qu'ils ne pourraient reconstituer leur cellule familiale dans un même pays autre que la France, notamment en Macédoine.

Sur les décisions fixant le pays de destination :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant le pays de destination seraient illégales par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français

10. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

11. Les requérants soutiennent avoir subi des extorsions de fonds régulières dans leurs pays d'origines et indiquent que Mme D... épouse C... aurait été victime de violences et d'agressions sexuelles sans pouvoir bénéficier de la protection des autorités, toutefois ils n'apportent aucun élément au soutien de leurs allégations. Les requérant font également valoir que les décisions auront pour conséquences nécessaires de les séparer. Toutefois, à considérer que cette circonstance puisse être appréciée comme un traitement inhumain ou dégradant, les décisions litigieuses ont précisément indiqué que l'éloignement ne pourrait se faire que dans un pays où l'ensemble de la fratrie est admissible. Par suite, et dès lors au demeurant que les requérants n'établissent pas qu'ils ne pourraient être admis au sein d'un même pays autre que la France, notamment en Macédoine où Mme D... épouse C... a déjà pu résider, dès lorsqu'elle y a donné naissance à ses enfants, le moyen doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de Mme D... épouse C..., de Mme C... et de MM. C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêté sera notifié à Mme H... D... épouse C..., à Mme F... C..., à M. E... C..., à M. G... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Agnel, président,

- M. Goujon-Fischer, premier conseiller

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2022.

Le rapporteur,

Signé : S. MARCHALLe président,

Signé : M. AGNEL

La greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

2

N°s 21NC02143, 21NC02144, 21NC02145, 21NC02146


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02143
Date de la décision : 06/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : ROMMELAERE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-04-06;21nc02143 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award