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29/03/2022 | FRANCE | N°19NC00807

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 29 mars 2022, 19NC00807


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier régional de Metz-Thionville a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 mai 2017 par lequel le directeur général de l'agence régionale de santé du Grand Est a autorisé la clinique Ambroise Paré à exercer l'activité de soins de traitement du cancer par la pratique thérapeutique de chirurgie des cancers mammaires, ensemble la décision implicite intervenue le 17 janvier 2018 par laquelle la ministre des solidarités et de la santé a rejeté son recours

hiérarchique formé par un courrier du 10 juillet 2017.

Par un jugement n° 18...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier régional de Metz-Thionville a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 mai 2017 par lequel le directeur général de l'agence régionale de santé du Grand Est a autorisé la clinique Ambroise Paré à exercer l'activité de soins de traitement du cancer par la pratique thérapeutique de chirurgie des cancers mammaires, ensemble la décision implicite intervenue le 17 janvier 2018 par laquelle la ministre des solidarités et de la santé a rejeté son recours hiérarchique formé par un courrier du 10 juillet 2017.

Par un jugement n° 1801260 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mars 2019, le centre hospitalier régional de

Metz-Thionville, représenté par Me Olszak, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801260 du tribunal administratif de Strasbourg du 22 janvier 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé du Grand Est du 3 mai 2017 et la décision implicite de rejet de la ministre des solidarités et de la santé, intervenue le 17 janvier 2018 ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de l'agence régionale de santé du Grand Est la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté du 3 mai 2017 est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté en litige a été adopté à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le dossier de demande d'autorisation présenté par la clinique Ambroise Paré comportait des omissions substantielles ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que l'autorité administrative n'a pas été en mesure de procéder à un contrôle complet et effectif des critères énoncés au premier alinéa de l'article L. 6122-2 du code de la santé publique, complétés et précisés, pour chaque type d'activité de soins, par les dispositions réglementaires de ce même code ;

- en délivrant l'autorisation contestée, le directeur général de l'agence régionale de santé du Grand Est a commis une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2019, la clinique Ambroise Paré, représentée par Me Callet, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du centre hospitalier régional de Metz-Thionville de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2019, la ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 29 mars 2007 fixant les seuils d'activité minimale annuelle applicables à l'activité de soins de traitement du cancer ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meisse,

- et les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Membre depuis 2014 du groupe " Louis Pasteur A... B... ", la clinique Ambroise Paré est un établissement privé de santé implanté à Thionville (Moselle). Par une demande reçue le 29 novembre 2016, elle a sollicité la délivrance d'une autorisation d'activité de soins de traitement du cancer par la pratique thérapeutique de chirurgie des cancers mammaires. A la suite de l'avis favorable de la commission spécialisée pour l'organisation des soins de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie du Grand Est du 2 mars 2017, le directeur général de l'agence régionale de santé du Grand Est, par un arrêté du 3 mai 2017, publié au recueil des actes administratifs de la région Grand Est le 1er juin 2017, a fait droit à cette demande. Cet arrêté précise que, sous peine de caducité de l'autorisation dont la durée de validité est de cinq ans, le projet devra faire l'objet d'un commencement d'exécution dans un délai de trois ans et sa mise en œuvre devra être achevée dans un délai de quatre ans à compter de la notification au bénéficiaire de la décision. Comptant parmi ses sites l'hôpital Bel-Air de Thionville, qui dispose également d'une autorisation d'activité de soins de traitement du cancer par chirurgie des cancers mammaires, le centre hospitalier régional de Metz-Thionville a formé, devant la ministre des solidarités et de la santé, par un courrier du 10 juillet 2017 reçu le 17 juillet suivant, le recours hiérarchique prévu aux articles L. 6122-10-1 et R. 6122-42 du code de la santé publique afin d'obtenir le retrait de l'arrêté du 3 mai 2017. Si le comité national de l'organisation sanitaire et sociale s'est prononcé, lors de sa séance du 23 janvier 2018, en faveur de ce recours, le silence gardé par la ministre pendant un délai de six mois a fait naître une décision implicite de rejet intervenue le 17 janvier 2018. Le centre hospitalier régional de Metz-Thionville a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 mai 2017 et de la décision implicite de rejet du 17 janvier 2018. Il relève appel du jugement n° 1801260 du 22 janvier 2019, qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes, d'une part, du premier alinéa de l'article L. 6122-1 du code de la santé publique : " Sont soumis à l'autorisation de l'agence régionale de santé les projets relatifs à la création de tout établissement de santé, la création, la conversion et le regroupement des activités de soins, y compris sous la forme d'alternatives à l'hospitalisation ou d'hospitalisation à domicile, et l'installation des équipements matériels lourds. ". Aux termes de l'article L. 6122-2 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorisation est accordée lorsque le projet : 1° Répond aux besoins de santé de la population identifiés par les schémas mentionnés aux articles L. 1434-2 et L. 1434-6 ; 2° Est compatible avec les objectifs fixés par ce schéma ; 3° Satisfait à des conditions d'implantation et à des conditions techniques de fonctionnement. / Des autorisations dérogeant aux 1° et 2° peuvent être accordées à titre exceptionnel et dans l'intérêt de la santé publique après avis de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie compétente pour le secteur sanitaire. / (...) ".

3. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 6122-9 du même code : " L'autorisation d'activités ou d'équipements relevant d'un schéma régional est donnée ou renouvelée par l'agence régionale de santé après avis de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie compétente pour le secteur sanitaire. / (...) / La décision de l'agence régionale de santé est notifiée au demandeur dans un délai maximum de six mois suivant la date d'expiration de la période de réception des demandes. Cette décision est motivée (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 6122-40 du code de la santé publique : " La lettre par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé notifie la décision explicite qu'il a prise après avis de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie dans les cas prévus aux articles L. 6122-9, L. 6122-12 et L. 6122-13 comporte la motivation de cette décision et est adressée au demandeur de l'autorisation ou au titulaire de l'autorisation suspendue, modifiée ou retirée par lettre recommandée avec avis de réception. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige du 3 mai 2017 vise l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires du code de la santé publique relatives aux autorisations en matière d'équipement sanitaire, ainsi que le schéma régional d'organisation des soins de B... validé le 20 juillet 2012 et l'avis favorable de la commission spécialisée de l'organisation des soins de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie du Grand Est du 2 mars 2017. Il relève que la demande d'autorisation d'activité de soins de traitement du cancer par la pratique thérapeutique de chirurgie des cancers mammaires de la clinique Ambroise Paré, reçue le 29 novembre 2016, répond aux besoins de santé de la population identifiés par le schéma régional d'organisation des soins et est compatible avec les objectifs fixés par ce schéma. Il souligne encore, s'agissant des conditions d'implantation et des conditions techniques de fonctionnement, que, eu égard à la chirurgie carcinologique déjà pratiquée au sein de l'établissement pour les spécialités urologiques et digestives, l'organisation de la prise en charge du patient est acquise et que l'étude de la prévision d'activité est pertinente. Il rappelle enfin les engagements de la demanderesse mentionnés aux articles L. 6122-5, R. 6122-23 et R. 6122-24 du code de la santé publique, ainsi que ceux relatifs au respect des effectifs et de la qualification, au maintien des caractéristiques du projet et à la réalisation d'une évaluation. Contrairement aux allégations du requérant, le directeur général de l'agence régionale de santé du Grand Est, qui a motivé sa décision au regard des trois critères mentionnés au premier alinéa de l'article L. 6122-2 du code de la santé publique, n'avait pas à se prononcer expressément sur la compatibilité du projet avec les différents critères d'agrément définis par l'Institut national du cancer ou avec l'ensemble des conditions d'implantation et des conditions techniques de fonctionnement exigées, pour le traitement du cancer, par les articles R. 6123-88, R. 6123-89 et D. 6124-132 du code de la santé publique. Il n'était pas davantage tenu de viser les dispositions en cause, ni d'expliciter les objectifs et les besoins de santé de la population fixés et identifiés par le schéma régional d'organisation des soins, lequel a donné lieu à une publication au recueil des actes administratifs de la préfecture de région conformément au troisième alinéa de l'article R. 6122-30 du même code. Dans ces conditions, alors même que l'avis favorable de la commission spécialisée de l'organisation des soins de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie du Grand Est du 2 mars 2017 n'était pas joint à l'arrêté du 3 mai 2017, l'autorisation accordée à la clinique Ambroise Paré est comme suffisamment motivée en droit et en fait. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 6122-32 du code de la santé publique : " Les demandes d'autorisation (...) ne peuvent, après transmission du directeur général de l'agence régionale de santé, être examinées que si elles sont accompagnées d'un dossier justificatif complet. / Le dossier est réputé complet si, dans le délai d'un mois à compter de sa réception dans une des périodes mentionnées à l'article R. 6122-29, le directeur général de l'agence régionale de santé n'a pas fait connaître au demandeur, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la liste des pièces manquantes ou incomplètes. / Dans le cas où un dossier incomplet n'a pas été complété à la date d'expiration de la période de réception applicable, le délai de six mois mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 6122-9 ne court pas. L'examen de la demande est reporté à la période suivante, sous réserve que le dossier ait été complété. ". Aux termes de l'article R. 6122-32-1 du même code : " Le dossier justificatif prévu à l'article R. 6122-32 comporte : / 1° Une partie administrative dans laquelle figurent : / a) L'identité, l'adresse et le statut juridique de la personne physique ou morale (...), qui demande l'autorisation pour son compte, ainsi que la copie des statuts de l'organisme ou, le cas échéant, de la société (...) ; / b) Soit les éléments du projet d'établissement sur lesquels se fonde la demande d'autorisation d'activités de soins ou d'équipement matériel lourd lorsque le demandeur est un établissement public de santé ou un centre de lutte contre le cancer, soit la délibération de l'organe délibérant relative au projet objet de la demande d'autorisation lorsque le demandeur est une personne morale de droit privé autre qu'un tel centre ; / c) La présentation de l'opération projetée ou la mise en œuvre des activités de soins envisagée, notamment au regard du schéma d'organisation des soins ; / d) L'indication des objectifs du schéma d'organisation sanitaire auxquels le demandeur entend répondre ainsi que ceux, quantifiés, de l'offre de soins et, le cas échéant, les opérations figurant à l'annexe de ce schéma qu'il prévoit de réaliser ; / e) Les engagements du demandeur sur les points suivants : -réalisation et maintien des conditions d'implantation des activités de soins et des équipements matériels lourds ainsi que des conditions techniques de fonctionnement fixées en application des articles L. 6123-1 et L. 6124-1 ; -maintien des autres caractéristiques du projet après l'autorisation ou le renouvellement de celle-ci ; - le montant des dépenses à la charge de l'assurance maladie ou le volume d'activité, en application de l'article L. 6122-5 ; / f) Les conventions de coopération passées, s'il y a lieu, par le demandeur avec un ou plusieurs autres établissements ou professionnels de santé, ainsi que la mention de son appartenance, le cas échéant, aux réseaux de santé définis à l'article L. 6321-1 ; / 2° Une partie relative aux personnels, décrivant l'état des effectifs, administratifs, médicaux et d'autres catégories, exerçant ou appelés à exercer dans l'établissement, et faisant apparaître les engagements du demandeur en ce qui concerne les effectifs et la qualification des personnels, notamment médicaux, nécessaires à la mise en place du projet ; / 3° Une partie technique et financière comportant les éléments suivants : / a) Une présentation générale de l'établissement ou des établissements intéressés en cas de demande d'autorisation de regroupement, précisant les activités de soins exercées ainsi que les équipements matériels lourds autorisés ; / b) Une description des installations, des services ou des équipements matériels lourds compris dans l'opération et faisant apparaître le respect des conditions réglementaires fixées en application des articles L. 6123-1 et L. 6124-1, ainsi que, le cas échéant, de celles relatives à la protection contre les dangers des rayonnements ionisants ; / c) Les modalités précises de financement du projet, une présentation du compte ou du budget prévisionnel d'exploitation, et, lorsqu'il s'agit d'un établissement public de santé, les éléments du plan global de financement pluriannuel des investissements prévu à l'article R. 6145-65 relatifs à l'opération ; / 4° Une partie relative à l'évaluation de l'activité comportant, en application de l'article L. 6122-5, l'engagement du demandeur de procéder à cette évaluation dans les conditions prévues aux articles R. 6122-23 et R. 6122-24, et précisant : / a) Les objectifs qu'il se fixe pour mettre en œuvre les objectifs du schéma d'organisation des soins, notamment au regard de l'accessibilité, de la qualité et de la sécurité des soins, ainsi que de la continuité et de la prise en charge globale du patient ; b) Les indicateurs supplémentaires qu'il envisage d'utiliser en vertu du dernier alinéa de l'article R. 6122-24 ; c) Les modalités de recueil et de traitement des indicateurs prévus audit article ; d) Les modalités de participation des personnels médicaux et non médicaux intervenant dans la procédure d'évaluation ; e) Les procédures ou les méthodes d'évaluation de la satisfaction des patients. / Pour établir cette partie du dossier, le demandeur utilise, lorsqu'elles existent, les méthodes publiées par la Haute Autorité de santé pour l'activité de soins ou l'équipement matériel lourd considéré. ".

6. Contrairement aux allégations du requérant, qui ne saurait utilement se prévaloir à cet égard de ce que l'avis de la commission spécialisée de l'offre de soins du 2 mars 2017 serait insuffisamment détaillé sur l'évaluation de la qualité de la prise en charge, il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande d'autorisation présentée par la clinique Ambroise Paré, qui a été reconnu complet le 30 novembre 2016, comporte successivement, conformément aux dispositions de l'article R. 6122-32-1 du code de la santé publique, une partie administrative dans laquelle sont notamment précisés les engagements de la demanderesse et la compatibilité de son projet avec les objectifs opérationnels et les objectifs quantifiés de l'offre de soins relatifs aux implantations sur le territoire mosellan des établissements pratiquant la chirurgie du cancer mammaire, fixés et identifiés dans le schéma régional d'organisation des soins, une partie technique incluant les questions relatives au personnel, une partie financière indiquant les prévisions d'activité au titre des années 2017, 2018 et 2019 et une partie dédiée à l'évaluation de cette activité. S'il est vrai que la copie des statuts de l'établissement et la délibération de son organe ayant délibéré sur le projet ne figurent pas parmi les pièces annexées au dossier, il résulte des données fournies par la partie administrative que la clinique Ambroise Paré est constituée sous la forme d'une société anonyme à responsabilité limitée et qu'elle est représentée légalement par ses

deux co-gérants. Dans ces conditions et alors que la défenderesse dispose, par ailleurs, de plusieurs autorisations pour l'activité de traitement du cancer par la chirurgie dans les disciplines urologiques et digestives et pour la pratique de la chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, les documents manquants n'ont pas été de nature à fausser l'appréciation portée par le directeur général de l'agence régionale de santé du Grand Est sur la conformité du projet aux dispositions législatives et réglementaires applicables. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'incomplétude du dossier de demande.

7. En troisième lieu, il ne résulte ni des motifs de l'arrêté en litige du 3 mai 2017, ni d'aucune des autres pièces du dossier que le directeur général de l'agence régionale de santé se serait abstenu de vérifier que le projet soutenu par la clinique Ambroise Paré répond aux besoins de santé de la population identifiés par le schéma régional de l'organisation des soins, qu'il est compatible avec les objectifs fixés par ce même schéma et qu'il satisfait à des conditions d'implantation et à des conditions techniques de fonctionnement. Dans ces conditions et alors que l'avis de la commission spécialisée de l'offre de soins du 2 mars 2017 se prononce sur le respect par la demande d'autorisation des critères mentionnés au premier alinéa de l'article L. 6122-2 du code de la santé publique, complétés et précisés, s'agissant du traitement du cancer, par les articles R. 6123-88, R. 6123-89 et D. 6124-132 du même code, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le directeur général de l'agence régionale de santé en méconnaissant l'étendue de son office doit également être écarté.

8. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 6122-25 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Sont soumises à l'autorisation prévue à l'article L. 6122-1 les activités de soins, y compris lorsqu'elles sont exercées sous la forme d'alternatives à l'hospitalisation, énumérées ci-après : (...) 18° Traitement du cancer ; (...) ". Aux termes de l'article R. 6123-86 du même code : " L'activité de soins de traitement du cancer mentionnée au 18° de l'article R. 6122-25 consiste à traiter les tumeurs solides malignes ou les hémopathies malignes. Ce traitement est médical, chirurgical ou réalisé par radiothérapie externe, par curiethérapie, ou par utilisation thérapeutique de radioéléments en sources non scellées. ". Aux termes de l'article R. 6123-87 du code de la santé publique : " L'autorisation prévue par l'article L. 6122-1 nécessaire pour exercer l'activité de soins du cancer mentionnée au 18° de l'article R. 6122-25 est accordée pour une ou plusieurs des pratiques thérapeutiques suivantes : 1° Chirurgie des cancers ; 2° Radiothérapie externe, curiethérapie, dont le type est précisé ; 3° Utilisation thérapeutique de radioéléments en sources non scellées ; 4° Chimiothérapie ou autres traitements médicaux spécifiques du cancer. ". Aux termes de l'article R. 6123-88 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorisation ne peut être accordée que si le demandeur : / 1° Est membre d'une coordination des soins en cancérologie, soit un réseau régional reconnu par l'Institut national du cancer, soit, à défaut, un réseau territorial dont la convention constitutive a été approuvée par le directeur général de l'agence régionale de santé ; / 2° Dispose d'une organisation, mise en place le cas échéant conjointement avec d'autres titulaires d'une autorisation de traitement du cancer, qui assure à chaque patient : / a) L'annonce du diagnostic et d'une proposition thérapeutique fondée sur une concertation pluridisciplinaire selon des modalités conformes aux référentiels de prise en charge définis par l'Institut national du cancer en application du 2° de l'article L. 1415-2 et traduite dans un programme personnalisé de soins remis au patient ; / b) La mise en œuvre de traitements conformes à des référentiels de bonne pratique clinique définis par l'Institut national du cancer en application du 2° de l'article L. 1415-2 ou, à défaut, conformes à des recommandations faisant l'objet d'un consensus des sociétés savantes ; cette disposition est également applicable lorsque les traitements sont mis en œuvre dans les conditions prévues au a de l'article R. 6123-94 ; / c) L'accès aux soins et aux soutiens nécessaires aux personnes malades tout au long de la maladie, notamment la prise en charge de la douleur, le soutien psychologique, le renforcement de l'accès aux services sociaux et, s'il y a lieu, la démarche palliative ; / 3° Satisfait aux critères d'agrément définis par l'Institut national du cancer en application du 2° de l'article L. 1415-2 en matière de qualité de la prise en charge des affections cancéreuses ; / 4° Assure aux patients, soit par lui-même, le cas échéant en lien avec une des structures existant dans des pays étrangers, soit par une convention avec d'autres établissements de santé titulaires de l'autorisation mentionnée au premier alinéa, l'accès aux traitements innovants et aux essais cliniques, en s'appuyant sur l'organisation prévue en cette matière par le schéma régional d'organisation des soins. ". Aux termes de l'article R. 6123-89 du même code : " L'autorisation ne peut être délivrée ou renouvelée que si le demandeur respecte les seuils d'activité minimale annuelle arrêtés par le ministre chargé de la santé en tenant compte des connaissances disponibles en matière de sécurité et de qualité des pratiques médicales. Ces seuils concernent certaines thérapeutiques ou certaines interventions chirurgicales, éventuellement par appareil anatomique ou par pathologie, déterminées en raison de leur fréquence, ou de la complexité de leur réalisation ou de la prise en charge ultérieure. Ils prennent en compte le nombre d'interventions effectuées ou le nombre de patients traités sur les trois années écoulées. La décision d'autorisation précise les thérapeutiques ou les interventions que pratique le titulaire de l'autorisation par référence à ces seuils d'activité. / Toutefois, à titre dérogatoire, la première autorisation peut être accordée à un demandeur dont l'activité prévisionnelle annuelle est, au commencement de la mise en œuvre de cette autorisation, au moins égale à 80 % du seuil d'activité minimale prévu à l'alinéa précédent sous la condition que l'activité réalisée atteigne le niveau de ce seuil au plus tard dix-huit mois après la visite de conformité. Ce délai est porté à trente-six mois lorsque l'autorisation concerne l'exercice de l'activité de soins par la modalité de radiothérapie externe. / L'activité minimale annuelle que le titulaire de l'autorisation doit réaliser en application des dispositions précédentes est mentionnée dans la décision d'autorisation comme engagement relatif au volume d'activité pris par le demandeur en application de l'article L. 6122-5. ". Aux termes de l'article D. 6124-132 du même code : " Le titulaire de l'autorisation organise la continuité de la prise en charge et, s'il y a lieu, la coordination des soins des patients qu'il traite, au sein de l'établissement et par des conventions passées avec d'autres établissements ou personnes titulaires de l'autorisation mentionnée à l'article R. 6123-87. / Il assure de la même façon le traitement des complications et des situations d'urgence. / Lorsqu'il n'exerce pas l'activité de soins de réanimation définie à l'article R. 6123-33, ou ne dispose pas des moyens nécessaires aux soins intensifs mentionnés à l'article D. 6124-104 ou des moyens permettant la surveillance continue mentionnée à l'article D. 6124-117, il passe avec d'autres établissements des conventions assurant la prise en charge sans délai des patients concernés. ".

9. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet soutenu par la clinique Ambroise Paré irait à l'encontre tant des objectifs opérationnels du schéma régional de l'organisation des soins de la région B... et des objectifs quantifiés de l'offre de soins identifiés par ce même schéma, qui prévoient l'implantation sur le territoire mosellan de quatre à six établissements pratiquant la chirurgie du cancer mammaire, alors qu'il en existe actuellement cinq, que des orientations du plan cancer 2014-2019 et des critères d'agrément définis par l'Institut national du cancer, y compris les critères spécifiques à la chirurgie carcinologique mammaire. De même, il n'est pas sérieusement contesté que la défenderesse, qui est titulaire d'autorisations pour l'activité de traitement du cancer par la chirurgie dans les disciplines urologiques et digestives, ainsi que pour la pratique de la chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, est membre du réseau de cancérologie de la région Grand Est (réseau " ONCOLOR ") et participe au centre de coordination en cancérologie porté par la clinique Claude Bernard de Metz. Elle est dotée d'une organisation assurant à chaque patient la mise en œuvre de traitements conformes à des référentiels de bonne pratique clinique définis par l'Institut national du cancer ou conformes à des recommandations faisant l'objet d'un consensus des sociétés savantes, l'annonce du diagnostic et d'une proposition thérapeutique fondée sur une concertation pluridisciplinaire et traduite dans un programme personnalisé de soins, l'accès par le biais du réseau " ONCOLOR " et du centre de coordination en cancérologie à des traitements innovants et aux essais cliniques, notamment en matière de chimiothérapie, de radiothérapie ou d'oncologie médicale, ou encore, grâce à la constitution d'une équipe pluridisciplinaire composée d'une diététicienne, d'une psychologue libérale, d'une assistante sociale et de trois kinésithérapeutes et à la mise en place d'un comité de lutte contre la douleur, l'accès aux soins de support et de soutien. Par ailleurs, en conformité avec les critères d'admission définis par l'Institut national du cancer, la clinique Ambroise Paré a conclu avec d'autres établissements publics ou privés, dont le centre hospitalier régional de Metz-Thionville, diverses conventions afin de permettre aux patients concernés, en amont ou en aval du traitement chirurgical de leur cancer, de bénéficier de soins complémentaires (médecine nucléaire, chimiothérapie, radiothérapie, soins intensifs et de réanimation et soins palliatifs) et de leur garantir une filière de soins organisée et structurée. Enfin et alors que la clinique Ambroise Paré a fait l'acquisition, le 9 août 2017, d'un appareil permettant la détection du ganglion sentinelle, qu'elle est autorisée à pratiquer la plastie mammaire, qu'elle comprend plusieurs blocs opératoires et une unité de soins continus permettant la surveillance postopératoire des patients et qu'elle est dispose dans ses locaux d'un équipement de tomodensitométrie et de plusieurs appareils radiologiques conventionnels ou mobiles pour le bloc opératoire et d'échographie, ainsi que de plages d'utilisation de l'appareil d'imagerie par résonance magnétique (IRM) implanté sur le site de l'hôpital Bel-Air de Thionville en vertu d'une convention de mise à disposition conclue le 10 septembre 1996, il n'est pas démontré que le plateau technique proposé par cet établissement serait inadapté ou insuffisant pour le traitement du cancer mammaire par la chirurgie.

10. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la clinique Ambroise Paré a décidé d'affecter à l'activité visée par l'autorisation litigieuse, en sus d'une partie du personnel non médical dont elle dispose (infirmières, aides-soignantes) et de l'équipe pluridisciplinaire constituée par une diététicienne, une psychologue, une assistante sociale et trois kinésithérapeutes, un chirurgien esthétique et deux praticiens spécialisés dans la chirurgie du cancer, dont un gynécologue obstétricien. S'il est vrai, ainsi qu'il résulte de la note en délibéré produite par la défenderesse devant le tribunal administratif de Strasbourg le 20 décembre 2018, que ce praticien, qui a participé au montage du projet, a finalement décidé de ne pas intégrer l'équipe médicale et que le recrutement de son successeur est actuellement suspendu dans l'attente de la résolution définitive du litige opposant cet établissement au centre hospitalier de Metz-Thionville, une telle circonstance, postérieure à la décision en litige, est, contrairement à ce que soutient le requérant, sans incidence sur sa légalité.

11. Enfin, il ressort encore des pièces du dossier, spécialement du dossier de la demande d'autorisation présentée par la clinique Ambroise Paré, que les prévisions d'activité pour le traitement par chirurgie du cancer mammaire ont été évaluées par la pétitionnaire à cinquante patientes la première année, à cent patientes la deuxième année et à cent cinquante patientes la troisième année. Pour contester ces estimations, le centre hospitalier régional de Metz-Thionville ne saurait utilement faire valoir que l'autorisation accordée à l'établissement, le 15 juillet 2009, pour l'exercice de la même activité de soins a été retirée, le 30 mai 2013, au motif que le nombre d'interventions pratiquées annuellement était inférieur au seuil minimal de trente fixé par l'arrêté du 29 mars 2007, ni que, depuis l'entrée en vigueur de l'autorisation contestée, une seule patiente a été prise en charge, un tel résultat s'expliquant par la suspension actuelle de l'activité en cause. Dans ces conditions, eu égard aux données fournies par l'Agence technique de l'information de l'hospitalisation, qui fait état d'un taux de fuite important d'environ deux cents patientes par an appartenant au bassin de Thionville, principalement vers les centres de Metz et de Nancy, les prévisions d'activité de la clinique Ambroise Paré n'apparaissent pas irréalistes ou erronées.

12. Dans ces conditions, compte tenu de tout ce qui a été dit aux point 9 à 11 du présent arrêt et alors que, au demeurant, les agents en charge de la visite de conformité effectuée le 30 août 2018 ont émis un avis favorable, tout en recommandant le recrutement rapide d'un gynécologue obstétricien afin de conforter l'activité, le directeur général de l'agence régionale de santé du Grand Est n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en faisant droit à la demande d'autorisation d'activité de soins présentée par la clinique Ambroise Paré.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier régional de

Metz-Thionville n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 3 mai 2017 et de la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique intervenue le 17 janvier 2018, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais de justice :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis solidairement à la charge de l'Etat et de l'agence régionale de santé du Grand Est la somme réclamée par le centre hospitalier régional de Metz-Thionville au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du requérant le versement à la clinique chirurgicale Ambroise Paré d'une somme de 2 000 euros en application des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du centre hospitalier régional de Metz-Thionville est rejetée.

Article 2 : Le centre hospitalier régional de Metz-Thionville versera à la clinique Amboise Paré une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier régional de

Metz-Thionville, à la clinique Ambroise Paré, à l'agence régionale de santé du Grand Est et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président de de la chambre,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022.

Le rapporteur,

Signé : E. MEISSE

Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 19NC00807 2


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