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22/03/2022 | FRANCE | N°19NC00450

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 22 mars 2022, 19NC00450


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Sarrebourg a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner in solidum, sinon conjointement, M. A... B..., la société Corbiaux Sols, représentée par la SELAS Koch et associés, mandataire judiciaire, la société Bureau Veritas et la société Strubel, d'une part, à lui payer la somme de 45 316,72 euros HT (50 380,06 euros TTC) à raison des désordres affectant le sol de la salle de tennis de table du centre sportif Pierre de Coubertin et, d'autre part, à lui payer la somme de 7

450,80 euros TTC à raison des frais d'expertise exposés.

Par un jugement n°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Sarrebourg a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner in solidum, sinon conjointement, M. A... B..., la société Corbiaux Sols, représentée par la SELAS Koch et associés, mandataire judiciaire, la société Bureau Veritas et la société Strubel, d'une part, à lui payer la somme de 45 316,72 euros HT (50 380,06 euros TTC) à raison des désordres affectant le sol de la salle de tennis de table du centre sportif Pierre de Coubertin et, d'autre part, à lui payer la somme de 7 450,80 euros TTC à raison des frais d'expertise exposés.

Par un jugement n° 1603269 du 19 décembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné solidairement M. A... B..., la société Strubel et la société Corbiaux Sols à verser à la commune de Sarrebourg la somme de 50 380,06 euros. Il a également mis les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 7 420,80 euros à la charge solidaire de M. A... B..., de la société Strubel et de la société Corbiaux Sols ainsi que la somme de 1 500 euros à verser solidairement à la commune de Sarrebourg sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Enfin, il a mis à la charge de M. A... B... la somme de 1 000 euros à verser à la société Bureau Véritas Construction et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 février 2019 et 26 novembre 2020, la société Strubel, représentée par Me Hanriat de l'AAARPI Seguin et Hanriat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 19 décembre 2018 en tant qu'il l'a condamnée solidairement avec M. A... B..., la société Corbiaux Sols à verser à la commune de Sarrebourg les sommes de 50 380,06 euros en réparation du préjudice matériel, la somme de 7 420,80 euros au titre des frais d'expertise et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de débouter la commune de Sarrebourg ou tout autre concluant de toutes prétentions, fins et moyens dirigés à son encontre ;

3°) de débouter tout autre concluant de l'ensemble de son appel en garantie à son encontre ;

4°) à titre subsidiaire, si une condamnation devait être prononcée à son encontre, de condamner M. A... B... et la société Corbiaux Sols, sur le fondement de la garantie délictuelle, à la garantir intégralement ou à défaut, de déterminer les quotes-parts de responsabilité respective des différents intervenants à l'acte de construire dont la responsabilité est retenue par la cour afin d'assurer leur recours devant la juridiction civile ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Sarrebourg les entiers dépens ainsi que la somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que sa responsabilité décennale a été engagée ; la preuve de son imputabilité dans les désordres n'est pas rapportée ;

- l'expert judiciaire, qui a pris connaissance du dire de son conseil du 25 janvier 2013, a indiqué clairement dans son rapport du 10 avril 2015 que la responsabilité de la société Strubel n'était pas engagée ;

- l'expert impute la cause du désordre à la mise en œuvre d'un revêtement de sol souple appliqué sur le dallage alors que ce dernier n'était pas suffisamment et uniformément sec ; or le séchage imparfait de la dalle ou l'existence d'une humidité résiduelle de la dalle ne saurait en aucun cas être imputé à l'entreprise titulaire du lot " gros œuvre " ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu sa responsabilité du fait de l'absence de pose d'un joint périphérique ainsi que celle d'un film de polyane sous la dalle :

• l'existence ou non d'un joint périphérique n'a aucun lien avec la présence d'une humidité résiduelle de la dalle ;

• il n'a jamais été démontré l'absence de film polyane sous la dalle ; en tout état de cause, la mise en œuvre ou non d'un film polyane ne peut être retenue comme une cause expliquant la survenance des désordres ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu sa responsabilité du fait du prétendu caractère hétérogène des bétons utilisés :

• d'une part il n'y a aucun élément dans le dossier qui permet de dire que c'est le cas ;

• en tout état de cause dans l'hypothèse où les bétons mis en œuvre ne seraient pas hétérogènes, cela ne peut pas être à l'origine du désordre car il suffisait alors d'allonger le temps de séchage, ce qui incombe au maître d'œuvre et à la société titulaire du lot " revêtement de sol " ;

• la société Corbiaux Sols et le maître d'œuvre étaient parfaitement informés, notamment par le rapport initial du bureau de contrôle Véritas du 19 juin 2008, soit avant la pose de revêtement de sols, de la nécessité de veiller au séchage de la dalle avant toute mis en œuvre du revêtement de sol ;

- il appartenait à la société Corbiaux Sols et au maître d'œuvre de proposer, si besoin, un dispositif complémentaire au maître d'ouvrage de désolidarisation et donc d'anti-remontée d'humidité entre le dallage et le revêtement de sol sportif, et non pas entre le sol support et le dallage ;

- il appartenait à la société Corbiaux Sols, titulaire du lot " revêtement de sol ", au maître d'œuvre et au bureau en charge de la mission LP de s'assurer du respect des prescriptions techniques du DTU 53-2 relatif au revêtement de sol collé d'avril 2007 et paru au moment de la réalisation des travaux et de proposer une couche d'interposition ;

- la maitrise d'œuvre est également responsable car elle avait en charge une mission d'étude d'exécution des travaux pour la partie gros œuvre et pour le dallage

- si sa responsabilité décennale devait être retenue, elle est fondée à appeler en garantie le maître d'œuvre, M. A... B..., et la société Corbiaux Sols sur le fondement de la responsabilité délictuelle ;

- sa responsabilité ne pourra excéder 10 % tandis que celles de la société Corbiaux Sols et du maître d'œuvre devra être évaluée à 45% chacun ;

- les appels en garantie formés par la société Bureau Véritas et M. A... B... ne sont justifiés ni juridiquement ni factuellement.

Par deux mémoires enregistrés les 11 avril 2019 et 18 juin 2020, M. A... B..., représenté par Me Zine, conclut :

1°) à titre principal, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 19 décembre 2018 dans son intégralité, à ce qu'il soit mis hors de cause et au rejet de toutes demandes dirigées à son encontre ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que la société Corbiaux Sols la garantisse intégralement de toutes condamnations susceptibles d'intervenir à son encontre en raison des fautes constatées dans la réalisation des travaux de pose de revêtement de sol, sur la base de la responsabilité délictuelle ;

3°) à titre plus subsidiaire, à ce que sa responsabilité soit en tout état de cause limitée à 10 %, à ce que les parties défenderesses le garantissent de toutes condamnations susceptibles d'intervenir à son encontre à hauteur du partage prononcé ;

4°) à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Corbiaux Sols ou toute autre partie succombante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'expert n'a pas remis en cause la conception des travaux mais leur exécution ;

- s'il est tenu de contrôler l'exécution de l'œuvre et de s'assurer que l'entrepreneur ne commet pas de faute apparente, il n'est pas tenu d'être présent sur le chantier au moment de l'exécution des travaux et ne peut être responsable de la faute ponctuelle d'un entrepreneur ;

- il a préconisé les contrôles d'humidité avant la pose du revêtement de sols, lesquels se sont révélés conformes ; il a donc bien assuré sa mission de contrôle ;

- il n'a jamais été alerté par la société Corbiaux Sols de la nécessité de prolonger le séchage ;

- en tout état de cause l'expert a posé une alternative sur les origines du désordre ; une défaillance dans la réalisation des travaux ou la présence d'une fuite sous dallage ; il n'est donc pas possible dans ces conditions d'imputer clairement à tel ou tel constructeur le désordre ;

- il doit donc être mis hors de cause.

Par des mémoires en défense enregistrés les 13 janvier 2020 et 23 juillet 2020, la société Bureau Véritas construction, venant aux droits de la société Bureau Véritas, représentée par Me Draghi-Alonso, conclut :

1°) à titre principal, au rejet des conclusions de la commune de Sarrebourg tendant à ce que sa responsabilité soit retenue ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que toute demande à son encontre soit rejetée et à ce que sa mise hors de cause soit prononcée ;

3°) à ce que soit condamnés solidairement M. A... B..., la société Strubel et la société Corbiaux Sols à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elle ;

4°) au rejet des appels en garantie dirigés contre elle ;

5°) au rejet des conclusions de la commune de Sarrebourg sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

6°) à la condamnation de la commune de Sarrebourg, de M. A... B..., de la société Strubel ou tout autre succombant à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, l'expert judiciaire a expressément écarté sa responsabilité dès lors qu'elle a émis des réserves en cours de chantier ; elle a parfaitement accompli sa mission, aucun aléa à la prévention duquel elle devait contribuer ne s'étant d'ailleurs réalisé ; si le bullage rend le sol impropre à sa destination, il n'a aucun impact sur la solidité de l'ouvrage, qu'elle devait seule rechercher en vertu de l'article 1er des modalités d'intervention de la mission " LP " relative à la solidité des ouvrages et éléments d'équipements dissociables et indissociables ; elle doit, ainsi, être mise hors de cause ;

- elle a relevé l'insuffisance des études réalisées sur le dallage dans un courrier du 3 juillet 2018 ainsi que dans deux avis sur documents d'exécution (ADEX), lesquels sont repris au rapport de fin de contrôle technique (RFCT) ;

- à titre subsidiaire, sa condamnation in solidum est impossible :

•son rôle étant limité à l'émission d'avis auprès du maître de l'ouvrage sur la conformité des ouvrages à un référentiel propre à chacune des missions qui lui sont confiées, sa part de responsabilité ne pourra qu'être cantonnée à ce qui lui incombait ;

•sa convention de contrôle comprend une clause limitative de responsabilité acceptée par le maître d'ouvrage ce qui justifie, a fortiori, l'impossible condamnation in solidum ;

- le contrôleur technique n'étant pas responsable à l'égard des intervenants directs à l'acte de construire, les appels en garantie formés à son encontre doivent être rejetés ;

- en cas de condamnation, elle est fondée à être garantie de toute condamnation solidairement par M. A... B..., la société Strubel et la société Corbiaux Sols.

Par un mémoire enregistré 8 juin 2020, la commune de Sarrebourg, représentée par Me Keller, conclut :

1°) au rejet de la requête d'appel de la société Strubel ;

2°) à l'infirmation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg en ce qu'il a retenu l'absence de responsabilité de la société Bureau Véritas ;

3°) au rejet des demandes de M. A... B... ;

4°) en tout état de cause, à la condamnation de M. A... B..., de la société Corbiaux Sols, de la société Bureau Veritas et de la société Strubel à lui verser, chacun, une somme de 3 000 € en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le sol de la salle de tennis de table est affecté de dommages qui portent atteinte à son intégrité et rendent ainsi l'ouvrage impropre à sa destination ; la responsabilité décennale des constructeurs est dès lors engagée ;

- aucune des parties ne contestent en appel la réalité, ni la nature des désordres ;

- s'agissant de la responsabilité de la société Strubel :

• sa responsabilité décennale doit est engagée :

• elle était tenue de livrer un dallage sec et sans défaut, permettant

d'accueillir le revêtement de sol prévu ;

• la mise en place sur le dallage d'un joint périphérique et polyane n'a pas été effectuée ;

• l'expertise a mis en évidence l'hétérogénéité des bétons utilisés qui a contribué à un mauvais séchage de la dalle, alors même que le devis prévoyait que le béton de la dalle devait être constitué d'un mélange homogène de ciment, d'agrégats et d'eau ;

• la société Strubel ne peut sérieusement conclure que l'expert judiciaire aurait écarté sa responsabilité au motif qu'elle lui a exposé ses observations techniques dans un dire du 25 janvier 2013 et qu'il a indiqué ne pas avoir de commentaires à faire sur ce point ;

- s'agissant de la responsabilité du maître d'œuvre :

• sa responsabilité décennale doit être engagée ;

• M. A... B..., maître d'œuvre, chargé de la conception, de la direction et de l'assistance à la réception des travaux devait s'assurer que la dalle accueillant le revêtement de sol était bien asséchée et à même d'accueillir ce revêtement ; le maître d'œuvre ne démontre pas avoir vérifié cet assèchement de sorte que sa responsabilité est engagée ;

• il n'a procédé à aucune vérification alors qu'il avait été alerté par le contrôleur technique, dans un rapport du 19 juin 2008 avant même les travaux de pose du revêtement, que des dispositions devaient être prises pour éviter la migration d'humidité dans le dallage ;

• la page 12 du rapport d'expertise retient expressément sa responsabilité ;

• le maître d'œuvre a manqué à ses obligations dans le cadre du suivi de l'exécution des travaux en ne s'assurant pas du respect de la norme DTU 53.2 ; il n'a pas alerté le maître d'ouvrage, ni imposé au titulaire du lot la pose d'un joint en polyane imposé par le devis quantitatif et estimatif du marché ;

• à titre subsidiaire, le maître d'œuvre a manqué à son obligation de conseil, ainsi, sa responsabilité est également engagée au titre de la garantie contractuelle de droit commun ;

- s'agissant de la responsabilité du Bureau Veritas, elle n'a émis, après son rapport du 19 juin 2008, aucun avis ou réserve qui aurait permis d'empêcher les désordres constatés de sorte que sa responsabilité est engagée ;

- s'agissant de la responsabilité de la société Corbiaux Sols : elle aurait dû refuser de poser un revêtement de sol sur une dalle qui n'était pas prête à l'accueillir, alors que son attention a été attirée sur la question de migration d'humidité affectant la dalle par le contrôleur technique dans son rapport du 19 juin 2008 et n'a pas respecté les stipulations du DTU 53.2 en posant un revêtement sur le dallage sans prévoir d'interface ;

- à titre subsidiaire, la responsabilité contractuelle des constructeurs mis en cause est engagée au titre de la théorie des désordres intermédiaires ; les locateurs d'ouvrage engagent conjointement leur responsabilité pour faute contractuelle pour avoir manqué, notamment, à leurs obligations contractuelles de résultat ;

- les travaux de reprise s'élèvent à la somme de 45 316,72 euros HT.

Par une ordonnance du 19 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 15 février 2022 à 12h00.

Les parties ont été informées, le 8 février 2022, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office les moyens d'ordre publics suivants :

- irrecevabilité des conclusions de la société Strubel tendant à la condamnation de la société Corbiaux Sols et de M. A... B... à la garantir sur le fondement de la responsabilité délictuelle, non invoquée en première instance, de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre dès lors qu'elles sont nouvelles en appel ;

- irrecevabilité des conclusions de la société Strubel demandant à la cour une détermination des quotes-parts des responsabilités entre les constructeurs au cas où elle serait condamnée, dès lors que de telles conclusions sont nouvelles en appel ;

- irrecevabilité des conclusions d'appel provoqué présentées par M. A... B..., contre la commune de Sarrebourg, dont la situation ne serait pas aggravée en cas de rejet par la cour de l'appel principal présenté par la société Strubel ;

- irrecevabilité des conclusions d'appel provoqué présentées par la commune de Sarrebourg, la société Bureau Véritas Construction dont la situation ne serait pas aggravée en cas de rejet par la cour de l'appel principal présenté par la société Strubel ;

- irrecevabilité des conclusions de M. A... B... tendant à la condamnation des autres constructeurs, par la voie de l'appel incident ou provoqué, à le garantir sur le fondement de la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre, non invoquée en première instance, dès lors qu'elles sont nouvelles en appel ;

Par un mémoire enregistré le 14 février 2022, la commune de Sarrebourg a présenté des observations aux moyens d'ordre public communiqués.

Par un mémoire enregistré le 16 février 2022, la Société Strubel a présenté des observations aux moyens d'ordre public communiqués.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, rapporteure,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public ;

- et les observations de Me Hanriat, représentant la société Strubel et celles de Me Keller, représentant la commune de Sarrebourg.

Considérant ce qui suit :

1. Le 17 mai 2006, la commune de Sarrebourg a conclu avec M. A... B..., architecte, un contrat de maîtrise d'œuvre en vue de la construction d'un bâtiment devant accueillir une salle de tennis de table, attenant au centre sportif " Pierre de Coubertin ". Les travaux de " gros œuvre " (lot n° 01) et de " revêtement de sol sportif " (lot n° 11) ont été confiés, respectivement, à la société Strubel et à la société Corbiaux Sols. Les travaux de revêtement de sol ont donné lieu à une réception sans réserve à effet au 11 décembre 2008. A la suite de désordres de décollement et de cloquage du revêtement de sol constatés en octobre 2010, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a ordonné, à la demande de la commune de Sarrebourg, une expertise au terme de laquelle un rapport a été rendu le 10 avril 2015. Cette dernière a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, la condamnation des constructeurs à lui verser une somme de 50 380,06 euros TTC, en réparation des désordres affectant le sol de la salle de tennis de table du centre sportif, à titre principal sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs. La société Strubel relève appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il l'a condamnée solidairement avec M. A... B... et la société Corbiaux Sols à verser à la commune de Sarrebourg les sommes de : 50 380,06 euros en réparation du préjudice matériel, 7 420,80 euros en remboursement des frais d'expertise et 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la commune de Sarrebourg.

Sur les conclusions d'appel principal de la société Strubel :

2. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

3. Il résulte de l'instruction et plus particulièrement du rapport de l'expert judiciaire du 10 avril 2015 que le cloquage du revêtement du sol de la salle de sport résulte de poches d'humidité résiduelles sous le revêtement de sol. L'expert judiciaire, après avoir écarté deux hypothèses qu'il a qualifiées de " peu probables ", a imputé le phénomène de bullage affectant le revêtement de sol à un séchage imparfait de la dalle résultant à la fois du coulage de celle-ci en plusieurs fois et de l'hétérogénéité des types de bétons utilisés. Le coulage de cette dalle béton incombait à la société Strubel, laquelle devait, au regard du devis quantitatif et estimatif (DQE) du lot 01 " gros œuvre ", réaliser le dallage sur terre-plein pour la grande salle et l'entrée destinée à recevoir un revêtement de sol collé. Il s'ensuit que les désordres résultant d'une humidité résiduelle de la dalle ne peuvent être regardés comme étant totalement étrangers au lot dont la société Strubel avait la charge. Enfin, la circonstance que d'autres constructeurs ont participé à la survenance des désordres, ce qu'a d'ailleurs reconnu le tribunal administratif de Strasbourg est, en application des principes rappelés au point 2, sans incidence sur la responsabilité de la société Strubel.

4. Il résulte de ce qui précède que la société Strubel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée solidairement avec M. A... B... et la société Corbiaux Sols à verser à la commune de Sarrebourg les sommes de : 50 380,06 euros en réparation du préjudice matériel, 7 420,80 euros en remboursement des frais d'expertise et 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la commune de Sarrebourg.

Sur les conclusions d'appel provoqué de la commune de Sarrebourg tendant à la condamnation de la société Bureau Veritas construction et celles de M. A... B... tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il prononce à son encontre une condamnation :

5. En l'absence d'aggravation de la situation de la commune de Sarrebourg et de celle de M. A... B... par la solution donnée à l'appel principal de la société Strubel, lequel est rejeté, leurs conclusions d'appel provoqué, sont irrecevables.

Sur les conclusions d'appel en garantie et partage de responsabilité :

En ce qui concerne les conclusions de la société Strubel :

6. Les conclusions de la société Strubel tendant à la condamnation de la société Corbiaux Sols et de M. A... B... à la garantir des condamnations prononcées à son encontre, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, qui relève d'une cause juridique non invoquée en première instance, sont nouvelles en appel et sont donc par suite irrecevables.

7. La société Strubel demande également à la cour une détermination des quotes-parts des responsabilités entre les constructeurs au cas où elle serait condamnée. Toutefois, ces conclusions sont également nouvelles en appel et sont donc irrecevables

En ce qui concerne les conclusions de M. A... B... :

8. Les conclusions de M. A... B... dirigées contre la société Strubel, par la voie de l'appel incident, et contre les autres constructeurs, par la voie de l'appel provoqué, à le garantir sur le fondement de la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre, n'ont pas été invoquées en première instance. Elles sont donc nouvelles en appel et par suite irrecevables.

Sur les frais d'instance :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Strubel la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Sarrebourg en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

10. Il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des autres parties sur le même fondement. .

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Strubel est rejetée.

Article 2 : La société Strubel versera à la commune de Sarrebourg la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions des autres parties sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Strubel, à la commune de Sarrebourg, à M. A... B..., à la société Bureau Véritas construction et à la société Corbiaux Sols.

2

N° 19NC00450


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00450
Date de la décision : 22/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : M et R AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-03-22;19nc00450 ?
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