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10/03/2022 | FRANCE | N°20NC01433

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 10 mars 2022, 20NC01433


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... épouse A... D... et M. E... A... D... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 29 juillet 2019 par lesquels le préfet de la Marne les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement nos 1902036 et 1902037 du 23 octobre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs

demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juillet 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... épouse A... D... et M. E... A... D... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 29 juillet 2019 par lesquels le préfet de la Marne les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement nos 1902036 et 1902037 du 23 octobre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2020, Mme B... C... épouse A... D... et M. E... A... D..., représentés par Me Gabon, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1902036 et 1902037 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 23 octobre 2019 ;

2°) d'annuler les arrêtés contestés ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de délivrer à chacun d'eux une carte de résident portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser, pour chacun d'entre eux, à leur avocate en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- les arrêtés contestés sont insuffisamment motivés ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de leur situation ;

- leur droit à être entendus n'a pas été respecté ;

- les arrêtés ne pouvaient pas être légalement pris sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que leurs demandes d'asile n'avaient pas été définitivement rejetées ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du paragraphe 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ainsi que les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- M. A... D... ne peut pas voyager sans risque vers leur pays d'origine en raison de son état de santé ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de la Marne, qui n'a pas présenté d'observations en défense.

L'instruction a été close le 18 octobre 2021.

Par lettre du 3 novembre 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de relever d'office le moyen tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction de Mme A... D....

M. et Mme A... D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions en date du 11 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Vidal, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur l'étendue du litige :

1. Il ressort des pièces du dossier que, le 12 août 2021, postérieurement à l'introduction de sa requête en appel, Mme A... D... s'est vue délivrer un certificat de résidence algérien d'une validité d'un an à compter du 27 octobre 2021. En délivrant ce titre de séjour, le préfet a, de manière implicite mais nécessaire, abrogé la mesure d'éloignement contestée, et ainsi, dès lors que cette mesure n'a fait l'objet d'aucune exécution, privé d'objet le litige soumis à la cour par Mme A... D.... Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la requête, en tant qu'elles sont dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination prises à l'encontre de Mme A... D..., ni, par voie de conséquence, sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par cette dernière.

Sur le surplus des conclusions à fin d'annulation de la requête :

2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1, alors applicable, du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. (...) ". Aux termes de l'article R. 733-32 du même code : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article R. 213-6. Il la notifie également au directeur général de l'Office français de protection de réfugies et apatrides. La cour communique au préfet compétent et, à Paris, au préfet de police, lorsque ceux-ci en font la demande, copie de l'avis de réception. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). En l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire. En cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de la CNDA a été régulièrement notifiée à l'intéressé, le cas échéant en sollicitant la communication de la copie de l'avis de réception auprès de la cour.

3. Il ressort des énonciations de l'arrêté contesté que, pour décider d'obliger M. A... D... à quitter le territoire français, le préfet de la Marne s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé avait perdu le bénéfice de son droit à se maintenir en France pour n'avoir pas formé en temps utile un recours devant la Cour nationale du droit d'asile contre la décision du 26 avril 2019 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile. Or, M. A... D... conteste avoir reçu notification de cette décision et le préfet, à qui il incombe d'en justifier car il est seul à même de le faire, n'apporte aucun élément permettant d'en établir la réalité et la régularité, et de vérifier ainsi qu'à la date de l'arrêté contesté, le délai mentionné à l'article L. 743-1 avait expiré.

4. Dès lors, M. A... D... est fondé à soutenir que l'obligation que lui a faite le préfet de quitter le territoire français est illégale. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'il soulève, M. A... D... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué, de cette décision et, par voie de conséquence, de la décision fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

5. Eu égard au motif d'annulation indiqué au point 3, le présent arrêt implique seulement que le préfet procède au réexamen de la situation de l'intéressé. Il y a lieu de lui ordonner de le faire dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme à verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fin d'annulation, d'injonction et d'astreinte présentées par Mme A... D....

Article 2 : L'arrêté du 29 juillet 2019 qui concerne M. A... D... est annulé.

Article 3 : Le jugement nos 1902036 et 1902037 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 23 octobre 2019 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions aux fin d'annulation, d'injonction et d'astreinte présentées par M. A... D... .

Article 4: Il est enjoint au préfet de la Marne de réexaminer la situation de M. A... D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse A... D..., M. E... A... D..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

N° 20NC01433 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC01433
Date de la décision : 10/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : GABON

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-03-10;20nc01433 ?
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