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01/03/2022 | FRANCE | N°20NC00968

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 01 mars 2022, 20NC00968


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 15 octobre 2018 par laquelle le préfet de la Marne lui a ordonné de se dessaisir, dans un délai de trois mois, des armes de toute catégorie dont il est en possession et lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes, types d'armes et munitions de toute catégorie, ensemble la décision du 15 janvier 2019 rejetant son recours gracieux et d'autre part, de l'autoriser à déten

ir ou acquérir des armes de catégorie C et D.

Par un jugement n° 1900549 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 15 octobre 2018 par laquelle le préfet de la Marne lui a ordonné de se dessaisir, dans un délai de trois mois, des armes de toute catégorie dont il est en possession et lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes, types d'armes et munitions de toute catégorie, ensemble la décision du 15 janvier 2019 rejetant son recours gracieux et d'autre part, de l'autoriser à détenir ou acquérir des armes de catégorie C et D.

Par un jugement n° 1900549 du 25 février 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les décisions du préfet de la Marne du 15 octobre 2018 et du 15 janvier 2019 et enjoint au préfet de la Marne de procéder au réexamen de la déclaration d'acquisition d'arme de M. C....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 avril et 10 août 2020, le préfet de la Marne demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de de Châlons-en-Champagne du 25 février 2020 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. C....

Il soutient que :

- le tribunal a manifestement mal qualifié les faits portés à sa connaissance ;

- il a commis une erreur d'appréciation en estimant que les faits dont s'est rendu coupable M. C... ne permettent pas d'établir l'existence d'un comportement laissant craindre une utilisation des armes dangereuse pour lui ou pour les autres ;

- la circonstance que l'autorité judiciaire n'a pas estimé nécessaire de lui interdire la détention d'armes et ne l'a pas condamné à de la prison ferme ne lie pas l'autorité préfectorale ;

- la non inscription à son casier judiciaire de la composition pénale n'affecte pas la validité de l'arrêté qui repose sur des éléments factuels parfaitement établis et récents.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 juillet et le 28 septembre 2020, M. C... représenté par Me Honnet, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit autorisé à détenir ou acquérir des armes de catégorie C et D ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;

- la décision du préfet est insuffisamment motivée ;

- la décision est excessive au regard des faits considérés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Grossrieder, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de M. B..., représentant le préfet de la Marne.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., détenteur d'un permis de chasse depuis l'âge de 15 ans, a fait l'acquisition, le 5 mars 2018 d'une arme de catégorie D, un fusil Jean Cardon de calibre 12, surclassé en catégorie C au 1er août 2018, qu'il a déclaré aux services de la préfecture. Par une lettre du 4 septembre 2018, le préfet l'a informé de l'ouverture d'une procédure pouvant aboutir à ce qu'il lui soit ordonné de se dessaisir de toute arme en sa possession et l'a invité à présenter ses observations, ce qu'il a fait le 27 septembre 2018. Par un arrêté du 15 octobre 2018, le préfet de la Marne lui a ordonné de se dessaisir, dans un délai de trois mois, des armes de toute catégorie dont il est en possession et lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes, types d'armes et munitions de toute catégorie. M. C... a formé, le 14 décembre 2018, un recours gracieux, qui a été rejeté le 15 janvier 2019. Le préfet de la Marne relève appel du jugement du 25 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé ses décisions des 15 octobre 2018 et 15 janvier 2019 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la déclaration d'acquisition d'arme de M. C....

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure dans sa version applicable : " Sans préjudice des dispositions de la sous-section 1, le représentant de l'Etat dans le département peut, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, ordonner à tout détenteur d'une arme de toute catégorie de s'en dessaisir. Le dessaisissement consiste soit à vendre l'arme à une personne qui fabrique ou fait commerce des armes, mentionnée à l'article L. 2332-1 du code de la défense, ou à un tiers remplissant les conditions légales d'acquisition et de détention, soit à la remettre à l'Etat. Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités du dessaisissement. Sauf urgence, la procédure est contradictoire. Le représentant de l'Etat dans le département fixe le délai au terme duquel le détenteur doit s'être dessaisi de son arme ". Aux termes de l'article L. 312-13 du même code, " Il est interdit aux personnes ayant fait l'objet de la procédure prévue à la présente sous-section d'acquérir ou de détenir des armes de toute catégorie. ". Aux termes de l'article R. 312-67 du même code : " Le préfet ordonne la remise ou le dessaisissement de l'arme ou de ses éléments dans les conditions prévues aux articles L. 312-7 ou L. 312-11 lorsque : (...) 3° Il résulte de l'enquête diligentée par le préfet que le comportement du demandeur ou du déclarant est incompatible avec la détention d'une arme ; cette enquête peut donner lieu à la consultation des traitements automatisés de données personnelles mentionnés à l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'enquête prévue par les dispositions précitées de l'article R 312-67 du code de la sécurité intérieure et diligentée par le préfet de la Marne, il est apparu que M. C... a fait l'objet d'une composition pénale pour les faits de violences avec usage ou menace d'une arme, en l'occurrence une bouteille de vin, suivies d'incapacité totale de travail supérieure à 8 jours pour la victime, à Margerie-Hancourt, le 7 août 2016 et de conduite de véhicule sous l'empire d'un état alcoolique avec une concentration d'alcool par litre d'au moins 0,80 gramme (sang) ou 0,40 milligramme (air expiré), à Sainte-Savine, le 11 mars 2018 entraînant une suspension de son permis de conduire probatoire d'une durée de trois mois. De tels faits, par leur nature et leur gravité, sont de nature à regarder le comportement de M. C... comme n'étant pas compatible avec la détention d'une arme. La circonstance que ces faits n'aient aucun lien avec l'usage d'une arme à feu ne s'opposait pas, contrairement à ce qu'a pu juger le tribunal, à ce que le préfet lui ordonne de se dessaisir de ses armes dès lors que les dispositions applicables de l'article L. 312-11 du code de sécurité intérieure n'exigent pas qu'un tel lien soit établi. Si le requérant soutient par ailleurs qu'il n'y aucune inscription à son casier judiciaire et qu'il n'a jamais été condamné pénalement, ces éléments ne suffisent pas, compte tenu de la nature et de la gravité des infractions commises par l'intéressé récemment en 2016 et 2018, à établir que la décision contestée du 15 octobre 2018 que l'administration aurait fait une inexacte application de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure. C'est par suite à tort que le tribunal Châlons-en-Champagne a annulé les décisions du préfet de la Marne des 15 octobre 2018 et 15 janvier 2019 pour ce motif.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C....

Sur les autres moyens :

5. En premier lieu, l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / (...) 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; (...) ".

6. La décision par laquelle le préfet ordonne à un détenteur d'armes de se dessaisir d'armes légalement acquises en sa possession en application de l'article L. 312-3-1 du code de la sécurité intérieure constitue une mesure de police qui doit être motivée en vertu des dispositions du 1° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. La décision du 15 octobre 2018 par laquelle le préfet de la Marne a ordonné à M. C... de se dessaisir, dans un délai de trois mois, des armes de toute catégorie dont il est en possession et lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes, types d'armes et munitions de toute catégorie comporte l'exposé des considérations de droit qui la fondent, notamment des articles L. 312-3-1, L. 312-11 à L. 312-13 et R. 312-74 à R. 312-76 du code de sécurité intérieure. Elle mentionne également l'exposé des considérations de fait la justifiant et plus particulièrement les circonstances pour lesquelles le préfet de la Marne a estimé que le comportement de M. C... laissait craindre une utilisation de ses armes dangereuse pour lui-même ou pour autrui. La motivation de cette décision ne revêt pas, contrairement à ce que soutient l'intéressé, un caractère imprécis. La décision du préfet de la Marne est ainsi suffisamment motivée en droit et en fait au regard des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.

7. En second lieu, si M. C... invoque la disproportion de la décision attaquée, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que ce moyen ne peut qu'être écarté. L'attestation de bonne moralité rédigée par le maire de son village ou sa scolarité ne sauraient remettre en cause cette appréciation compte tenu des faits reprochés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé ses décisions des 15 octobre 2018 et 15 janvier 2019, lui a enjoint de procéder au réexamen de la déclaration d'acquisition d'arme et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par suite il y a lieu d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de ce jugement et de rejeter la demande de première instance de M. C....

Sur les conclusions à fins d'injonction :

9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fins d'annulation de la demande de première instance n'implique pas qu'il soit enjoint au préfet d'autoriser M. C... à acquérir et détenir des armes.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 1900549 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 25 février 2020 sont annulés.

Article 2 : La demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

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N° 20NC00968


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00968
Date de la décision : 01/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-05 Police. - Polices spéciales. - Police du port et de la détention d'armes.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie GROSSRIEDER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : HONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-03-01;20nc00968 ?
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