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10/02/2022 | FRANCE | N°19NC02661

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 10 février 2022, 19NC02661


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance en date du 26 mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis au tribunal administratif de Nancy, le dossier de la requête de M. A... B... enregistré au greffe du tribunal administratif de Strasbourg.

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision implicite du 22 juillet 2017 par laquelle le maire de la commune de Hommert a refusé d'abroger la carte communale en tant qu'elle classe en zone naturelle sa parcelle cadast

rée section 5 n° 101.

Par une ordonnance du 20 juin 2019 le magistrat dés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance en date du 26 mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis au tribunal administratif de Nancy, le dossier de la requête de M. A... B... enregistré au greffe du tribunal administratif de Strasbourg.

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision implicite du 22 juillet 2017 par laquelle le maire de la commune de Hommert a refusé d'abroger la carte communale en tant qu'elle classe en zone naturelle sa parcelle cadastrée section 5 n° 101.

Par une ordonnance du 20 juin 2019 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée sous le n° 19NC02661 le 21 août 2019, M. A... B..., représentée par Me Bozzi, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 20 juin 2019 ;

2°) d'annuler la décision implicite de refus du maire de Hommert de modifier le classement de la parcelle cadastrée section 5, parcelle n° 101 au regard du zonage de la carte communale ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Hommert la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ordonnance est irrégulière et entachée d'une erreur de droit car le courrier de la commune de Hommert qui lui a été adressé le 30 juin 2017 ne pouvait être qualifié de décision faisant grief, dès lors qu'il était signé par le conseil de la commune et ne faisait mention d'aucune décision du maire, de sorte qu'une décision implicite de rejet de sa demande est bien née le 22 juillet 2017 ;

- la décision implicite de rejet est illégale car la carte communale de Hommert est entachée d'incompétence négative car la commune s'est crue liée par une demande de l'Etat, de sorte que le conseil municipal a méconnu sa propre compétence ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation car la parcelle de M. B... est construite et qu'elle est la seule construction existante à ne pas avoir été classée en zone constructible lors de l'élaboration de la carte communale et qu'elle est desservie par la voirie et les réseaux d'eau et d'électricité et que rien dans le rapport de présentation ne justifie un tel classement.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 octobre 2019, la commune de Hommert représentée par Me Veler conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande de première instance était irrecevable, à titre principal parce que le courrier du 30 juin 2017 faisait grief et à titre subsidiaire parce que le recours gracieux de M. B... contre la carte communale adoptée par une délibération du conseil municipal du 18 février 2015 et approuvé par le préfet de la Moselle par arrêté du 25 mars 2015 était tardif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vidal, présidente,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Juliac-Degrelle pour M. A... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., propriétaire d'une parcelle cadastrée section 5 n° 101 située sur le territoire de la commune de Hommert, a demandé au maire, par un courrier de son conseil en date du 22 mai 2017, d'abroger la carte communale de la commune en tant qu'elle classe sa parcelle en zone inconstructible. M. B... relève appel de l'ordonnance du 20 juin 2019 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable sur le fondement de l'article R. 222-1 4° du code de justice administrative.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Il résulte des dispositions des articles 4 et 6 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques que, sous réserve des dispositions législatives et réglementaires excluant l'application d'un tel principe dans les cas particuliers qu'elles déterminent, les avocats ont qualité pour représenter leurs clients devant les administrations publiques sans avoir à justifier du mandat qu'ils sont réputés avoir reçu de ces derniers dès lors qu'ils déclarent agir pour leur compte. Si ces dispositions autorisent également les personnes publiques à se faire représenter par des avocats dans leurs relations avec les autres personnes publiques ou avec les personnes privées, aucune décision administrative ne saurait toutefois résulter des seules correspondances de ces derniers, en l'absence de transmission, à l'appui de ces correspondances, de la décision prise par la personne publique qu'ils représentent.

3. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté comme irrecevable la demande de M. B..., sur le fondement de l'article R. 222-1 4° du code de justice administrative au motif que le maire de la commune de Hommert s'était expressément prononcé par une décision du 28 juin 2017 sur sa demande en date du 22 mai 2017 tendant à l'abrogation partielle de la carte communale de la commune de Hommert, de sorte qu'aucune décision implicite n'avait pu naître sur une telle demande.

4. Il résulte de l'instruction que le courrier adressé le 28 juin 2017 rejetant pour tardiveté la demande formulée par le conseil de M. B... était signé par le conseil de la commune de Hommert sans être accompagné par une décision du maire de la commune même s'il comprenait en annexe plusieurs pièces permettant d'en expliciter le contenu et notamment l'arrêté préfectoral du 25 mars 2015 approuvant la carte communale de Hommert ainsi que son certificat d'affichage. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable sur ce fondement. L'ordonnance attaquée qui est irrégulière doit donc être annulée.

5. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle sa demande d'abrogation partielle de la carte communale de la commune de Hommert a été rejetée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

6. Le courrier du 22 mai 2017 adressé par M. B... tendant à l'abrogation de la carte communale de la commune de Hommert en tant qu'elle procède au classement de la parcelle cadastrée section 5 parcelle n° 101 sur le plan communal en zone naturelle a fait naître une décision implicite de rejet.

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " L'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un schéma directeur, d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan d'occupation des sols, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ne peut être invoquée par voie d'exception, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document en cause. / Les dispositions de l'alinéa précédent sont également applicables à l'acte prescrivant l'élaboration ou la révision d'un document d'urbanisme ou créant une zone d'aménagement concerté. / Les deux alinéas précédents ne sont pas applicables lorsque le vice de forme concerne : / -soit l'absence de mise à disposition du public des schémas directeurs dans les conditions prévues à l'article L. 122-1-2 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains ; /-soit la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l'enquête publique sur les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales ; /-soit l'absence du rapport de présentation ou des documents graphiques".

8. Si les dispositions de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme n'ont ni pour objet ni pour effet de limiter la possibilité ouverte à tout requérant de demander l'abrogation d'actes réglementaires illégaux ou devenus illégaux et de former un recours pour excès de pouvoir à l'encontre d'éventuelles décisions explicites ou implicites refusant de faire droit à une demande d'abrogation d'un acte réglementaire, elles font obstacle, sous réserve notamment de la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l'enquête publique, à ce que l'illégalité pour vice de forme ou de procédure du plan local d'urbanisme soit invoquée, par voie d'exception, à l'appui du recours dirigé contre la décision refusant d'abroger le document d'urbanisme, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date de la prise d'effet du document en cause.

9. M. B... soutient que la carte communale de la commune de Hommert est entachée d'une incompétence négative au motif que dans un courriel qui lui a été adressé par le maire le 16 février 2017, celui-ci lui a indiqué que sa parcelle est restée en " zone naturelle lors de l'élaboration de la carte communale car les services de la DDT se sont opposés à l'intégration de celle-ci en zone urbanisée afin de préserver les espaces naturels ". Toutefois, l'attestation du 16 février 2017 adressée au requérant par le maire de la commune de Hommert lui indiquant que ce sont les services de la DDT qui ont décidé du classement de sa parcelle en zone naturelle n'est pas de nature à établir que le conseil municipal aurait méconnu sa compétence ni qu'il se serait cru lié par une demande de l'Etat. Par ailleurs et en tout état de cause en application de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme, un vice de légalité externe soulevé, par la voie d'exception, à l'encontre de la carte communale approuvée par arrêté régulièrement publié du préfet de la Moselle le 25 mars 2015, par requête du 27 juillet 2017, après l'expiration du délai de six mois ayant couru de la date de prise d'effet de la carte communale en litige, ne constituant pas une méconnaissance substantielle, ni la violation des règles d'enquête publique sur la carte communale, ne peut être qu'écarté.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 124-2 du code de l'urbanisme : " Les cartes communales délimitent les secteurs où les constructions sont autorisées et les secteurs où les constructions ne sont pas admises, à l'exception de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension des constructions existantes ou des constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à l'exploitation agricole ou forestière et à la mise en valeur des ressources naturelles ".

11. Il appartient aux auteurs d'une carte communale de déterminer le parti d'aménagement à retenir en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des divers secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme. Leur appréciation peut être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

12. Si M. B... soutient que son habitation a été autorisée sur cette parcelle par permis de construire en date du 3 novembre 2011, qu'elle est la seule construction existante à ne pas avoir été classée en zone constructible lors de l'élaboration de la carte communale, ce qui au demeurant n'est pas établi, alors qu'elle est parfaitement accessible depuis une voie publique et demeure parfaitement viabilisée et que ce terrain est situé à proximité immédiate de deux équipements communaux, le terrain de football et le foyer communal, ces circonstances ne sont pas de nature à établir que le classement de la parcelle en litige en zone inconstructible serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, alors même que le rapport de présentation prévoit la densification du village avec un secteur d'extension dans la partie Sud de la commune et dans sa partie Nord et de préserver les espaces naturels présents sur la commune.

13. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Hommert, que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande d'abrogation de la carte communale de la commune de Hommert en tant qu'elle classe en zone naturelle sa parcelle cadastrée section 5 n° 101.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

15. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Hommert, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. B... au titre des frais non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement à la commune de Hommert de la somme qu'elle demande au titre des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du 20 juin 2019 du tribunal administratif de Nancy est annulée.

Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Hommert tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Hommert.

N° 19NC02661 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02661
Date de la décision : 10/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

01-05-04-01 Actes législatifs et administratifs. - Validité des actes administratifs - motifs. - Erreur manifeste. - Existence.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Sylvie VIDAL
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : LEONEM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-02-10;19nc02661 ?
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