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03/02/2022 | FRANCE | N°21NC01780

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 03 février 2022, 21NC01780


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 7 avril 2021 par lesquels le préfet de la Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a assigné à résidence dans le département de la Marne pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2100771 du 14 avril 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a admis à ti

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 7 avril 2021 par lesquels le préfet de la Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a assigné à résidence dans le département de la Marne pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2100771 du 14 avril 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a admis à titre provisoire M. Martinez A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juin 2021, M. C... B... A..., représenté par Me Hami-Znati, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 avril 2021 ;

2°) d'annuler ces arrêtés du 7 avril 2021 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet ne l'a pas interrogé préalablement à l'édiction de la décision méconnaissant ainsi son droit d'être entendu et entachant sa décision d'un défaut d'examen particulier ;

- elle porte atteinte à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 9 du code civil ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle a été signée par une autorité qui doit justifier de sa compétence ;

Sur l'arrêté portant assignation à résidence :

- il a été signé par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il se fonde sur la décision portant obligation de quitter le territoire français qui est illégale ;

- il est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été entendu préalablement ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

M. Martinez A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lambing a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. Martinez A..., né en 1984 et de nationalité colombienne, est entré régulièrement en France le 8 septembre 2017 sous couvert d'un visa long séjour mention " étudiant ". Le 3 décembre 2019, le préfet de la Marne a refusé sa demande de renouvellement de son titre de séjour étudiant et a pris à son encontre une mesure d'éloignement. La légalité de cet arrêté a été confirmée par arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 22 juin 2021. L'intéressé s'est irrégulièrement maintenu sur le territoire français. A la suite de son interpellation dans le cadre d'une infraction au code de la route, par arrêté du 7 avril 2021, le préfet de la Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. Ces décisions ont été assorties d'une assignation à résidence dans le département de la Marne par arrêté du même jour. M. Martinez A... relève appel du jugement du 14 avril 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés du 7 avril 2021.

Sur les arrêtés dans leur ensemble :

2. M. Martinez A... reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés en première instance, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'insuffisance de motivation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Ce droit ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter son point de vue sur la décision en cause. S'agissant particulièrement des décisions de retour, le droit d'être entendu implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et les motifs susceptibles de justifier qu'une décision de retour ne soit pas prononcée à son encontre. Mais il n'implique pas l'obligation, pour l'administration, de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

4. Contrairement à ce que soutient M. Martinez A..., il ressort du procès-verbal produit en première instance par le préfet qu'au cours de son audition par le commissariat de police de Reims le 7 avril 2021, il a été expressément invité à détailler sa situation privée et familiale en France. Il a également clairement exprimé son souhait de demeurer en France pour y poursuivre ses études. Le requérant, qui avait déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, n'apporte pas d'élément de nature à établir qu'il n'a pas pu, préalablement à l'édiction de la décision litigieuse et notamment lors de cette audition par les services de police, indiquer les raisons qui feraient obstacle à son éloignement. Le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit, en conséquence, être écarté.

5. En deuxième lieu, à supposer même que le requérant ait entendu soulever le moyen tiré d'un défaut d'examen particulier au motif que le préfet ne lui aurait pas demandé de préciser sa situation actuelle, eu égard aux circonstances rappelées au point précédent, le moyen doit être écarté comme manquant en fait.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 9 du code civil : " Chacun a droit au respect de sa vie privée ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. Martinez A... était présent en France depuis trois ans et demi à la date de la décision attaquée. Il y a séjourné régulièrement jusqu'en juin 2019 sous couvert d'un titre de séjour étudiant. Il s'était inscrit, au titre des années 2017-2018 et 2018-2019, en diplôme universitaire d'études françaises au sein du centre international d'études françaises de l'université de Reims Champagne-Ardenne, où il a validé successivement les niveaux A1, A2 et B1, B2 du cadre européen commun de références pour les langues avec la mention " Très Bien ", puis " Bien ". Il s'était inscrit, pour l'année 2019-2020, dans une formation afin d'obtenir le diplôme universitaire d'études françaises niveau C1. Par un arrêté du 3 décembre 2019, le préfet de la Marne a refusé de faire droit à sa demande de renouvellement et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. Martinez A... s'est maintenu irrégulièrement en France malgré cette mesure d'éloignement dont la légalité a été confirmée par arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 22 juin 2021. Si le requérant produit une quittance de loyer de février 2021 relatif à l'occupation d'un logement individuel, cette circonstance ne saurait suffire à justifier d'une insertion particulière en France. En outre, M. Martinez A..., qui est entré en France à l'âge de trente-deux ans, n'établit pas être dépourvu de toute attache en Colombie. Il a par ailleurs déclaré lors de son audition le 7 avril 2021 n'avoir aucune famille en France. Enfin, si le requérant se prévaut de son admission le 26 mai 2021, en 3ème année de licence commerce international anglais-espagnol à l'université de Rennes pour l'année universitaire 2021-2022, cette circonstance, postérieure à la décision attaquée, est sans incidence. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations et dispositions précitées une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise.

8. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision d'assignation à résidence :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant assignation à résidence.

10. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, M. Martinez A..., qui a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement qu'il n'a pas exécutée et a été auditionné par les services de police le 7 avril 2021, comme il a été dit précédemment, a pu faire valoir les éléments pertinents relatifs à sa situation tant en ce qui concerne son séjour en France que ses perspectives d'éloignement avant que n'intervienne la décision l'assignant à résidence. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit d'être entendu.

11. En dernier lieu, M. Martinez A... n'apporte aucun élément qui démontrerait que la mesure le contraignant à demeurer dans le département de la Marne et à se présenter une fois par jour entre 8 et 9 h au commissariat de police de Reims, commune où il réside, présenterait pour lui un caractère disproportionné. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision attaquée doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. Martinez A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. Martinez A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Marne.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Lambing, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2022.

La rapporteure,

Signé : S. LAMBING Le président,

Signé : J. B...

La greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

2

N° 21NC01780


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01780
Date de la décision : 03/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : HAMI - ZNATI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-02-03;21nc01780 ?
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