Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2020 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2001451 du 22 décembre 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistré le 26 mai et 2 novembre 2021, M. B... A..., représenté par Me Bocher-Allanet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 décembre 2020 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 29 juillet 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans ce même délai, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
- la décision méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et au regard des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité entachant la décision de refus de séjour ;
Sur la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation familiale ;
- elle méconnaît le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 3-1 et 7 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2021, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lambing a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né en 1996 et de nationalité ivoirienne, est entré irrégulièrement en France le 15 mai 2017. Il a fait l'objet d'une procédure de réadmission auprès des autorités espagnoles dans le cadre d'une demande d'asile, qui aurait été exécutée en janvier 2019. Le 25 juin 2019, M. A... a déposé une demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par arrêté du 29 juillet 2020, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 22 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 29 juillet 2020.
Sur la décision de refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ". Par ailleurs, aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ".
3. Pour refuser de délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Doubs, en se fondant notamment sur un rapport de la police aux frontières du 1er juillet 2020, a estimé que M. A... n'établissait pas de façon probante contribuer à l'entretien et à l'éducation de sa fille.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a eu une fille née le 23 janvier 2019 avec sa compagne de nationalité française, qu'il a reconnue le 12 juin 2018. Le couple s'est séparé en mars 2020, M. A... ne vivant plus avec sa fille à compter de cette date. M. A... a commencé une nouvelle relation depuis août 2020. Le rapport de la police aux frontières de Pontarlier du 1er juillet 2020 mentionne que des factures d'habillement ont été présentées lors de l'audition de M. A... et sont jointes au rapport. Lors de son audition, la mère de l'enfant a déclaré que le père venait chercher sa fille deux ou trois fois par semaine et la gardait durant deux jours consécutifs. Elle a également précisé que les vêtements achetés par le père étaient gardés dans l'appartement qu'il occupait. Elle a enfin indiqué qu'elle assurait 90 % de l'éducation et de l'entretien de l'enfant, et qu'une procédure auprès du juge des affaires familiales a été engagée pour donner un cadre légal à la garde alternée organisée entre les parents. Cet élément est confirmé par la requête auprès du juge aux affaires familiales enregistrée le 28 octobre 2021, produite par le requérant, qui tend à faire reconnaître ses droits parentaux, notamment un droit d'hébergement de sa fille. La police aux frontières mentionne en outre dans son rapport que M. A... a eu une attitude violente à l'encontre de la mère de son enfant au moment de la séparation, cette dernière ayant déposé plainte. Le préfet fait valoir en défense que le comportement de M. A... constituerait ainsi une menace à l'ordre public. Cependant, le préfet n'apporte aucune précision sur les suites données à cette plainte. Le préfet évoque également un rappel à la loi dont aurait fait l'objet M. A... en raison de violences sur sa nouvelle compagne. Cette allégation n'est corroborée par aucune pièce permettant de justifier que les faits sont antérieurs à la date de la décision attaquée, d'autant que M. A... atteste vivre en couple avec son concubin depuis avril 2020 et non avec une nouvelle compagne. Le requérant produit quant à lui des attestions de tiers qui font état des liens avec sa fille. Un certificat d'un médecin généraliste du 30 septembre 2021 atteste avoir reçu en consultation la fille de M. A... en présence de son père. Enfin, le requérant produit des photographies de moments passés avec sa fille à différents âges. Des échanges de sms entre lui et la mère de l'enfant, antérieurs à la décision attaquée, ont été également communiqués en première instance. Il ressort de ces échanges que les parents s'organisaient, en général les jeudis, pour la garde de leur fille les fins de semaines, et que M. A... réalisait des achats pour celle-ci. Dès lors, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, M. A... doit être regardé comme contribuant effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants au sens du 6° de l'article L. 313-11 du code, dans la mesure de ses capacités financières nécessairement très modestes. Il s'ensuit que le requérant est fondé à soutenir qu'en prenant l'arrêté attaqué le préfet a méconnu ces dispositions. Par suite, il y a lieu d'annuler le refus de de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Eu égard au motif de l'annulation ci-dessus prononcée, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Doubs de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 :
7 . M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'avocat de M. A... d'une somme de 1 500 euros, sous réserve que Me Bocher-Allanet renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 22 décembre 2020 et l'arrêté du 29 juillet 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Bocher-Allanet une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Doubs.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Lambing, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2022.
La rapporteure,
Signé : S. LAMBING Le président,
Signé : J. MARTINEZ
La greffière,
Signé : C. SCHRAMM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. SCHRAMM
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N° 21NC01530