La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/02/2022 | FRANCE | N°20NC02689

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 03 février 2022, 20NC02689


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de la somme correspondant aux droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et aux pénalités assignés à la société A... Autos au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2003 au paiement de laquelle il a été déclaré solidairement tenu sur le fondement de l'article 1745 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1704719 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ce

tte demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 septembre 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de la somme correspondant aux droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et aux pénalités assignés à la société A... Autos au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2003 au paiement de laquelle il a été déclaré solidairement tenu sur le fondement de l'article 1745 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1704719 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 septembre 2020 et un mémoire enregistré le 8 juin 2021, M. A..., représenté par Me Ackermann, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de le décharger intégralement des sommes mises à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le jugement lui a opposé l'expiration du délai de réclamation de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales alors que la mise en jeu de la responsabilité solidaire du dirigeant constitue un évènement au sens de ces dispositions ; la mise en demeure valant commandement de payer lui ayant été notifiée le 3 décembre 2011 et la cour ayant prononcé la décharge des impositions le 11 octobre 2012, le dégrèvement des sommes prononcées à la suite de cet arrêt aurait dû conduire l'administration à lui notifier un nouvel avis de mise en recouvrement ou une nouvelle mise en demeure ; en l'absence de cet acte, le délai n'a pas commencé à courir ;

- il résulte de ces mêmes éléments de procédure que l'administration poursuit le recouvrement de sommes supérieures à celles restant à la charge de la société à la suite de ce dégrèvement ;

- les sommes mises à sa charge n'ont pas été précédées d'un avis de mise en recouvrement adressé à la société A... Autos non plus qu'à lui-même ;

- l'arrêt de la cour impliquait nécessairement le dégrèvement de la totalité des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dès lors que ceux-ci étaient intégralement fondés sur la qualité d'assujettis revendeurs des fournisseurs de la société A... Autos dont la cour a reconnu le mal-fondé ; l'administration, n'étant pas en mesure de fournir une liste des véhicules concernés, ne démontre pas que ces rappels auraient été partiellement fondés sur des acquisitions de véhicules neufs.

Par des mémoires en défense enregistrés les 27 avril et 9 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code des procédures civiles d'exécution ;

- la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Agnel ;

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Ackermann, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. La SARL A... Autos a été assujettie, pour la période comprise entre le 1er mai 2001 et le 31 décembre 2003, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au motif qu'elle avait appliqué à tort le régime de taxation de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévu par les dispositions de l'article 297 A du code général des impôts lors de la revente de véhicules automobiles, soit parce qu'il s'agissait de véhicules neufs auxquels ce régime n'était pas applicable, soit parce que, contrairement aux mentions relatives à une livraison intracommunautaire portées sur les factures, certains des véhicules n'avaient pas quitté la France et n'avaient pu, dès lors, être livrés par ses fournisseurs allemands sous ce régime, soit enfin par ce que d'autres véhicules provenaient d'autres Etats membres de la communauté européenne et avaient appartenu à des fournisseurs n'ayant pas la qualité d'assujettis revendeur, au sens des dispositions de l'article 256 bis du code général des impôts. Les impositions consécutives à cette procédure ont été mises en recouvrement le 30 novembre 2004 à hauteur de 1 485 995 euros en droits et de 1 289 784 euros au titre des pénalités. Par arrêt n° 11NC01939 du 8 novembre 2012, la cour a déchargé la société A... Autos " du supplément de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er mai 2001 au 31 décembre 2003 au titre des véhicules provenant d'autres Etats membres de la communauté européenne et ayant appartenu à des fournisseurs s'étant prévalus de la qualité d'assujettis revendeurs ". En exécution de cet arrêt, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement des sommes de 710 048 euros en droits et 515 581 euros au titres des pénalités par décision du 27 novembre 2012.

2. Par jugement du 27 septembre 2007, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Metz du 8 octobre 2009, lui-même confirmé par arrêt de la Cour de cassation du 10 février 2010, le tribunal de grande instance de Metz a déclaré M. B... A..., gérant de la société A... Autos, accessoirement à sa condamnation pénale pour fraude fiscale, solidairement redevable, sur le fondement de l'article 1745 du code général des impôts, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités assignés à cette société au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2003. En exécution de cette décision de justice, l'administration a notifié à l'intéressé le 3 décembre 2011 une mise en demeure valant commandement de payer les sommes de 956 120 euros en droits et 764 896 euros au titres des pénalités. A la suite de l'arrêt de la cour du 8 novembre 2012, ci-dessus analysé, l'administration a toutefois dégrevé M. A... le 27 novembre 2012 de la somme de 448 701 euros en droits et de 358 961 euros pour les pénalités. Par deux réclamations des 9 septembre 2016 et 16 mai 2017, M. A... a demandé notamment la décharge de l'obligation de payer les sommes laissées à sa charge. Ces réclamations ont été rejetées les 7 février et 18 août 2017. M. A..., qui doit être regardé comme ayant formé ces réclamations à la fois en matière d'assiette et de recouvrement, relève appel du jugement du 30 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur la recevabilité de la demande en ce qui concerne les conclusions en matière d'assiette :

3. Aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) de la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement (...) c) de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. (...) ". D'une part, la mise en jeu de la solidarité de paiement par le comptable chargé du recouvrement des impôts constitue pour le débiteur solidaire un événement lui ouvrant un délai propre de réclamation au sens des dispositions précitées du c de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales et ce délai court à compter de la date de la mise en demeure l'invitant à s'acquitter desdites impositions. D'autre part, seuls doivent être regardés comme constituant le point de départ du délai prévu par le c de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, les événements de nature à exercer une influence sur le bien-fondé de l'imposition, soit dans son principe, soit dans son montant.

4. Aux termes de l'article R. 256-2 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le comptable poursuit le recouvrement d'une créance à l'égard de débiteurs tenus conjointement ou solidairement au paiement de celle-ci, il notifie préalablement à chacun d'eux un avis de mise en recouvrement ". Aux termes de l'article 3 de la loi ci-dessus visée du 9 juillet 1991 ensuite codifié à l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution : " Seuls constituent des titres exécutoires : 1° Les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire (...) ".

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 ci-dessus, que M. A... a été déclaré débiteur solidaire, sur le fondement de l'article 1745 du code général des impôts, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes mis à la charge de la société A... autos au titre de la période du 1er mai 2003 au 31 décembre 2003, par une décision du juge judiciaire ayant force exécutoire. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, notamment de l'accusé de réception produit par l'administration devant les premiers juges, qu'une mise en demeure valant commandement de payer les impositions ci-dessus mentionnées a été régulièrement notifiée à M. A... le 3 décembre 2011. A cet égard, dès lors que l'administration disposait d'un titre exécutoire constitué par la décision du juge judiciaire ayant force exécutoire, cette mise en demeure n'avait pas à être précédée par la notification d'un avis de mise en recouvrement. Il s'ensuit que la notification régulière de cette mise en demeure a commencé à faire courir à l'égard de M. A... le délai prévu par les dispositions précitées du c de l'article R.196-1 du livre des procédures fiscales pour contester les impositions ci-dessus mentionnées dont le paiement lui a été réclamé, qui a expiré le 31 décembre 2013. Il est vrai que la décision de dégrèvement du 27 novembre 2012, faisant suite à l'arrêt de la cour du 8 novembre 2012, a constitué un nouvel évènement de nature à faire courir un nouveau délai de réclamation lequel expirait le 31 décembre 2014 en vertu des dispositions ci-dessus reproduites de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales. En conséquence, les réclamations introduites par M. A... les 9 septembre 2016 et 16 mai 2017 étaient tardives en tant qu'elles concernaient l'assiette des impositions. M. A... n'est à cet égard pas fondé à soutenir que l'expiration du délai ne lui serait pas opposable en l'absence d'une nouvelle mise en demeure faisant suite à la décision de dégrèvement du 27 novembre 2012, dès lors que cette décision a maintenu l'exigibilité de celles des sommes mentionnées dans la mise en demeure qu'elle n'a pas dégrevées. Par suite, c'est à juste titre que le jugement attaqué, dont le requérant ne conteste pas la régularité, a rejeté les conclusions de M. A... présentées en matière d'assiette comme étant irrecevables.

Sur les conclusions en matière de recouvrement :

6. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / (...) Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter :/1° Sur la régularité en la forme de l'acte ;/ 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés :/ a) Pour les créances fiscales, devant le juge de l'impôt prévu à l'article L. 199 ". Par ses réclamations ci-dessus visées au point 2, M. A... a également soutenu qu'il ne subsistait plus de sommes exigibles relativement à son obligation au paiement des dettes de la SARL A... Autos par l'effet de l'arrêt de la cour du 8 novembre 2012 lequel impliquait selon lui la décharge totale des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée assignés à cette société.

En ce qui concerne l'existence d'une créance à l'encontre du débiteur principal :

7. L'administration justifie par les pièces produites en appel avoir notifié le 9 décembre 2004 à la SARL A... Autos un avis de mise en recouvrement des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités assignés à cette société à la suite de la vérification de comptabilité. Dès lors, M. A... a été régulièrement poursuivi aux fins de paiement de ces sommes en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Metz ci-dessus analysé au point 1. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il n'existerait pas de créance de l'administration à l'encontre du débiteur principal justifiant qu'il soit poursuivi en sa qualité de tiers solidairement tenu à son paiement.

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut d'avis de mise en recouvrement établi au nom du requérant :

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 ci-dessus qu'en vertu des règles rappelées au point 4, dès lors que l'administration disposait d'un titre exécutoire constitué par la décision du juge judiciaire ayant force exécutoire, la mise en demeure notifiée au requérant le 3 décembre 2011 n'avait pas à être précédée par la notification d'un avis de mise en recouvrement. Il s'ensuit que la notification régulière de cette mise en demeure valant commandement de payer a valablement mis en œuvre l'action en recouvrement des sommes litigieuses à l'encontre de M. A....

En ce qui concerne le moyen tiré de la nécessité d'une nouvelle mise en demeure :

9. Contrairement à ce que soutient le requérant, la décision de dégrèvement du 27 novembre 2012 a laissé à sa charge celles des sommes qui lui avaient été assignées par la mise en demeure du 3 décembre 2011 dont elle n'a pas prononcé le dégrèvement et qui sont ainsi demeurées exigibles. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la modification de la créance résultant de la décision de dégrèvement du 27 novembre 2012 impliquait nécessairement la notification d'une nouvelle mise en demeure valant commandement de payer.

En ce qui concerne la quotité de la créance exigible :

10. Il résulte de l'arrêt ci-dessus analysé du 8 novembre 2012, passé en force de chose jugée, que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL A... Autos étaient fondés sur trois motifs distincts et que cet arrêt a prononcé la décharge des seuls rappels fondés sur le dernier d'entre ces motifs, à savoir celui reposant sur la qualité injustifiée d'assujettis revendeurs des fournisseurs de certains des véhicules ayant donné lieu à l'application du régime de taxation sur la marge. C'est dès lors en faisant une exacte application de cet arrêt que l'administration a dégrevé les seuls rappels procédant de ce motif ayant concerné les véhicules identifiés dans la proposition de rectification du 7 juillet 2004 sur la base du livre de police de l'année 2003. Par suite, M. A..., lequel ne saurait utilement contester le bien-fondé des rappels d'impôt dans le cadre de ses conclusions relatives au contentieux du recouvrement, n'est pas fondé à soutenir que l'exécution de l'arrêt du 8 novembre 2012 impliquait la décharge totale des impositions et pénalités mises à la charge de la SARL A... Autos.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2022.

Le rapporteur,

Signé : M. AGNELLe président,

Signé : J. MARTINEZ

La greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

N° 20NC02689

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02689
Date de la décision : 03/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-01-05-02 Contributions et taxes. - Généralités. - Recouvrement. - Paiement de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : CABINET KPMG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-02-03;20nc02689 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award